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Actu-Environnement

L'acide phosphorique contenu dans le chimiquier coulé au large de Cherbourg sera relargué en mer

Après quatre mois de discussions entre les autorités, l'armateur du chimiquier et le propriétaire de la cargaison, il a été décidé de ne pas toucher au navire, de récupérer les hydrocarbures mais de libérer progressivement l'acide dans l'eau.

Eau  |    |  F. Roussel
Dans la nuit du 30 au 31 janvier 2006, le vraquier maltais General Grot Rowecki, transportant 26.000 tonnes de phosphates entre en collision avec le chimiquier des îles Marshall Ece à l'ouest de la presqu'île de La Hague. Le chimiquier ne résiste pas et sombre quelques heures plus tard lors de la tentative de remorquage en emportant avec lui les 10.000 tonnes d'acide phosphorique qui composaient sa cargaison et les 90 tonnes d'hydrocarbures de propulsion. Très vite un plan de lutte anti-pollution a été déployé. La reconnaissance aérienne signale la présence d'une nappe d'hydrocarbures en surface provenant du navire coulé s'étendant sur 40 km de long et 1,5 km de large. Le Centre de Documentation, de Recherche et d'Expérimentations sur les Pollutions Accidentelles des Eaux (CEDRE) estime que compte tenu de sa nature, cet hydrocarbure léger a vocation à s'évaporer et à se disperser, ce qui ne représente que peu de risques pour l'environnement.
L'inspection de la coque du navire ne révélera aucune fuite majeure de la cargaison même si le CEDRE reconnaît qu'il peut intervenir des suintements d'acide phosphorique par des fissures dans la coque, dans des canalisations ou par les évents des cuves. Les débits par ces derniers pourraient atteindre 25 m3/heure.
L'acide phosphorique (H3PO4) transporté par l'Ece provient de l'Office chérifien des phosphates, un des principaux producteurs mondiaux de phosphate brut, exportateur vers une quarantaine de pays de phosphate brut, d'acide phosphorique et d'engrais solides. L'acide phosphorique est utilisé dans la fabrication d'engrais, la protection des métaux, l'industrie pharmaceutique, le traitement des eaux usées, le nettoyage, les liants pour réfractaires, les peintures et certains produits alimentaires. Il fait partie des produits chimiques de base les plus transportés en vrac. La garde côtière des Etats-Unis a d'ailleurs recensé l'acide phosphorique en 9ème position des produits chimiques les plus déversés en mer derrière l'acide sulfurique, le toluène ou encore le benzène.
Le GESAMP, groupe d'experts chargé par l'Organisation Maritime Internationale (OMI) d'étudier les aspects scientifiques de la pollution des mers, a attribué à l'acide phosphorique un indice 0 pour la persistance dans l'environnement (sur une échelle de 0 à 5), un indice 1 (sur une échelle de 0 à 6) pour la toxicité aquatique aiguë et un indice 3 (sur une échelle de 0 à 4) pour la toxicité par contact ou ingestion sur les mammifères aquatiques.

Pour aider à la prise de décision sur les observations à réaliser et les actions à entreprendre pour cet accident, le CEDRE a lancé une série de tests sur l'acide phosphorique de l'ECE. Les premiers résultats ont montré que l'acide s'étalait sur le fond avant de se diluer en se décomposant en ions hydrogène (H+) responsable de la diminution de pH et en ions phosphates (PO4--).
C'est pourquoi après quatre mois de discussions entre les autorités, l'armateur du chimiquier et le propriétaire de la cargaison, il a été décidé de ne pas toucher au navire, de récupérer les hydrocarbures par pompage mais de libérer progressivement toute la cargaison d'acide dans l'eau.
Pour l'association de protection de l'environnement Robin des bois, le rejet organisé de l'acide phosphorique résiduel dans l'épave de l'Ece est assimilé à une pollution volontaire. Selon l'association, l'étude approfondie de la composition chimique de l'acide phosphorique du bateau révèle la présence de métaux lourds persistants, bioaccumulables et toxiques pour la faune et la flore marines : mercure, plomb, arsenic, cadmium, chrome, vanadium et uranium.
Pourtant dans son analyse, le CEDRE a conclu qu'a priori, l'acide phosphorique de l'Ece est un acide à basse teneur en métaux lourds.
L'association rappelle également que l'activité radiologique de l'acide phosphorique marocain a été mesurée à 1.800 Bq/kg pour l'uranium 238, et à 1.100 Bq /kg pour le radium 226 : soit un bilan de 29 GBq pour un rejet de 10.000 t, quand l'activité des rejets liquides de deux réacteurs nucléaires en fonctionnement normal s'établit à 2 GBq (hors iode 131, tritium et carbone 14). Mais ce point n'a pas été abordé dans les conclusions du CEDRE.

