C'est dans ce contexte que le Conseil Régional d'Ile-de-France a initié à l'automne 2004 la création de l'association Bruitparif, observatoire du bruit en Ile-de-France, afin de disposer d'un outil d'évaluation globale du bruit à l'échelle régionale. Quand on interroge les franciliens, le bruit est la première pollution qui leur vient à l'esprit, mais il n'avait pas de mesure fiable, explique Jean-Paul Huchon, Président du Conseil Régional d'Ile-de-France. Il fallait un instrument objectif est c'est comme cela que Bruitparif est né, ajoute-t-il.
Aujourd'hui l'observatoire est sur le point de lancer sa première campagne de mesure du bruit dans l'environnement francilien. L'objectif est de délivrer aux acteurs publics, aux opérateurs de transports ainsi qu'aux habitants une première caractérisation de l'exposition au bruit des Franciliens à travers la documentation de situations réelles observées en Ile-de-France. Pour la première fois, à l'échelle régionale, la problématique du bruit dans l'environnement est appréhendée en tenant compte des contextes de multi exposition fréquents en zone urbaine, souligne le président de Bruitparif, Pascal Marotte. Il s'agit de secteurs où les Franciliens sont exposés à des sources de bruit multiples et de nature différente (bruit routier, ferroviaire, aérien, bruit des activités industrielles ou commerciales…).
Cette campagne de mesure s'étendra sur une période d'un peu plus d'un an entre octobre 2006 et la fin de l'année 2007 et couvrira 250 emplacements sélectionnés de manière équilibrée sur l'ensemble des départements. Chacun des 250 emplacements retenus va faire l'objet d'une mesure fine sur une durée de quelques jours, afin d'analyser de manière détaillée les caractéristiques sonores du site et les contributions des différentes sources à l'exposition de la population riveraine.
L'exploitation des données permettra de calculer les principaux indicateurs énergétiques requis notamment par la directive européenne, comme le niveau moyen énergétique sur les périodes jour, soirée, nuit ainsi que le niveau global moyen équivalent sur 24h (Lden). L'objectif consiste à confronter les résultats obtenus aux différentes normes ou recommandations en vigueur : valeurs guides de l'Organisation Mondiale de la Santé, recommandations de l'Autorité de Contrôle des Nuisances Sonores Aéroportuaires ou du Conseil Supérieur d'Hygiène Publique de France et enfin valeurs limites de la réglementation nationale prises en application de la directive européenne sur le bruit dans l'environnement.
Ces mesures se veulent également complémentaires des cartes stratégiques du bruit que doivent réaliser les collectivités locales dans le cadre de la mise en œuvre de la directive européenne 2002/CE/49 qui vise à évaluer et gérer de manière globale le bruit dans l'environnement. Cette directive impose un cadre commun aux états membres pour la lutte contre les nuisances sonores des infrastructures de transports terrestres, les aéroports et les industries. Deux des principaux objectifs sont l'établissement de cartes d'exposition aux bruits et, sur la base de ces cartes, l'adoption de plans d'action en matière de prévention et de réduction du bruit dans l'environnement ainsi que la préservation des zones calmes. L'adoption de ces deux mesures se fera pour les agglomérations de plus de 250.000 habitants en 2007-2008, dans un premier temps, et pour les agglomérations de plus de 100.000 habitants en 2012-2013, dans un second temps. Cette directive trouve sa traduction française dans le décret du 24 mars 2006 qui impose, pour juillet 2008 au plus tard, une cartographie du bruit assortie d'un plan de prévention des nuisances sonores pour les infrastructures routières, autoroutières et ferroviaires les plus fréquentées, pour les aérodromes, pour certaines ICPE et, enfin, pour toutes les villes de plus de 100.000 habitants. Cette carte du bruit tenue à la disposition du public doit être actualisée tous les cinq ans.
Mais pour Michel Vampouille, vice-président du Conseil régional d'Ile de France chargé de l'Environnement, le délai du 30 juin 2007 sera difficile à tenir car le gouvernement ne communique pas assez sur le sujet. Peut-être que la ville de Paris sera à l'heure, puisqu'elle a déjà réalisé une carte de bruit du trafic routier, mais les autres communes non. Encore des amendes de Bruxelles en perspectives ?
La campagne de mesure en Ile-de-France devrait également permettre d'améliorer la compréhension des Franciliens à la problématique du bruit dans l'environnement puisque les résultats de cette campagne de mesure seront communiqués par Bruitparif notamment par le biais de son site Internet. Au-delà de cette première campagne de mesure, l'objectif de Bruitparif est de développer un véritable observatoire permanent du bruit en Ile-de-France. Et pour cela il est essentiel d'aller sur le terrain, explique Fanny Mietlicki, la directrice de Bruitparif.
Rappelons que le bruit induit a deux types d'effet sur la santé : les effets physiologiques (les lésions auditives, les pathologies cardiovasculaires et la perturbation du sommeil) et les effets psychologiques (effets de gêne avec impacts sanitaires, tels l'apparition de pathologies psychiatriques comme l'anxiété ou la dépression, et effets en terme de modification des comportements, comme le besoin de déménager pour se soustraire au bruit). Ces effets diffèrent selon le niveau de bruit, la durée d'exposition et les facteurs de sensibilité individuelle. Deux enquêtes épidémiologiques ont déjà été menées dans la région et une troisième est actuellement en cours. La première est l'enquête ETADAM (2000) qui a mis en évidence l'existence de liens entre l'exposition au bruit des avions et certaines pathologies ou indicateurs de l'effet de santé (manifestations d'angoisses, consommation de médicaments à visée neuro psychiatrique par exemple). Cette étude a aussi montré le rôle important de nombreux autres facteurs, socio-économiques notamment, susceptibles de modifier la relation entre l'exposition au bruit et l'état de santé. La seconde enquête nommée INSOMNIA (2004) réalisée à la demande de l'ADVOCNAR et du CSNA a concerné l'étude des troubles du sommeil des riverains de l'aéroport de Roissy. Elle a montré notamment un nombre plus important de ces troubles et, dans une moindre mesure, un accroissement du stress et de l'angoisse parmi les populations survolées par les avions. Par ailleurs, une troisième étude a été confiée par le Conseil Régional d'Ile-de-France aux bureaux d'études « Open Rome » et « Scetauroute » avec la contribution de l'Observatoire Régional de la Santé. Elle est actuellement en cours de finalisation.