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Actu-Environnement

Le rapport de la mission du Sénat sur l'amiante est accablant pour l'État et les industriels

Le rapport estime que les carences du système de santé au travail, l'absence à l'époque de tout système de veille et d'alerte et l'existence d'un lobby industriel de l'amiante ont contribué à une prise de conscience tardive de ce drame.

Risques  |    |  C. Seghier
L'amiante du fait de sa haute résistance aux produits chimiques, sa stabilité thermique, sa flexibilité élevée et sa basse conductivité électrique a été utilisé massivement dans l'industrie et le bâtiment pendant des décennies avant son interdiction en 1996. À l'origine de plus de 35 000 décès depuis le milieu des années 60, jusqu'à son interdiction en 1997, l'exposition à l'amiante, nom générique donné à six minerais fibreux*, est associée à plusieurs maladies humaines et notamment à des cancers broncho-pulmonaires ou cancer primitif de la plèvre ou mésothéliome pleural.
Une très large gamme de produits amiantés ont été mis sur le marché au cours des dernières décennies, mais sa présence n'était pas mise en évidence de façon claire et identifiable (étiquetage obligatoire) dans les produits au stade de leur distribution.

Soulignant que la France n'est pas le seul pays touché par cette catastrophe sanitaire, le rapport de la mission du Sénat sur l'amiante estime que les carences du système de santé au travail et de prévention des risques professionnels français, l'absence à l'époque de tout système de veille et d'alerte et l'existence d'un lobby industriel de l'amiante ont contribué à une prise de conscience tardive de ce drame.

Ce rapport, rendu public mercredi, s' est attaché à évaluer la progression du drame sanitaire annoncé, qui est loin aujourd'hui d'avoir atteint son pic, à mesurer l'efficacité et le coût des dispositifs d'indemnisation et d'une manière générale, à essayer de comprendre comment une telle tragédie a pu se développer. Afin d'établir le bilan et les conséquences de la contamination par l'amiante, la mission d'information commune du Sénat a procédé à 70 auditions et a effectué quatre déplacements ciblés à Dunkerque, à Cherbourg, à Jussieu et en Haute-Corse.
La mission accuse l'Etat d'une gestion défaillante du problème de l'amiante. Pour la mission, les pouvoirs publics sont responsables de l'absence de système de veille et d'alerte , de l'inadaptation et du manque de moyens de la médecine et de l'inspection du travail.
Le rapport rappelle que la responsabilité de l'Etat a été affirmée en 2004 par le Conseil d'Etat pour défaut de réglementation spécifique avant 1977, et pour le caractère tardif et insuffisant de la réglementation après cette date.

Mais si le Sénat réserve des critiques à l'état, elle en formule aussi aux industriels.
Elle observe que la responsabilité civile des employeurs pour faute inexcusable est désormais systématiquement reconnue par les tribunaux. Quant à la responsabilité pénale des employeurs, de nombreuses procédures sont actuellement pendantes devant les tribunaux et pourraient aboutir à des condamnations. Elle estime que les industriels sont engagés dans une véritable entreprise de lobbying.
La mission critique en particulier le Comité Permanent Amiante (CPA). Composé d'industriels, de scientifiques, de partenaires sociaux et de représentants de ministères, ce comité apparaît (...) comme un modèle de lobbying, de communication et de manipulation. Il a joué un rôle non négligeable dans le retard de l'interdiction de ce matériau en France (en 1997) alors que son caractère cancérigène était souligné par une résolution du Parlement européen de janvier 1978.

La mission a aussi examiné les améliorations qui sont susceptibles d'être apportées aux mécanismes de réparation pour les victimes. La mission estime qu'il faut rendre les indemnisations plus cohérentes et plus homogènes et ajoute qu'il est nécessaire de réduire les recours contentieux. Il est indispensable selon elle de remédier aux dérives du dispositif de préretraite des salariés ayant été exposés à l'amiante, parfois utilisé comme instrument de gestion des effectifs dans des secteurs d'activité en difficulté.
Le rapport prévoit que 27 à 37 milliards d'euros devront être consacrés dans les vingt ans à venir à la prise en charge des victimes de l'amiante soulignant que cela pose un problème de financement.

