Mise en place en 1990 aux États-Unis où elle a fait ses preuves, la redevance incitative au tri des déchets ménagers est arrivée dans les années 1995 en Europe. Aujourd'hui, seule une quinzaine de communes françaises l'ont adoptée.
Dans le cadre d'un appel d'offres lancé en 1999 par le ministère de l'écologie, les économistes du Cemagref en collaboration avec l'université de Rennes 1 ont étudié ce nouveau mode de taxation à la fois sur le terrain et en laboratoire. Dans un premier temps, les chercheurs ont réalisé une enquête afin de cibler les exemples de tarification innovante. Quatre dispositifs technologiques ont été répertoriés et analysés au terme de cette enquête : le sac de déchets prépayé, le volume choisi du bac roulant, la pesée des déchets et le comptage des vidages du bac par informatique embarquée. Suite à cet état de lieux, les économistes ont retenu deux communes ayant appliqué la redevance incitative sur une période minimale de trois ans : le Syndicat Mixte de Montaigu-Rocheservière (SMMR) en Vendée et la Communauté de Communes de Dannemarie en Alsace. Le but des scientifiques : mesurer les impacts de la redevance incitative sur les bilans globaux matières et financiers au cours du temps dans ces deux zones tests.
Les résultats en termes de flux de matières sont éloquents sur la période 1999-2004 du SMMR, avec une réduction de 25 % des ordures ménagères (en poids), une augmentation de 80 % des emballages triés et une baisse de 45 % des ordures ménagères résiduelles. Cependant, malgré ces bons résultats, les groupements de communes étudiés ont montré de réelles difficultés au démarrage pour atteindre l'équilibre budgétaire ce qui supposerait que la redevance induit obligatoirement un déficit. Afin de confirmer ou infirmer cette hypothèse, les chercheurs ont conçu un modèle et une simulation de l'équilibre financier. Ils ont ainsi démontré que le recours à une tarification composée d'une part fixe couvrant les frais fixes de fonctionnement et d'une part variable liée à la quantité de déchets résiduels permettait au système de s'équilibrer.
Au cours de l'enquête, les économistes ont également intégré et étudié les autres inconvénients de la redevance incitative comme les comportements déviants allant de la décharge sauvage au brûlage illégal. Mais selon eux, leur relative marginalité ne semble pas en mesure de remettre en cause les effets bénéfiques attendus de l'application de la redevance dans les deux collectivités étudiées.
En complément à l'étude de terrain, les économistes ont utilisé les « jeux de décisions », outil d'économie expérimentale qui permet d'analyser le comportement des usagers à travers une mise en situation. Ils cherchaient notamment à savoir comment se forment les comportements des individus face au tri des déchets et de quelle façon l'introduction de mécanismes tarifaires les incite à trier. Le principe est de faire jouer des groupes d'une vingtaine d'étudiants, les gains se mesurant en fonction des choix individuels et collectifs.
Au cours de sa thèse soutenue au Cemagref en 2005, Etienne Pierron a cherché à répondre à ces questions en introduisant le « contexte déchet » dans ces jeux de décisions. Il a pu mesurer un effet bénéfique sur la coopération des joueurs. Par ailleurs, différents mécanismes tarifaires ont été testés à la fois sur le comportement des usagers et sur le bien être social. Les résultats obtenus confirment l'analyse de terrain effectuée au cours de l'étude. Mais ils soulèvent de nouvelles questions de recherche comme la pénalisation des familles nombreuses.
Des suites à la thèse sont prévues pour d'une part, tester le jeu dans les communes auprès des ménages et d'autre part, utiliser la technique du jeu comme un outil pédagogique de compréhension des mécanismes économiques auprès des élus.
Aujourd'hui, avec un recul de cinq années, les chercheurs constatent un développement de la prévention et du recyclage, une stabilisation des finances et un comportement plus responsable des citoyens. Des partenaires économiques et publiques les sollicitent au sujet de la mise en place de la redevance incitative au tri des déchets. Afin de répondre à leurs différentes interrogations, un guide méthodologique est en cours de rédaction.