Cependant, si cette industrialisation laisse supposer que les fibres végétales ont livré tous leurs secrets, c'est encore loin d'être le cas. Elles représentent encore un sujet de recherche très prometteur. La variété des plantes à fibres, la diversité de leurs constituants (cellulose, lignines), les nombreuses possibilités d'assemblages et les propriétés qui en découlent laissent entrevoir la richesse du secteur.
Dans ce contexte, la découverte, la description et la compréhension des niveaux d'organisation des fibres végétales sont des moteurs pour l'innovation technologique. C'est à ce titre que les chercheurs de l'Institut National de Recherche Agronomique (INRA) de Reims étudient les propriétés des fibres ainsi que l'aptitude du chanvre à la transformation pour la production de matériaux composites, en collaboration avec des agro-industries de la région (AFT Plasturgie et La Chanvrière de l'Aube).
Les recherches de l'Unité « Fractionnement des Agro-Ressources et Emballages » de l'Inra sur les fibres et matériaux fibreux s'organisent autour de deux thématiques : les mécanismes de séparation des fibres et l'évolution des propriétés des fibres lors d'une transformation technologique ultérieure.
L'une des difficultés de la fabrication des composites est de créer une bonne adhésion de la fibre végétale à la matrice. La cellulose, principal constituant de la fibre végétale, est peu compatible avec les matrices thermoplastiques, en particulier avec le polypropylène très couramment utilisé en plasturgie. Pour permettre les interactions entre ces deux composants, AFT plasturgie a développé un procédé original de conditionnement des fibres de chanvre permettant d'obtenir une bonne interface fibres/polymères sans modification chimique des composants. Pour conforter cette innovation technique, les chercheurs de l'INRA s'intéressent aux propriétés intrinsèques mécaniques, physiques et chimiques des fibres qui participent directement à la formation d'une interface de qualité.
Pour cela, les chercheurs utilisent leurs connaissances de la composition, de la structure de la paroi végétale et de la réactivité des polymères pour tenter de reproduire des interfaces matrice-fibres en s'inspirant du modèle « idéal » qu'est la plante. En effet, les tiges de chanvre sont elles-mêmes des structures composites formées de polymères de cellulose enchâssés dans une matrice de différents polysaccharides et de lignines. Savoir utiliser au mieux les propriétés de ces assemblages moléculaires est un challenge important de la chimie verte.
Les biomatériaux renforcés en fibres constituent ainsi un nouveau débouché pour le chanvre. Ils se déclinent aujourd'hui sous des objets aussi variés que des hélices de refroidissement, des tableaux de bord de scooter ou des matériaux d'emballage. Plus généralement, un véhicule peut contenir plusieurs kilos de ces matériaux à base de fibres végétales comme le chanvre mais aussi le lin, le sisal ou l'abaca : accoudoirs, tablettes arrières, médaillon de porte, dossier de siège.
Cette nouvelle filière complète ainsi les nombreuses déjà existantes : actuellement la plante entière peut être valorisée. En effet, les fibres longues, essentiellement cellulosiques, sont utilisées en industrie papetière pour la fabrication de papiers spéciaux très fins et résistants. La partie centrale de la tige, constituée comme le bois, est utilisée pour les litières animales, mais aussi en construction (bétons de chanvre). La graine sert de nourriture en oisellerie mais permet surtout la production d'une huile alimentaire de très grande qualité.
Outre la variété de ses utilisations, le chanvre séduit également sur le plan agricole car il présente certains avantages agronomiques et environnementaux. Il est défini comme étant une plante « étouffante » qui empêche le développement des herbes et qui est très résistante aux maladies et aux parasites. Sa culture laisse une terre « propre », ameublie en profondeur. Elle ne réclame l'usage d'aucun pesticide que ce soit les fongicides, herbicides ou insecticides et ne nécessite aucun entretien de mai à août.
En 2005, la France était le premier producteur de chanvre en Europe avec environ 9.100 ha cultivés.