À l'échelle mondiale, les zones de montagne couvrent 24% de la surface terrestre des continents. Mais, si seulement 26 % de la population mondiale environ habite une zone de montagne, une proportion bien plus importante de la population dépend des biens et services fournis par ces zones, en particulier l'eau, vitale pour l'agriculture, les communautés et les industries situées à des centaines, voire à des milliers de kilomètres de ces montagnes. En France par exemple c'est l'eau de la Durance, transférée par le Canal de Provence, qui sécurise la desserte en eau brute de Marseille et de toute la région côtière jusqu'à Toulon !
Les montagnes jouent donc un rôle stratégique dans la gestion de l'eau, mais les pressions qu'elles subissent s'intensifient et pourraient faire courir des risques importants pour les plaines en aval. Les conséquences du réchauffement climatique y sont déjà bien visibles avec le recul des glaciers. Le seuil de températures au-delà duquel les précipitations tombent sous forme de pluie, et non de neige, a une importance critique pour le ruissellement et le stockage de l'eau en altitude, et par conséquent pour les débits restitués en été. Ces modifications affecteront certes les montagnes elles-mêmes, mais auront des répercussions, tout autant et peut-être encore plus, pour les régions situées en aval.
Plus particulièrement, le tourisme hivernal fondé sur le ski pourrait devenir difficile à assurer en moyenne montagne, engendrant ainsi des pertes économiques pour les communes et les entrepreneurs et créant une demande encore plus forte de séjours dans les stations situées à de plus hautes altitudes. Au cours des dernières années, l'enneigement sur l'ensemble des massifs montagneux a diminué de façon significative. Les stations de ski ont dû investir dans des équipements de production de neige artificielle de type « canons à neige » pour assurer une fréquentation régulière pendant la saison touristique. Utilisés autrefois seulement pour améliorer certains passages de pistes les « canons à neige » assurent désormais l'enneigement de la plupart des pistes de la mi-décembre à avril.
Par ailleurs, les montagnes sont des zones de risques naturels, d'intense érosion, de concentration rapide des eaux et où se forment les crues et les inondations qui peuvent être ravageuses pour les parties basses des bassins et les plaines.
Il apparaît également que la qualité des eaux et des milieux aquatiques s'y détériore : des problèmes ponctuels mais persistants d'assainissement, liés ou non à l'activité touristique, ou des pollutions diffuses liées aux élevages ou à la filière laitière s'exercent sur de petits cours d'eau. Sans oublier que la montagne se distingue par un grand nombre de plans d'eau soumis eux aussi à des pressions environnementales plus ou moins fortes. Même si les milieux aquatiques et les zones humides montagnards sont caractérisés par leur richesse et leur densité, l'Office International de l'Eau (OIEau) constate leur dégradation et la détérioration de leurs fonctionnalités sur de vastes territoires. Une pollution encore plus importante des lacs, des torrents et rivières en amont dégradera sans aucun doute la qualité des eaux des fleuves en aval.
Enfin, les communes de montagne sont confrontées à une compétition de plus en plus vive entre les différents usages de l'eau : production d'eau potable, activités touristiques en été comme en hiver (canons à neige, sports d'eau), production d'eaux minérales, irrigation en aval et hydroélectricité. En Europe, 96 grandes centrales électriques sur un parc total de 362 (soit 26,5 %) sont implantées en montagne, dont 37 centrales hydrauliques sur 50. En France, la montagne accueille chaque année 20,8 millions de touristes français et 2,9 millions de touristes étrangers.
L'augmentation des besoins en eau des hauts bassins oblige à s'interroger sur la disponibilité des ressources pour l'aval, notamment durant les épisodes de sécheresse.
Les acteurs de la montagne sont donc confrontés à une situation délicate. Bien conscients de leur rôle majeur et de la nécessité de renforcer l'aménagement et la gestion des hauts bassins versants, ils misent sur la Directive Cadre sur l'Eau (DCE) pour renforcer la collaboration amont-aval et partager les responsabilités. Cette directive européenne vise à restaurer d'ici à 2015 un bon état écologique des eaux. Elle reprend pour cela le principe de gestion par bassins versants, déjà mis en place en France depuis de nombreuses années à travers les agences de l'eau. Elle demande en premier lieu d'identifier les « Masses d'Eau » : rivière de plaine, torrent de montagne, estuaire, lac, nappe alluviale, système karstique, côte sableuse… Des indicateurs de qualité et des valeurs de référence du « bon état » sont en passe d'être définis pour chaque type de « Masse d'Eau » rendant alors possible, par exemple, la comparaison de la qualité des eaux des cours d'eau de montagne des Alpes entre la France, l'Autriche, l'Allemagne, la Slovénie ou l'Italie… Pour les masses d'eau de montagne, il n'est pas encore possible de les lister et de préciser leur état écologique mais l'OIEau est convaincu que cette directive est un outil juridique de pointe.
C'est pourquoi, pour bien comprendre cette directive et l'exploiter au mieux en faveur des zones de montagne, tous les acteurs concernés se réuniront en septembre prochain à Megève pour le 2ème colloque international de l'eau en montagne. L'incidence de la DCE sera plus particulièrement abordée par le Réseau International des Organismes de Bassin (RIOB). Mais d'autres manifestations seront conduites en parallèles à l'occasion de ce congrès comme le colloque « l'Eau en montagne » et la rencontre des élus de montagne. Pour Sylvianne Grosset-Janin, adjointe au Maire de Megève, l'objectif de ce congrès est clair : si le premier colloque organisé sur ce thème en septembre 2002 a fait prendre conscience à l'amont des responsabilités que nous avions envers l'aval, ce 2ème colloque doit faire comprendre à l'aval de l'intérêt des châteaux d'eau qu'ils ont en amont, explique-t-elle. Pour les élus de montagne représentés par l'Association Nationale des Elus de Montagne (ANEM), il ne s'agit plus de démontrer que la gestion de la montagne est nécessaire pour le bien de toute la plaine mais de faire participer la plaine à la gestion de cette montagne. Si la montagne fournit la quantité et la qualité, nous souhaitons que l'eau finance l'eau et qu'il y ait une forme de solidarité, de retour pour nous aider, explique Martial Saddier, vice-président de l'ANEM.
Selon l'OIEau, le Forum de Mexico a permis d'échanger sur les grands principes de la gestion de l'eau, mais maintenant il faut passer à l'acte et mettre en place les actions concrètes qui s'imposent d'urgence : le Congrès International de Megève présentera des expériences de terrain, qui marchent et donnent des résultats, qui peuvent être généralisés ou dont on peut s'inspirer pour progresser.
En marge du congrès un ensemble d'événements seront organisés pour les scolaires et le grand public qui pourront ainsi assister à des spectacles, des ateliers et des expositions sur le thème de l'eau.