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Actu-Environnement

“La démarche environnementale, c'est un état d'esprit qui recentre les champs du possible”

Architecte, spécialiste de la conception écologique et de la construction bois, Dominique Gauzin-Müller estime que la qualité de l'air intérieur résulte d'une démarche environnementale conséquente, appliquée à l'aménagement du territoire, l'urbanisme et la construction des bâtiments. Pour Actu-environnement.com, elle explique l'interactivité entre ces trois niveaux d'intervention.

Interview  |  Aménagement  |    |  F. Ascher
   
“La démarche environnementale, c'est un état d'esprit qui recentre les champs du possible”

   
AE La qualité de l'air intérieur influe sur le confort et la santé des occupants. En particulier dans le domaine résidentiel, comment la garantir ?
DGM : Dans un logement, la qualité de l'air ambiant est influencée non seulement par les émissions dues aux matériaux de construction ou à l'ameublement, aux vêtements, détergents et autres produits domestiques utilisés par les usagers mais aussi par la pollution atmosphérique lors du renouvellement d'air. Elle est donc directement liée à l'aménagement du territoire. En Europe, environ 75 % de la population vit en ville. Cette concentration urbaine nous oblige à travailler à une nouvelle manière de concevoir notre cadre de vie. Même si 80 % de la population rêve d'une maison individuelle sur une grande parcelle, les enjeux de développement durable nous obligent à trouver des alternatives à l'étalement urbain. Concrètement, la gestion économe du sol passe par la restructuration des friches militaires, industrielles, ferroviaires ou portuaires, le remplissage des ''dents creuses'' et la densification des îlots existants. Une construction nouvelle, l'extension de l'existant, l'aménagement des combles ou l'ajout d'un étage en structure légère contribuent en effet à lutter contre l'étalement urbain. Plusieurs quartiers écologiques européens - combinant habitat bas à haute densité, intermédiaire, mitoyen et en bande, travail et services - sont représentatifs de cette ''ville compacte''. Pour être ''durable'', les bâtiments doivent être économes en énergie, flexibles et évolutifs dans le temps. Des trames variables superposables ou juxtaposables par exemple, ou un accès indépendant par des coursives extérieures, permettent d'adapter les espaces aux besoins des familles. Au niveau des quartiers, on favorisera la mixité sociale en mêlant habitat collectif et maisons en bandes, résidentiel social locatif et accession à la propriété.

AE : Qu'en est-il des émissions de gaz à effet de serre ? :
DGM : La réduction de la pollution de l'air et des émissions de gaz à effet de serre implique en premier lieu, la limitation du trafic automobile. Dans ce domaine, il faut encourager les usagers à choisir des alternatives, par exemple le co-voiturage (avec parkings réservés) pour les salariés des entreprises. Déjà très en vogue Outre-Rhin, les systèmes d'auto-partage à l'échelle de la ville ou du quartier, sont en train de se développer dans plusieurs grandes villes françaises, dont Paris, Lyon et Strasbourg. On peut aussi rapprocher habitat et travail, prévoir des équipements publics (écoles maternelles et primaires) et des services de proximité dans les zones résidentielles, étendre les réseaux de transports en commun (métros, tramway, systèmes de tram-train ), instaurer des tarifs et des horaires attractifs pour fidéliser les usagers, inciter financièrement les entreprises à faire en sorte que les salariés empruntent les transports publics, etc. On doit aussi encourager les moyens de déplacement non polluants par l'extension des zones piétonnières en centre ville, la réduction de la vitesse des voitures, la construction de pistes cyclables sécurisées et de parkings à vélos.

AE : Le secteur du bâtiment est responsable de la moitié de la consommation d'énergie et des émissions de C02. Quelles solutions préconisez-vous ?
DGM : Une gestion plus économe de l'énergie ! Pour réduire les besoins, il convient d'appliquer les mesures bioclimatiques dictées à nos ancêtres par une bonne connaissance des particularités du site et du climat, et de les compléter par des installations performantes. Ainsi, l'implantation du bâtiment doit tenir compte de l'ensoleillement et des ombres portées par le relief et la végétation (à utiliser comme rideau naturel). Son orientation doit aussi profiter des apports solaires gratuits tout en prévoyant des pare-soleil pour éviter les surchauffes. Il faut renforcer l'isolation de l'enveloppe, conférer une inertie thermique par des éléments massifs, intégrer des protections solaires fixes et mobiles pour éviter les surchauffes, et dimensionner judicieusement les ouvertures. On favorise la ventilation naturelle par une organisation spatiale et une disposition des ouvertures permettant à l'air frais de circuler des zones exposées au nord vers les zones exposées au soleil au sud. Il faut aussi prévoir des ouvertures en partie haute pour évacuer l'air chaud par effet de cheminée et créer une dépression qui attire l'air frais. Les énergies renouvelables sont à privilégier à l'échelle du quartier comme des bâtiments. Citons la biomasse (poêle individuel à pellets ou centrale de chauffage au bois), le solaire (capteurs thermiques pour l'eau chaude sanitaire et modules photovoltaïques pour l'électricité) ou la géothermie (pompes à chaleur ou puits canadien pour tempérer naturellement l'air neuf) !

