Délégué général du Conseil National de l'Emballage
OL : Si le volume de l'ensemble des déchets est perçu en augmentation, le tonnage des déchets d'emballages ménagers est quant à lui en diminution depuis 1997, comme le montrent les études triennales menées depuis 1994 par l'ADEME et les éco-organismes : en 2003, le tonnage des déchets d'emballages ménagers s'est élevé à 4,6 millions de tonnes, contre 4,9 tonnes en 1997.
Les déchets d'emballages ménagers représentent aujourd'hui moins du quart des ordures ménagères provenant des particuliers.
Le découplage préconisé par l'Union européenne, entre la progression du PIB et celle des quantités de déchets générés, commence à être observé en France dans le domaine des emballages ménagers, en particulier grâce à la réduction à la source.
Ainsi l'étude du Conseil National de l'Emballage « Mieux produire, mieux consommer : la prévention des déchets d'emballage » réalisée en partenariat avec l'ADEME et Eco-Emballages a montré -sur 8 marchés de produits de grande consommation représentant plus de 30% des achats des ménages- que la consommation des produits avait augmenté de 11% entre 1997 et 2003 mais que les tonnages d'emballages avaient quant à eux baissé de 3%. La réduction à la source avait été observée sur l'ensemble des marchés analysés.
Concernant leur fin de vie, les emballages doivent, pour être mis sur le marché et circuler librement dans l'Union européenne, permettre au moins 1 des 3 modes de valorisation suivants : recyclage matière, valorisation énergétique, compostage-biodégradation.
Concernant le recyclage, les objectifs fixés par la directive européenne sont atteints dans notre pays.
AE : La réduction des déchets à la source concerne-t-elle aussi les emballages de regroupement et de transport dans les entreprises ?
OL : Oui, tous les emballages sont concernés par la directive européenne 94/62/CE. C'est à cause du système de collecte nationale des OM et des responsabilités distinctes des acteurs professionnels que l'on distingue parfois en France les déchets ménagers et les déchets non-ménagers.
La norme EN 13428 « Prévention par réduction à la source » permet d'évaluer la conformité des emballages aux exigences essentielles de la directive européenne. La réduction à la source est définie comme le « processus permettant de s'assurer, pour des fonctions requises identiques, que le poids et/ou le volume d'emballages primaires et/ou secondaires et/ou tertiaires ont été minimisés tout en garantissant le maintien de l'acceptabilité par l'utilisateur, réduisant ainsi l'impact sur l'environnement. La substitution d'un matériau par un autre ne constitue pas une base pour la réduction à la source ».
Ainsi, les 212 initiatives exemplaires de couples produits-emballages analysées et répertoriées depuis 1996 dans les catalogues de la prévention des déchets d'emballages, initialement sous l'égide du Ministère de l'Environnement, puis sous la responsabilité du CNE, prennent en compte depuis 1998 le système d'emballage complet du produit analysé, y compris les emballages de regroupement et les emballages de transport.
AE : Le consommateur averti et désireux de limiter ses emballages est souvent confronté à des produits suremballés, surdimensionnés voire trompeurs. Comment expliquez-vous cette surenchère ?
OL : Il faut éviter les jugements de valeur et je me garderais d'utiliser le mot « surenchère ».
A propos des suremballages, il faut avant tout s'intéresser aux fonctions qu'ils remplissent : regroupement, protection, information…Ainsi, la plupart des suremballages, par exemple dans le domaine des produits laitiers ou dans celui des boissons remplissent une, voire plusieurs de ces fonctions. Dans certains cas, le suremballage assure de surcroît une fonction anti-vol. Ces justifications n'empêchent pas de chercher à réduire à la source les suremballages, à considérer comme un élément du système d'emballage complet du produit.
Lorsque le suremballage n'assure pas de fonction qui ne soit pas déjà remplie par les autres éléments du système d'emballage, on doit s'interroger sur sa pertinence. Le CNE conduit un atelier sur le sujet.
Concernant la question du surdimensionnement apparent, il faut vérifier quelles en sont les raisons ; pour les produits liquides moussants ou les pulvérulents par exemple, les techniques de remplissage du produit sur les lignes de fabrication et/ou des impératifs réglementaires imposent certains vides techniques. Ainsi, pour une lessive en poudre, dont la tolérance de densité est de +/- 25g/litre pour un nominal de 630g/litre, la hauteur libre au dessus du produit variera de 53 à 73mm après tassement sur la chaîne d'approvisionnement de l'usine au consommateur (tassement naturel : 11%, tassement après transport et manutention : 22%). Si aucune raison d'ordre technique ou légal n'existe, l'emballage devra être réduit, conformément aux exigences de la directive européenne et à la norme de la prévention par réduction à la source (cf. minimisation du poids et/ou du volume de l'emballage…).
Le CNE publiera prochainement ses travaux en la matière.
AE : Existe-t-il une réglementation limitant le nombre d'emballages ? Sinon quels travaux menez-vous dans ce sens ?
OL : Le secteur des emballages ménagers est l'un des plus réglementés, tant pour assurer la conservation des produits et la sécurité des consommateurs que maintenant, pour optimiser leur conception ou gérer leur fin de vie une fois devenus déchets.
Notre population augmente, la structure des ménages se modifie, le temps de préparation des repas diminue, la proportion de personnes seules a doublé en trente ans.
Ces évolutions ont nécessité la mise sur le marché de produits de consommation courante emballés, de plus en plus nombreux, et nous utilisons chaque année 100 milliards d'emballages ménagers.
Nos travaux portent sur l'écoconception des emballages et sur la prévention des déchets par réduction à la source dans un monde où la consommation augmente de façon à limiter leur impact sur l'environnement. L'étude que j'ai évoquée plus haut a montré que la consommation des produits analysés avait augmenté de 11% entre 1997 et 2003 ; le nombre de leurs emballages a suivi cette progression. En revanche, le tonnage de ces emballages a baissé de 3%. Voilà la limitation.
AE : La restauration de la consigne pour certains produits est-elle envisageable en France ?
OL : C'est un vieux débat ou mieux, un serpent de mer ! Il faut se méfier des fausses bonnes idées et s'intéresser aux impacts réels : sur le plan de l'environnement, les Analyses de Cycle de Vie montrent les limites de pertinence de la solution, sur le plan économique, les surcoûts doivent être chiffrés et sur le plan des comportements des consommateurs, l'acceptabilité de cette pratique en complément de celle du tri reste à mesurer.
AE : Peut-on laisser certains emballages en magasin pour les consommateurs qui le souhaiteraient ?
OL : Les gens achètent des produits emballés et non des emballages vides : produits et emballages sont inséparables à ce stade (la bouteille d'huile, la boîte de conserve, le gruyère avec le zip …) et il ne commence à être vraiment question « d'emballage » pour les consommateurs que lorsque le contenant se vide de son produit. C'est pourquoi on abandonne l'emballage après transport du produit chez soi, et consommation ou utilisation, pour le trier dans le cadre de la collecte sélective des déchets ménagers.
Le tri des déchets d'emballages ménagers par le consommateur à son domicile lui permet de prendre conscience de sa production de déchets et de mieux concilier son acte d'achat et son geste de tri.
En revanche les consommateurs ont le choix d'acheter ou de ne pas acheter les produits emballés qui leur sont proposés dans les magasins.