Sur 40.169 espèces suivies par l'UICN, organisation crée en 1948 et regroupant 81 gouvernements, 113 organismes publics, plus de 850 ONG et quelque 10.000 scientifiques dans le monde entier, 16.125 espèces sont aujourd'hui déclarées menacées d'extinction. Un amphibien sur trois et un quart des espèces de conifères du monde, un mammifère sur quatre et un oiseau sur huit sont en péril.Cette liste met clairement en lumière le déclin permanent de la biodiversité mondiale et l'impact de l'humanité sur toutes les formes de vie de la planète, constate l'Union internationale pour la nature.
La nouvelle liste comporte 530 espèces de plus que la précédente, publiée il y a deux ans. L'ours blanc, l'hippopotame et les gazelles du désert viennent grossir les rangs des espèces menacées d'extinction, en compagnie des requins océaniques, des poissons d'eau douce et des fleurs méditerranéennes.
L'ours blanc souffre du réchauffement climatique et de la fonte de la banquise. L'UICN estime que le nombre d'ours pourraient subir un déclin de plus de 30 % de leur population dans les 45 prochaines années car l'écoulement glaciaire arctique pour chasser les phoques et qu'ils sont hautement spécialisés et adaptés à la vie dans le milieu marin arctiqueils dépendent de , explique l'UICN. Ainsi, jusque-là inscrit comme espèce dépendant de mesures de conservation, l'ours blanc entre dans les catégories des espèces menacées où il est désormais classé Vulnérable.
Autrefois l'espèce de gazelle la plus courante au Sahara, la gazelle dama est désormais jugée en danger critique d'extinction en raison de la chasse. Elle a subi une perte de 80 % de ses effectifs en 10 ans, observe l'UICN. D'autres espèces de gazelles du Sahara sont également menacées et semblent destinées à subir le sort de l'oryx algazelle (Oryx dammah), éteint à l'état sauvage, prévient l'organisation.
Quant à la gazelle à goitre (Gazella subgutturosa), que l'on trouvait ces dernières années de manière importante au Kazakhstan et en Mongolie, la disparition des habitats et la chasse illicite pour la viande sont responsables de son déclin. Considérée quasi menacée, elle est aujourd'hui classée par l'UICN dans la catégorie Vulnérable.
Alors que lentement mais sûrement, les déserts se vident de leur faune et de leur flore, la faune marine n'est pas épargnée. Les poissons d'eau douce sont en tête de la liste des extinctions à cause de la pollution, de la pêche, de l'exploitation humaine des lacs ou des rivières. 56 % des 252 espèces de poissons d'eau douce endémiques du bassin méditerranéen sont menacés d'extinction ce qui représente la plus forte proportion pour toutes les évaluations régionales de poissons d'eau douce effectuées à ce jour, estime l'UICN. Sept espèces, notamment deux apparentées aux carpes, Alburnus akili et Telestes ukliva sont aujourd'hui éteintes respectivement en Turquie et en Croatie. En Afrique de l'Est, les effets des activités humaines sur les milieux d'eau douce menacent un poisson sur quatre. Les conséquences sont graves selon l'Union internationale pour la nature : dans des pays tels que le Malawi, 70 % des protéines animales consommées proviennent des poissons d'eau douce.
Outre l'importance alimentaire, les écosystèmes d'eau douce sont également essentiels pour la fourniture d'eau potable propre et l'assainissement.
La situation est également alarmante dans les océans, selon l'organisation. Sur 547 espèces de raies et de requins figurant dans la Liste Rouge, 20 % sont en danger d'extinction. Cela confirme les craintes selon lesquelles ces espèces à croissance lente sont exceptionnellement sensibles à la surpêche et disparaissent à un rythme sans précédent dans le monde entier, explique l'UICN.
Les espèces du fond des océans sont également en péril et notamment le squale-chagrin commun (Centrophorus granulosus) considéré Vulnérable avec des déclins locaux de 95 % de sa population. En cause : la pêche qui exploite des eaux de plus en plus profondes. ll est vital de prendre des mesures pour améliorer considérablement les pratiques de gestion et appliquer des mesures de conservation telles que des zones interdites à la pêche, des règlements sur le maillage des filets et des limites de capture internationales, avant qu'il ne soit trop tard, déclare Craig Hilton-Taylor, de l'Unité Liste rouge de l'UICN.