AE : Une démarche environnementale globale ne doit-elle pas prendre en compte également les déchets et les matières premières ?
DGM : Effectivement, le secteur du bâtiment génère en France 31 millions de tonnes de déchets (plus que les ordures ménagères), dont seulement 10 % sont valorisés ! Pour gérer ces déchets, la mesure la plus pragmatique consiste à en réduire la production à la source, par exemple en employant les composants dans une dimension proche de la celle de la fabrication. La population de la planète augmente rapidement alors que les matières premières s'épuisent. Une gestion économe doit privilégier les matériaux de construction naturellement renouvelables, recyclables ou recyclés. Quant à l'économie de matière, elle oblige à optimiser les structures, c'est-à-dire à ne mettre en œuvre que la quantité nécessaire. En outre, la combinaison des matériaux permet de profiter des avantages et des performances spécifiques de chacun. Ce qui est vraiment écologique, c'est d'utiliser la juste quantité du bon matériau au bon endroit !

AE : Et au niveau de la qualité de l'eau ?
DGM : La gestion économe des ressources naturelles suppose en effet la maîtrise du cycle de l'eau. Dans ce domaine, les mesures favorables à l'échelle urbaine sont nombreuses et variées. On peut reverdir des zones urbanisées en respectant la biodiversité et les essences locales, profiter de la création ou de l'aménagement d'espaces verts pour traiter naturellement les eaux grises par lagunage avec des plantes aquatiques et des vasques Flower Form. Parmi les autres pistes, on citera la végétalisation des toitures-terrasses (obligatoire dans de nombreuses villes allemandes), le verdissement des cœurs d'îlots et des zones de stationnement ou l'obligation pour le maître d'ouvrage de laisser l'eau de pluie s'évaporer sur sa parcelle. Plusieurs communes ont déjà construit des bassins d'orage dans les lieux publics pour minimiser le volume des eaux de pluie à traiter. Plus généralement, il faut lutter contre l'imperméabilisation des sols par des revêtements de petits modules avec un grand linéaire de joints. L'objectif consiste à favoriser l'infiltration de l'eau de pluie pour alimenter la nappe phréatique, tout en limitant les risques d'inondation. Il est urgent de réserver l'eau potable aux emplois où elle est indispensable. En ce sens, l'alternative de récupérer l'eau de pluie, de la filtrer et de l'utiliser pour l'arrosage des espaces verts, les chasses d'eau et le nettoyage, s'avère intéressante. Mais en France, elle est soumise à l'autorisation de la DDASS, qui se montre souvent réticente.

AE : Vous disiez que le choix des matériaux de construction influe également sur la qualité de l'air intérieur. Que suggérez-vous sur ce point ?
DGM : Les habitants des pays industrialisés passent en moyenne 80 % de leur journée à l'intérieur des bâtiments. Pour garantir leur confort, je donne la priorité aux matériaux sains en appliquant le principe de précaution. De nombreuses réalisations fidèles aux principes du développement durable ont démontré l'efficacité des mesures environnementales, les motivations procurées par l'ouverture à de nouvelles pratiques et la mise en commun des compétences. Sans oublier l'essor apporté par cette approche à la création architecturale. La démarche environnementale n'est pas une contrainte ajoutée à d'autres, c'est un état d'esprit qui recentre les champs du possible !


En savoir plus :

Dominique Gauzin-Müller est l'auteur de plusieurs ouvrages parus aux Editions du Moniteur, dont :
. ''Construire avec le bois'' en 1999
. ''L'architecture écologique'' en 2001
. ''25 maisons en bois'' en 2003
. ''25 maisons écologiques'' en 2005.

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