Les associations écologiques qui se prononçaient contre le démantèlement du navire en Inde se sont réjouies de cette annonce. Dans un communiqué, les Verts se félicitent de cette décision qu'ils avaient estimée probable dès le départ du bateau. Il est normal que le Clemenceau revienne en France. Le Conseil d'Etat a confirmé que l'ex-porte-avions Clemenceau infecté par l'amiante est bien un déchet, et doit être traité en Europe, en application de la convention de Bâle de 1989.
Quant à Cap21, ils regrettent que cette décision ne soit pas intervenue plus tôt alors qu'elle apparaissait comme frappée du sceau de l'évidence et du bon sens.
Pour Nathalie Villermet, chargée de mission du réseau déchets de France Nature Environnement : le scandale du Clemenceau démontre que face aux contre-vérités du gouvernement, c'est encore aux associations et à la justice qu'il appartient d'agir pour faire respecter le droit.
Cependant la question du démantèlement du Clemenceau n'est toujours pas réglée. Il est prévu pour l'instant de rapatrier le navire vers le port militaire de Brest en passant par le cap de Bonne-Espérance mais ce retour ne semble pas enchanter tout le monde. Le Maire de Brest, notamment, s'inquiète : Je ne souhaite pas que le Clemenceau reste dans notre paysage de la rade de Brest pendant 5 ans comme cela a été le cas dans la rade de Toulon. Je trouverais cela inadmissible et scandaleux, a-t-il déclaré à l'AFP.
Mais les trois mois que dure le voyage de retour risquent de ne pas être suffisants pour mettre en place une filière de démantèlement des navires en fin de vie en France voire en Europe qui soit digne de ce nom. Et c'est bien de cela dont il s'agit. Le Clemenceau n'est malheureusement que l'illustration d'une problématique plus complexe et plus ancienne de gestion des déchets.
Au niveau européen, l'Union Européenne travaille en collaboration avec l'Organisation Maritime Internationale (OMI) et l'Organisation internationale du travail (OIT) sur la création d'un système international juridiquement obligatoire pour le recyclage des navires mais rien n'a été conclu à l'heure actuelle. En France, le Premier ministre Dominique de Villepin a annoncé une réforme des procédures d'exportation des ex-navires de guerre et la création prochainement d'une mission interministérielle traitant du sort des navires civils et militaires en fin de vie.
Pour démanteler le Clemenceau dans des conditions respectant les réglementations environnementales et sanitaires en vigueur encore faut-il savoir ce qu'il contient et en quelle quantité, et cette question est loin d'être résolue en ce qui concerne l'amiante. Une partie a déjà été enlevée à Toulon et le reste aurait dû l'être en Inde. Mais les ONG contestataires, le ministère de la Défense et les entreprises de désamiantage n'arrivent pas à s'entendre sur les quantités réellement restantes dans le navire. Entre les chiffres officiels et officieux les écarts sont significatifs. De récentes révélations font même état d'un lot d'amiante « perdu ». Selon les bordereaux de suivi des déchets à disposition, 115 tonnes sont censées avoir quitté le chantier de Toulon mais seulement 85 tonnes semblent être arrivées au centre de stockage. Les hypothèses pour expliquer ce dérapage vont bon train : irrégularités dans les méthodes de la société de désamiantage, perte de documents, amiante dissimulé dans les soutes de stockage du carburant destiné aux avions, etc. Cependant, il semblerait que le gouvernement soit décidé à faire la lumière sur cette affaire et pour une fois tout le monde semble d'accord pour réaliser une expertise. Encore faut-il que celle-ci soit complète et indépendante !