De plus, du fait de l'amiante résiduel et environnemental auquel sont plus particulièrement exposées certaines populations (professions de « second oeuvre » dans le bâtiment, personnels de maintenance et d'entretien, ouvriers des chantiers de désamiantage…), le risque n'est pas seulement derrière nous. Il apparaît nécessaire de renforcer les dispositifs de précaution, de s'assurer de l'innocuité des produits de substitution, comme les fibres céramiques réfractaires, et de réglementer la mise sur le marché des produits chimiques, indique le rapport.

Dans cette perspective, la mission formule 28 propositions autour de 8 orientations : le suivi médical post-professionnel, le FCAATA**, le FIVA, les procédures contentieuses, les mesures financières, les entreprises de désamiantage, la réglementation environnementale relative à l'amiante et la prévention de nouvelles contaminations. Elle préconise notamment au gouvernement de compléter le décret du 7 février 1996 afin de mieux prendre en compte la protection des salariés travaillant sur des chantiers amiantifères, d'établir et publier un code de traçabilité des déchets amiantés et de favoriser la valorisation des déchets vitrifiés de l'amiante.
Elle souhaite aussi un recensement national des salariés de ces entreprises, à l'exemple du secteur nucléaire, pour les bénéficier d'un suivi médical spécifique.

L'association nationale de défense des victimes de l'amiante (Andeva) estime que ce rapportrend inévitable la tenue d'un procès pénal de l'amiante. Elle rend aussi hommage au véritable travail d'enquête (de la mission) qui démonte l'enchaînement des responsabilités dans la plus importante catastrophe sanitaire que la France ait connue.

Compte tenu des très longs délais de latence des pathologies malignes, et notamment du cancer de la plèvre (mésothéliome), 60 000 à 100 000 décès sont attendus dans les 20 à 25 ans à venir.


* Les six types d'amiante sont chrysotile (fibres blanches bouclées, flexibles), crocidolite (fibres bleues droites), amosite (fibres fragiles de couleur gris-clair), amiante d'anthophyllite, amiante de tremolite, et amiante d'actinolite.

** Fonds de Cessation Anticipée d'Activité des Travailleurs de l'Amiante

Réactions5 réactions à cet article

le désamiantage oui, les indémnités????

Bien sur que que des alertes ont été lancé bien avant 1996, mais a quelle echelle? on parle de lobbying mais combien de personnes et qui avait réellement conscience a cette époque du danger? (j'avous que je n'en sais rien) ce qui me parait étonnant c'est que le scandale ne parait que depuis une décénie alors que l'amiante est utilisé depuis le début du 20e siècle.
ce n'est pas comme l'affaire du sang contaminé ou les responsable sont bien ciblés, là, on parle juste de lobbying avec une responsabilité qui semble bien diffuse et peu précise. a une telle échelle, c'est le système qui est responsable, et encore aujourd'hui le lobbying en restant vague a des conséquence déplorable de facon moins spéctaculaire peut être que pour l'amiante, mais il existe encore. et ça se règle par des actions politique, des nouvelles visions, de l'évolution, des réparations (comme pour le désamiantage massif qui à cours en ce moment) mais pas avec des indemnités, surtout avec des années de retard.
car c'est ce qui me gène le plus en fait, c'est ces dizaine de milliards d'indemnité qui vont être payées par une génération qui n'est pas fautive et qui s'ajoute encore aux problème du financement des retraites et de la sécu qui sont loin d'être réglé. parce que ce ne sont pas les fautifs qui vont payer. et moi ça me gène d'indemniser des victimes sans faire payer les responsables
on ne va pas passer les décénies à venir a payer toutes les erreurs d'hier, ou alors on n'avancera jamais.

rv | 27 octobre 2005 à 13h02 Signaler un contenu inapproprié
inégalités d'indemnisation