Les grandes espèces d'eau douce telle l'hippopotame sont aussi en difficulté. Considéré menacé pour la première fois, l'UICN le classe désormais dans la catégorie Vulnérable essentiellement en raison du déclin catastrophique dû à la chasse non réglementée pour la viande et l'ivoire des dents qu'il a subi en République démocratique du Congo (RDC). Pourtant, il a juste 12 ans, la RDC possédait la deuxième population d'Afrique (30.000 hippopotames) après la Zambie qui en comptait 40.000. Touchées par les conflits régionaux et l'instabilité politique qui règne dans certains pays d'Afrique, beaucoup de populations connaissent des difficultés et l'impact sur la faune sauvage est également dévastateur, observe Jeffrey McNeely, Conseiller scientifique en chef de l'UICN.
Autre victime de l'instabilité politique et des conflits, l'hippopotame pygmée, espèce beaucoup moins connue et présente dans quelques pays d'Afrique de l'Ouest seulement. Déjà classé Vulnérable, il est désormais classé dans la catégorie en danger en raison notamment de l'exploitation illicite du bois.
La Liste rouge 2006 comprend également de nouvelles espèces de la région méditerranéenne. Les pressions de l'urbanisation, du tourisme de masse et de l'agriculture intensive ont poussé de plus en plus d'espèces indigènes telles que la buglosse Anchusa crispa et la centaurée Femeniasia balearica vers l'extinction, a observé l'UICN.
Alors que l'objectif de la communauté internationale est de ralentir fortement le rythme annuel de perte de biodiversité d'ici à 2010, lentement mais sûrement, les déserts, les océans se vident et les espèces menacées sont de plus en plus nombreuses. Dans ce contexte, l'Union appelle la communauté internationale à protéger davantage la biodiversité, notamment en réduisant les émissions de gaz à effet de serre et en élaborant des règles plus strictes de contrôle de la pêche et de la chasse.
En effet grâce à certaines mesures de conservation, l'état de quelques espèces s'est amélioré. Des mesures de conservation ont été bénéfiques par exemple au pygargue à queue blanche dans de nombreux pays d'Europe. L'application de lois interdisant de le tuer et de mesures de protection pour éliminer les menaces que constituaient les changements de son habitat et la pollution sont à l'origine de cette embellie, indique l'UICN. Sur l'île australienne de Christmas, le fou d'Abbott déclinait en raison de la disparition de son habitat et de la présence d'une espèce exotique envahissante, la fourmi folle jaune qui ravageait l'écologie insulaire. Grâce aux mesures de conservation liées à son inscription dans la catégorie en danger critique d'extinction en 2004, il voit ses effectifs augmenter depuis. En Asie du Sud-Est, l'un des plus grands poissons d'eau douce du monde, le poisson-chat géant du Mékong, inscrit dans la catégorie en danger critique d'extinction en 2003, est depuis devenu l'une des quatre espèces emblématiques du Programme pour la diversité biologique et l'utilisation durable des zones humides du Mékong. Ce poisson fait désormais l'objet d'une coopération régionale en matière de gestion de la pêche et d'activités de conservation.
Grâce à des mesures prises d'urgence par suite du déclin spectaculaire de 97 % de la population du vautour indien, l'avenir de cette espèce ainsi que d'espèces apparentées est aujourd'hui plus sûr. Le médicament vétérinaire qui était à l'origine de son empoisonnement involontaire, le diclofenac, est aujourd'hui interdit en Inde. Un produit de substitution prometteur a été trouvé et des colonies de vautours indiens élevés en captivité serviront au programme de réintroduction, explique l'UICN. Beaucoup d'autres espèces telles que le poisson Napoléon et l'antilope saiga font aussi l'objet de campagnes de conservation concertées.
Ces exemples sont la preuve que les mesures de conservation font la différence, conclut Achim Steiner. Mais le succès de la conservation prouve que nous ne devrions pas rester des spectateurs passifs de la tragédie de la perte de biodiversité et de l'extinction des espèces qui se déroule sous nos yeux.
* La Liste rouge de l'UICN des espèces menacées™ classe les espèces selon le risque d'extinction. C'est une base de données en ligne avec moteur de recherche présentant l'état mondial de plus de 40.000 espèces ainsi que des informations complémentaires sur ces espèces. Le but premier est d'identifier et de décrire les espèces qui ont le plus besoin de mesures de conservation et de fournir un indice de l'état de la biodiversité.
Les catégories de menaces pour la Liste rouge de l'UICN sont les suivantes, par ordre décroissant :
Éteint ou Éteint à l'état sauvage ;
En danger critique d'extinction, En danger et Vulnérable : espèces menacées d'extinction à l'échelon mondial ;
Quasi menacé : espèce proche du seuil des espèces menacées ou qui pourrait être menacée si l'on ne prend pas des mesures de conservation spécifiques ;
Préoccupation mineure : espèce pour laquelle le risque d'extinction est faible ;
Données insuffisantes : il n'y a pas eu d'évaluation parce qu'il n'y avait pas assez de données.