
La combustion des énergies fossiles (charbon, pétrole et gaz) dans les transports, la production d'électricité et l'industrie ainsi que l'habitat, sont les principales sources de rejets de CO2 dans l'atmosphère avec 25 milliards de tonnes à l'échelle mondiale.
La France a émis quant à elle environ 560 millions de tonnes équivalents CO2 en 2003 dont 408 millions de tonnes de CO2 réparties en 2003 comme* : transports 34,6 % ; Industrie 23,7 % ; Résidentiel tertiaire 22,3 % ; Production d'énergie 16,6 % ; Agriculture 2,4 % ; Déchets 0,4 %.
La capture à la source du CO2 des grands sites de production d'électricité et d'industrie lourde pour le piéger dans le sol de manière à enrayer le réchauffement climatique constitue actuellement une voie de recherche.
Trois voies technologiques sont en compétition. La technique de la postcombustion, le principe de l'oxycombustion** et la technique de précombustion***.
L'enjeu principal pour que le stockage soit déployé à grande échelle consiste à diminuer la consommation énergétique de ces techniques. Ainsi, dans le cadre du projet européen Castor, coordonné par l'IFP et financé à hauteur de 8,5 M€ par la Commission européenne (6è PCRD) sur un budget total de 15,8 M€, la technique de la postcombustion, qui s'intègre aux installations existantes en prélevant le CO2 au niveau de la cheminée des usines, va être expérimentée au Danemark pour tenter de diminuer le coût de capture du CO2.
L'objectif stratégique du projet Castor est de permettre à terme la capture et le stockage géologique de 10 % des émissions européennes de CO2, soit 30 % des émissions des installations industrielles de grande taille (centrales électriques thermiques principalement). Outre l'IFP, une trentaine de partenaires, groupes industriels et centres de recherche de 11 pays européens participent à ce projet.
Pour cela, deux types d'approche doivent être mises en œuvre : d'une part, le développement de nouvelles technologies permettant la capture et la séparation du CO2 des fumées (70 % du budget) puis son stockage géologique, et, d'autre part, l'élaboration d'outils et de méthodes permettant de quantifier et de minimiser les incertitudes et risques liés à ce stockage.
Le pilote industriel de captage du CO2 inauguré hier sur le site de la centrale d'Esbjerg opérée par Elsam, est la première installation au monde permettant de capter le CO2 sur les fumées d'une centrale thermique au charbon, souligne l'IFP. Il devrait améliorer sensiblement l'efficacité et la rentabilité du processus d'extraction du CO2 dilué dans les fumées industrielles, explique l'institut.
Les fumées à traiter sont dirigées vers un absorbeur dans lequel elles sont mélangées à un solvant. Ayant plus d'affinité avec les molécules de CO2 qu'avec les autres composants des fumées (azote notamment), le solvant capte le CO2 (on parle de solvant enrichi) et les autres molécules sont rejetées de l'absorbeur (fumées traitées). Près de 90 % du CO2 des fumées est ainsi capté par le solvant. Le solvant enrichi est ensuite dirigé vers un régénérateur. L'appareil est chauffé à 120° afin de casser les liaisons entre le CO2 et le solvant. Le CO2 est alors isolé, puis transporté vers son lieu de stockage. Le solvant, revenu à sa forme initiale (solvant dit appauvri), est réinjecté dans l'absorbeur en vue d'un nouveau cycle de traitement.
Pour séparer le CO2 - faiblement concentré dans les fumées — des autres gaz (oxygène, vapeur d'eau et azote) à la pression atmosphérique, plusieurs solvants appartenant à la famille des amines, sont testés et optimisés. Ces solvants ont la double caractéristique d'être efficaces à pression atmosphérique et de résister à la corrosion.
Par ailleurs, le pilote met en place un système de régénération du solvant avec une quantité d'énergie limitée. Les coûts devraient être notablement réduits, estime l'IFP. Les procédés conventionnels de captage du CO2, notamment au Japon, sur les fumées d'installations industrielles de grande taille ont un coût estimé entre 50 et 60 euros par tonne de CO2. Le pilote industriel d'Elsam, d'une puissance de 420 MW, soit environ la moitié de celle d'un réacteur nucléaire français, doit permettre de réduire par 2 le coût de la tonne de CO2 évitée, le ramenant entre 20 et 30 euros, indique l'institut.
Cette unité, d'une capacité de 1 tonne de CO2/heure, fonctionnera pendant plus de deux ans au Danemark sur une partie des fumées de l'usine de manière à acquérir une expérience pratique de la technologie. Pays où l'énergie éolienne est la plus développée, mais dont les émissions de CO2 par habitant sont les plus élevées d'Europe, le Danemark encourage les études menées sur la filière captage-stockage du CO2 puisqu'il ne dispose pas de centrales nucléaires et que ses installations hydroélectriques sont très limitées. La production d'électricité se fait donc essentiellement par le biais des centrales thermiques au charbon qui émettent de très gros volumes de CO2.
Pour Christian Brodhag, Délégué Interministériel au Développement Durable, le captage du CO2 dans chaque centrale électrique n'est plus une utopie. C'est un formidable espoir pour que l'humanité sache faire face au défi vital du changement climatique. Toutefois, il convient par ailleurs de maintenir nos efforts dans les autres domaines : amélioration de l'efficacité énergétique, remplaçant des combustibles fossiles à chaque fois que c'est possible par des énergies non émettrices de gaz à effet de serre. C'est-à-dire avoir une politique énergétique complète et cohérente, a t'il indiqué lors de son discours d'inauguration du pilote industriel.
* CITEPA
**Le principe de l'oxycombustion utilise de l'oxygène pur comme comburant — Cette technologie n'est pas à proprement parler une capture du CO2. Il s'agit de produire une fumée concentrée à 90 % de CO2 en réalisant une combustion à l'oxygène pur. Avec un recyclage d'une partie du CO2 en substitution de l'azote de l'air, l'oxycombustion est adapté à une remise à niveau des installations existantes.
***Avec ce type de procédé, l'objectif est de capture le carbone avant combustion, lors du processus de fabrication du combustible : il est converti en entrée d'installation en gaz de synthèse, un mélange de monoxyde de carbone et d'hydrogène. La technique utilisée est soit le vaporeformage de gaz naturel en présence d'eau soit l'oxydation partielle en présence d'oxygène. Le CO, présent dans le mélange, réagit avec l'eau pour former du CO2 et de l'hydrogène. Le CO2 est alors séparé de l'hydrogène qui peut être utilisé pour produire de l'énergie sans émission de CO2.