Selon une étude conduite par Mark Z. Jacobson de l'université de Stanford (Etats-Unis) et publiée le 23 août dans la revue scientifique Joule, il est possible de contenir la hausse de la température globale à 1,5°C et de créer 24,3 millions d'emplois grâce à une électricité produite par le vent, l'eau et le soleil (WWS : Wind, Water, Sun) à 80% en 2030 et à 100% en 2050 dans 139 pays. En termes de santé publique, le bilan serait très positif : 4,6 millions de morts prématurées dues à la pollution atmosphérique seraient évitées d'ici à 2050.
Comparer énergie renouvelable et énergie conventionnelle
"Ces scénarios ne sont pas des prédictions. Ils présentent une proposition pour un mix énergétique final électrique pour tous les secteurs et un échéancier pour y parvenir dans 139 pays". Les auteurs de cette feuille de route "unifiée", effectuée dans les pays où les données énergétiques sont disponibles, estiment que les principaux obstacles qui empêchent d'y parvenir "sont d'ordre politique et social". Selon eux, les lacunes des autres nombreux scénarios de ce type résident dans le fait qu'ils ne prennent pas en compte les effets positifs du passage au tout électrique sur la pollution de l'air et le climat.
La présente étude table sur les techniques existantes - solaire, éolien, hydroélectricité, géothermie, et de possibles évolutions des énergies marines. La plupart de ces technologies, qui permettent de remplacer les énergies fossiles, sont déjà disponibles sur le marché à un prix commercialement accessible et peuvent être employées dans de multiples équipements - pompes à chaleur électriques, cuisinières à induction, véhicules électriques...
Méthodologiquement, les auteurs commencent par quantifier la demande en énergie en 2050 dans 139 pays avant et après que les secteurs énergétiques aient été électrifiés. Puis ils passent en revue les ressources renouvelables disponibles dans chacun de ces 139 pays et simulent plusieurs types de combinaison de génération de l'électricité pour satisfaire la demande annuelle. Ils identifient les stockages additionnels possibles de l'électricité en fonction des besoins intermittents et continus. Enfin, ils quantifient l'empreinte en termes d'espace, dans les océans quand il s'agit d'offshore, et à terre, plus les coûts énergétiques, les pollutions atmosphériques induites, les coûts climatiques et les destructions et créations nettes d'emplois (estimées à 24,3 millions) en regard de scénarios conventionnels (business as usual).
En résumé, chacun des scénarios proposés compare les effets de 100% de vent, d'eau et de soleil avec les productions conventionnelles d'énergie à base de combustibles fossiles en termes de demande énergétique finale, de nombre de générateurs requis, de matières premières et de potentiels de surfaces. L'étude fait aussi le bilan des coûts énergétiques comparés entre renouvelables et énergies fossiles et propose un échéancier de transition.
Les auteurs soulignent que les technologies WWS sont dépourvues de risque, ce qui n'est pas le cas de l'électricité d'origine nucléaire : "Ainsi nous proposons et évaluons un système au bénéfice environnemental élevé et aux risques réduits". Ils estiment possible de mobiliser ces technologies en temps et en heure. Ce scénario permettrait aussi à quatre milliards de personnes d'accéder à l'électricité.
Les renouvelables induisent l'efficacité énergétique
En outre, le scénario WWS agit comme un levier global d'efficacité énergétique. C'est la principale affirmation de cette étude. La conversion en électricité des secteurs actuellement alimentés par les énergies fossiles entraînerait une stabilisation de la consommation d'énergie finale. Estimée à 12.105 TW (térawatts) en 2012, elle passerait à 11.840 TW en 2050 au lieu de 20.604 en scénario tendanciel, et ce en tenant compte de la hausse de la demande en énergie dans les 139 pays étudiés.
Par rapport aux énergies de combustion, les auteurs estiment en effet que le rendement énergétique d'un système basé sur les énergies renouvelables est de 23% supérieur à celui des énergies de combustion. Ces dernières exigent un apport constant de matières premières fossiles - pétrole, gaz, charbon -, dont le processus d'extraction et d'acheminement est plus consommateur d'énergie sur l'ensemble de la chaîne de production.
Les 11.800 TW produits en 2050 remplaceraient intégralement les énergies fossiles, le nucléaire et les biocarburants. Avec une production de 6.814 TW, le solaire couvrirait 57% des besoins, l'éolien 37%, l'énergie hydraulique 4% (en tenant compte de l'assèchement des rivières dû au changement de régime des pluies), la géothermie 0,67% et enfin, l'énergie marémotrice 0,64%. Il faudrait 1,8 milliard de panneaux photovoltaïques résidentiels, 1,5 milliards d'éoliennes onshore et 935.000 éoliennes offshore, soit au total, en comptant les installations marémotrices et autres, près de deux milliards de convertisseurs pour couvrir les besoins sous la forme d'électricité renouvelable dans les 139 pays étudiés. Le coût en capital de ces nouvelles installations reviendrait à 2.5 millions de dollars par MW, "à comparer aux 2,7 millions par mégawatt produit en scénario tendanciel".
Les auteurs estiment qu'en termes de consommation d'espace, ces équipements, principalement installés sur les toitures existantes, ne nécessiteraient que 0,22% de surface supplémentaire. En termes d'utilisation de matières premières, l'étude estime le bilan avantageux par rapport aux énergies fossiles, qui requièrent une extraction continue, alors que les renouvelables n'utilisent que les matériaux nécessaires à fabriquer les convertisseurs. Reste à évaluer s'il y aura assez de ressources disponibles sur Terre pour construire les deux milliards de générateurs nécessaires à ce grand basculement.