Robin des bois craint également que les ions phosphate provenant de la dissolution de l'acide n'entraîne la prolifération d'algues notamment toxiques. Sur ce point, l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (IFREMER) en charge de travailler sur la question, a considéré que l'impact dû à l'acide serait d'une part limité à quelques centaines de mètres autour de la coque, et d'autre part, qu'en quelques jours, toute trace mesurable aurait disparu.
Dès le naufrage, l'association Robin des Bois avait déploré que l'Ece n'ait pas pu être remorqué dans un endroit refuge où l'acide phosphorique aurait pu être totalement ou en partie transféré. Désormais elle estime que seul le pompage intégral de l'acide phosphorique accessible, en même temps que les hydrocarbures, éviterait une contamination supplémentaire de l'environnement marin et des ressources halieutiques. Selon elle, l'Office Chérifien des Phosphates et l'armateur turc, ainsi que leurs assurances, ont les moyens techniques et financiers de mener à bien cette opération.

La libération contrôlée programmée de l'acide phosphorique se fera par ouverture des panneaux d'accès à chacune des six citernes à l'aide d'un robot télécommandé. L'opération sera conduite par l'armateur pendant la période d'été sous le contrôle des autorités. Jusqu'à leur achèvement, prévu pour le 15 septembre, l'interdiction de pêche actuellement en vigueur autour du navire est maintenue. L'épave n'étant pas considérée comme étant un danger pour le trafic maritime elle restera à 70 mètres de fond et sera signalée sur les cartes maritimes.

Réactions1 réaction à cet article

Quel est exactement ce produit ?

L'article parle d'abord de phosphates, puis d'acide phosphorique.

On parle ensuite de la présence de métaux lourds, qui ne peuvent être que des impuretés dans l'acide. la présence d'uranium n'est pas étonnante, les phosphates naturels du Maroc, très utilisés par les agriculteurs "bios" sont connus pour contenir des uranates.

Reste à savoir quelles sont les teneurs en métaux lourds de l'acide en cause, et à calculer le tonnage de métaux que celà représente.

Ensuite, pour ce qui concerne la décomposition en ions Hydrogène, l'eau de mer a un certain pouvoit "tampon", et, de plus, si on a des sédiments calcaires dans la zone du naufrage, on va assister à la neutralisation avec dégagement de dioxyde de carbone et abaissement momentanné du pH. Il va falloir surveiller ça avec un pHmètre.

Enfin, pour les phosphates, ils sont effectivement responsables (avec les nitrates) de l'eutrophisation des plans d'eau douce (lacs et étangs), mais pour que l'effet soit sensible dans les océans, il faudrait des quantités bien plus importantes.

Enfin, je crois me souvenir que l'acide phosphorique faisait partie du sirop "PULMOSERUM" utilisé pendant plus d'un siècle contre la toux, il était quaalifié de "fortifiant". Il faudrait vérifier s'il n'y en a pas un peu aussi dans le Coca-Cola.

A votre santé!!!

dominique | 08 août 2006 à 22h34 Signaler un contenu inapproprié

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