Toutes les grandes familles de matériaux sont concernées : métaux, céramiques, carbones, polymères, silicates, etc. Les nanomatériaux présentent des caractéristiques différentes par rapport aux mêmes matériaux à l'échelle macroscopique ou micrométrique. Il devient donc possible d'obtenir des matériaux apportant notamment des propriétés mécaniques, électriques, magnétiques, optiques ou catalytiques particulières. L'acquisition de ces nouvelles propriétés physico-chimiques ouvre ainsi un immense champ de recherches fondamentales et appliquées regroupées sous l'appellation de «nanosciences».
De très nombreux secteurs industriels sont concernés (médecine, communications, électronique, transports…) et certaines applications sont d'ores et déjà en phase de production industrielle. C'est le cas notamment des nanotubes de carbone, dont la structure est cent fois plus résistante et six fois plus légère que l'acier, ainsi que des nanoparticules de dioxyde de titane utilisées dans le secteur des cosmétiques, des nanoparticules de silice pour les pneumatiques ou encore la cérine comme additif de carburant.
Le développement et les niveaux de production des nanomatériaux manufacturés vont s'étendre et s'intensifier dans les prochaines années. Les prévisions économiques et sociales paraissent extraordinaires : l'US National Science Foundation estime que l'impact économique des nanotechnologies à travers le monde se chiffrera à plus de mille milliards de dollars d'ici 2015, et générera plus de 2 millions d'emplois.
Face à ces prévisions, le Ministère de l'Écologie et du Développement Durable (MEDD) a demandé à plusieurs instances françaises de se pencher sur les impacts possibles de ces nanomatériaux sur le plan sanitaire, social et éthique. Le Comité de la Prévention et de la Précaution (CPP) a été sollicité dès 2004 pour proposer « des moyens d'accompagner correctement la croissance des usages et des disséminations des nanoparticules, et émettre des recommandations sur la conduite à tenir pour le suivi, l'identification de risques et l'élaboration des précautions adaptées à ces nouvelles échelles ». L'Agence Française de Sécurité Sanitaire de l'Environnement et du Travail (AFSSET) a, quant à elle, été saisie en septembre 2005 pour que soit réalisée une synthèse des connaissances scientifiques et techniques disponibles sur cette question et proposer des pistes prioritaires pour la réalisation d'études et de recherches. Ces deux organismes viennent de présenter leurs conclusions.
Il se dégage de l'analyse du CCP et de l'AFSSET que les nanoparticules, du fait de leur très petite taille, peuvent susciter une réaction biologique et présenter un danger. Des effets délétères ont notamment été mesurés chez l'animal dans un cadre expérimental. Néanmoins, il n'existe pas actuellement suffisamment de données ni de méthodologies adaptées pour évaluer les risques pour la santé de l'homme à cause du faible nombre d'études menées à ce jour, d'un recul peu important sur cette nouvelle forme d'exposition et de la grande diversité des nanoparticules produites. Le manque d'information s'en ressent également au niveau de l'évaluation de la toxicité des nanomatériaux pour l'environnement. Les nanoparticules peuvent être très facilement dispersées dans le milieu atmosphérique et ainsi parcourir de longues distances avant de se déposer mais actuellement, aucune information n'est disponible sur leur capacité de dégradation que ce soit dans l'eau ou dans les sols.
Compte tenu de ce constat, les deux organismes recommandent de recenser les nanoparticules issues des nanotechnologies et les filières de production. L'AFSSET propose à ce sujet de créer un registre international publiquement accessible, des nanomatériaux commercialisés ou en voie de l'être et des produits susceptibles d'en contenir.
Ils recommandent également d'accentuer les recherches et la surveillance des nanomatériaux. Pour cela l'AFSSET propose la création d'une structure indépendante et décisionnelle incluant un programme de recherche sur les méthodes de cette surveillance, l'étude des modalités d'enregistrement et le suivi des personnes exposées.
Pour les deux organismes, il est également urgent d'adopter dès maintenant des mesures de précaution et d'intégrer la prise en compte de la spécificité des nanomatériaux par l'Union Européenne dans le cadre de l'élaboration de la réglementation REACH.
De plus, le CPP propose de mettre en place une réflexion sociétale plus large pour mieux appréhender l'évaluation du rapport bénéfices/risques engendrée par le développement de ces nanotechnologies. À ce propos, le Premier ministre a annoncé, en mai dernier, le lancement d'un débat public sur les nanotechnologies.
Les administrations des ministères chargés de la santé, du travail et de l'écologie ont également décidé d'organiser un séminaire gouvernemental d'échanges et de réflexion sur les risques liés aux Nanomatériaux / Nanotechnologies en octobre prochain.
Outre le CPP et l'AFSSET, l'Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé (AFSSAPS) a également été saisie sur les risques des différents produits relevant de sa compétence susceptibles de contenir des nanoparticules comme les médicaments et les produits cosmétiques. Le Comité d'Éthique pour les Sciences du CNRS (COMETS) prépare également, en collaboration le Comité Consultatif National d'Éthique pour la santé et les sciences de la vie (CCNE), un avis sur les aspects éthiques associés au développement de ces nanotechnologies.