L'autre problème de l'indemnisation, c'est l'inégalité de traitement entre les victimes. Des personnes qui avaient une certaine sécurité de l'emploi chez un employeur industriel ont été en contact long et régulier avec l'amiante, et c'est dans ces cas là qu'il est le plus facile d'établir une responsabilité de l'employeur. En fait, on rend responsable une entreprise, et c'est vrai qu'on peut se demander si ceux qui subiront ces coûts (par effet rebond les salariés actuels de cette entreprise) ne vont pas payer pour les dirigeants des générations précédentes.
Mais ceux qui ne seront pas indemnisés seront toujours les mêmes, les travailleurs précaires dont l'entreprise n'existe plus, ou qui ont travaillé pour de multiples entreprises (responsabilités diluées), ou qui ne seront jamais au courant que leurs problèmes de santé sont dus à l'amiante, parce qu'ils ne sont pas dans une structure de surveillance de leur santé.
On peut effectivement se demander si l'effort financier ne doit pas aller vers la médecine qui soigne les dégâts de l'amiante ou dans le désamiantage plutôt que dans des indemnités au coup par coup...

sevdd | 27 octobre 2005 à 16h48 Signaler un contenu inapproprié
Responsabilité

Qui sont les responsables de cette catastrophe ?
Qui a autorisé à l'époque, l'utilisation de ce matériau ?
C'est le même problème qui se passe en ce moment, les gens (globalement des scientifiques) trouvent de nouvelles choses, montent un projet, et ne vont pas chercher plus loin dans l'avenir.
A l'époque, enthousiasmés, les gens disaient : "Ah! C'est super ! l'amiante a plein d'atout". A aucun moment ils n'ont poussé les recherche plus loin et ils ont massivement utilisé ce matériau.
Aujourd'hui, c'est la même chose on ne retient rien de l'enseignement passé, et on se jette vite dans la gueule du loup avant de s'apercevoir que ça fait mal.
Et qui subit le plus les conséquence de ce mal ? Ouvrier, hommes de main, ... Ceux la même qui avait confiance en l'Etat et les scientifiques.
Je ne blâme pas les scientifiques, j'en suis un ! Mais si l'on prenait le temps de voir dans l'avenir les possibles conséquences de nos actes nous aurions moins de regret.
Foncer têtes baissées nous fais avancer de 15 pas... et aprés on tombe dans un gouffre.

Cirdan, des Havres Gris | 28 octobre 2005 à 11h40 Signaler un contenu inapproprié
comparaison avec incinération et dioxine

les expressions utilisées par le Sénat de :

-"lobby industriel,
-Comission pratiquant la manipulation et le lobbying,
-long délai de latence entre exposition et les pathologies en résultant"

me font bigrement penser à l'incinération, technologie que l'on veut nous imposer actuellement comme une solution sans risque pour traiter nos déchets, alors qu'il parait pourtant plus simple de ne pratiquement plus en faire (alternative 0 déchet pratiquée à Canberra ou Toronto, ou encore Manpach en Alsace).
Vous avez dit Lobby?

philippe | 28 octobre 2005 à 21h06 Signaler un contenu inapproprié
Incompréhension

L'usine Valéo d'Etaples est classée "amiante" de 1971 à 1992,or cet Etablissement ex Ducellier,a ouvert en 1971(usine neuve)et toutes ses fabrications ont été rapatriées des usines Ducellier d'Auvergne peu à peu à partir de 1971.
En Auvergne, plusieurs Usines ont fermé ,en 85-86 et dans celles qui subsistent(et qui ont changé plusieurs fois de propriétaires:Valéo,Sagem,Johnson control,puis re Valéo)les ex salariés Ducellier qui sont toujours en activité, dans une usine maintenant Valeo ,ne sont pas considéré comme ayant été exposé à l'amiante:INADMISSIBLE
Ce qui signifie pour eux pas de suivi médical spécial(scanner)qui est le seul examen sérieux pour les pathologies liées à l'amiante,alors qu'un cas de mésothéliome a été constaté récemment chez une ex ouvriére d'une des usines concernées!...

zeroli | 22 novembre 2005 à 13h52 Signaler un contenu inapproprié

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