Un an après, l'heure est au premier bilan. Plusieurs juridictions de l'ordre administratif et de l'ordre judiciaire ont déjà fait application de la Charte. Notamment en avril 2005, dans l'affaire du Tecknival prévu sur une zone naturelle d'intérêt écologique faunistique et floristique (ZNIIEFF) de Champagne-Ardenne.
Suite à la plainte des associations de défense de l'environnement, le tribunal administratif de Chalons-en-Champagne a érigé, en liberté fondamentale de valeur constitutionnelle, le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé, proclamé par l'article 1er de la Charte de l'environnement. Les associations soutenaient qu'en ne s'opposant pas à l'organisation de cette manifestation, le préfet avait porté une atteinte grave et manifestement illégale à la « valeur constitutionnelle et de liberté fondamentale du droit à l'environnement ». Dans cette affaire, le juge a ainsi enjoint au préfet de prendre toute mesure utile visant à interdire la manifestation.
Plus récemment en décembre 2005, des faucheurs volontaires d'OGM ont été relaxés par le tribunal correctionnel d'Orléans. Le tribunal a mis en avant le fait que les prévenus ont apporté la preuve que leur infraction de dégradation volontaire était pour répondre de l'état de nécessité qui résulte du danger de diffusion incontrôlée de gènes provenant des organismes génétiquement modifiés, dont la dissémination avait été autorisée par la loi française, contrairement au droit constitutionnel européen à un environnement sain. Il s'agit là, d'une des premières utilisations, par la justice, du principe de précaution figurant dans la charte de l'environnement.
La ministre de l'écologie et du développement durable, Nelly Olin, a présenté aujourd'hui en conseil des ministres, son bilan sur la première année de la charte. Selon elle, depuis sa promulgation par le Président de la République le 1er mars 2005, la Charte de l'environnement a pris toute sa place dans le dispositif institutionnel français : les projets de loi sur l'eau et sur les milieux aquatiques, les parcs nationaux et les parcs naturels marins, les organismes génétiquement modifiés, la transparence et la sécurité en matière nucléaire, la gestion des matières et des déchets radioactifs appliquent les principes de la Charte estime-t-elle.
Sur le plan politique, la ministre a assuré que les différentes politiques prenaient en considération, conformément à l'article 6 de la Charte de l'environnement, la promotion du développement durable : c'est ainsi que la Stratégie nationale de développement durable sera actualisée à la lumière de la Charte. De même, la future contractualisation entre l'État et les régions, le nouveau code des marchés publics et les cahiers des charges des chaînes de télévision et des radios publiques intégreront des objectifs de développement durable a-t-elle affirmé.
Du côté des associations de défense de l'environnement, le bilan est moins enthousiaste ! Pour France Nature Environnement, le Gouvernement n'est pas encore passé du discours aux actes et seul le Juge s'est soucié d'appliquer ce texte. La Charte de l'environnement ne doit pas être qu'un bon souvenir. Pourquoi avoir modifié notre Constitution et avoir consacré le droit à l'environnement au rang des droits de l'Homme si c'est pour continuer comme avant, s'interroge Arnaud Gossement, juriste à l'association.
Pour Greenpeace, la déception est tout aussi palpable : Un an après l'adoption de la Charte de l'Environnement, pas de quoi porter un toast ! Les décisions lourdes en matière de conséquences environnementales se suivent, sans tenir compte des principes affichés par la Charte. La Charte de l'Environnement devait permettre de repenser les politiques publiques. Ce n'est clairement pas le cas, déclare Yannick Jadot, directeur des campagnes de Greenpeace France. Les différents ministères et administrations conservent une vision productiviste totalement dépassée, ajoute-il.
Du côté des professionnels du droit de l'environnement, il semblerait que la charte n'ait pas provoqué plus de contentieux. Les juges et les avocats semblent utiliser les textes en fonction des situations car ceux-ci sont suffisamment nombreux pour éviter un recours à la charte.