
Financé par la Région Alsace avec le soutien de l'Union européenne, le prix de l'édition 2005 a été remis à Édouard Molard pour son projet de requalification d'une friche industrielle et plus précisément pour avoir proposé une alternative à la destruction d'une halle historique témoin de l'activité métallurgique révolue en région Rhône-Alpes.
Dans son projet, le jeune architecte propose de reconvertir un site métallurgique de Lorette, petite ville entre Lyon et Saint-Étienne, en pôle d'excellence sur le développement durable. À travers ce projet, il donne l'occasion à la ville de requalifier plusieurs terrains à l'abandon en regroupant sur un même site formation, recherche, pépinières d'entreprises et activité autour du thème du développement durable. Un tel pôle sur le développement durable installé à Lorette permettrait d'exploiter le potentiel d'un site stratégique déjà équipé et deviendrait moteur de la reconversion de la ville.
Les pôles d'excellence devant être les vitrines du savoir faire actuel qui se rattache à leur thème, l'architecte a souhaité faire appel aux techniques des énergies renouvelables, privilégier les transports en communs et faire entrer la végétation au cœur des bâtiments. Sur un site malmené depuis plus d'un siècle, l'homme doit se réconcilier avec le lieu et son environnement, légitimer son rapport au territoire, préalable indispensable à toute nouvelle tentative de développement.
À toutes les étapes de requalification du site, il a proposé dès que possible des solutions alternatives comme la dépollution du site par la végétation, la rénovation des anciens bâtiments en tant que patrimoine culturel de la région et non leur destruction, l'intégration des jardins ouvriers encore entretenus par les habitants… Dans cette vallée où le temps s'est arrêté, il est important de réinstaurer l'écoulement des saisons : l'élément végétal est un sablier qui reprendrait peu à peu ses fonctions, pour recréer un microsystème et une biodiversité.
La construction de nouveaux bâtiments étant nécessaire, la haute qualité environnementale a été privilégiée. Ces nouveaux édifices sont placés perpendiculairement à la vallée pour ne pas couper la vue et sur pilotis pour limiter les impacts au sol, se soustraire du relief accidenté du site et laisser le sol respirer et retrouver une végétation naturelle. Des serres végétalisées sont intégrées au sein des bâtiments et l'autarcie énergétique doit être assurée grâce, entre autre, à des puits canadiens, un réseau de chaleur à chaufferie à bois et des capteurs photovoltaïques sur les toitures végétalisées.
La grande Halle encore debout et témoin de l'ancienne activité industrielle de la ville est dans ce projet, réhabilité en gare grâce à son volume et à sa position centrale sur le site. Elle abritera également l'élément moteur du pôle qu'est le centre de formation et les pépinières d'entreprises. Elle devient la figure emblématique du site, tout en étant un lieu d'exposition qui fait le lien entre intérieur et extérieur, offrant au pôle une communication quotidienne de son activité au grand public. La grande halle devient donc une immense serre d'une centaine de mètres au sein de laquelle se réalise le pivot entre le public et l'activité du site.
Pour connecter le site à son environnement, les circulations douces sont favorisées : les flux automobiles sont tolérés de manière à ne pas enclaver l'ancien bourg, mais scindés par rapport aux flux piétons et cyclistes.
Pour le jeune architecte, il est assez décevant de voir que l'on est encore aujourd'hui obligé de récompenser des projets liés à l'environnement ou aux énergies renouvelables : cette prise en compte devrait être inhérente à tout projet et intervenir dès les premières ébauches de conception a-t-il expliqué. Cependant il est convaincu que ce type de récompense peut contribuer à un changement d'attitude. S'il ne manque qu'une impulsion pour que les architectes s'engagent, c'est peut-être la bonne manière d'agir : intervenir auprès des étudiants et jeunes architectes pour qu'ils adoptent tout de suite les bonnes habitudes. Selon lui, les futurs diplômables de l'INSA Strasbourg seraient environ 5 ou 6 à se préoccuper de ce thème pour leurs projets de fin d'étude. Il espère évidemment que cette proportion ne cesse de croître.
Édouard Molard a donc réussi son pari en apportant la preuve que la grande halle menacée de destruction peut être réutilisée, et que nous ne sommes pas obligés de détruire ce que l'on considère aujourd'hui comme patrimoine industriel de la région.
À l'heure actuelle, la réalisation du projet sous cette forme n'est pas encore d'actualité, même s'il est de moins en moins utopique. Il est toutefois possible qu'un pôle d'excellence sur le Développement Durable se fasse sur Saint Étienne Métropole. La ville de Lorette serait alors bien placée pour l'accueillir. A court terme, il est prévu d'organiser des événements dans l'ancienne halle comme la prochaine biennale du design et à plus long terme une gare pourrait bien voir le jour sur la liaison Saint Étienne-Lyon, des études se lançant actuellement dans ce sens.
Quoi qu'il en soit, ce projet est avant tout une mise en images de rêves, véritable point de départ des réflexions sur un patrimoine oublié. Aujourd'hui, nul ne sait sous quelle forme il se concrétisera, conclut Édouard Molard.