Ce lac de 14.000 kilomètres carrés, situé à 1.300 kilomètres du pôle sud, est l'un des plus vastes au monde et suscite l'intérêt des scientifiques. Long de 224 km et large de 48 km, le lac Vostok est aussi grand que le lac Ontario. Ses 501 mètres de profondeur le classent parmi les dix lacs les plus profonds sur Terre. Des conditions extrêmes d'obscurité, de température, de pression, de pauvreté en éléments nutritifs y prévalent. Son âge dépasserait 1 million d'années; les sédiments de ce lac pourraient donc raconter l'histoire de l'évolution des climats pour une période plus longue encore. Ses eaux pourraient aussi répondre aux questions que des chercheurs se posent sur l'évolution des espèces dans des milieux extrêmes qui n'ont jamais connu la pollution chimique ou radioactive.
À la fin des années 1950, les Russes y ont établi une station de recherche sans en soupçonner la présence.Ils avaient installé leur camp à cet endroit parce que c'était plat. Leur but était de faire du carottage dans la calotte glaciaire pour reconstituer l'évolution du climat sur la planète à partir de l'abondance de divers éléments retrouvés dans la glace.'' Les premiers indices portant les Russes à croire qu'il y avait de l'eau sous leurs pieds datent des années 1970. Mais, ce n'est qu'en 1996, grâce aux images obtenues par Radarsat, que la communauté scientifique a réalisé toute l'importance de cet écosystème isolé du reste du monde depuis des temps immémoriaux.Ils ont alors foré jusqu'à 3.623 mètres dans la glace, s'arrêtant à quelques centaines de mètres de l'eau. Cette carotte de glace a été remplie de kérosène et de fréon, pour éviter qu'elle fonde, et se trouve toujours à Vostok.
En dépit de l'opposition des écologistes, qui redoutent qu'un forage dans ce lac puisse entraîner sa destruction, les scientifiques russes envisagent de percer la glace jusqu'à la surface du lac Vostok.
Des chercheurs américains sont également intéressés par un tel forage pour savoir si une forme de vie peut exister sous ces conditions, ce qui viendrait conforter les théories affirmant qu'il peut y avoir des organismes vivants dans d'autres environnements extrêmes, en particulier sur d'autres planètes.
Ces projets risquent néanmoins d'être contrariés par un article paru dans le dernier numéro du journal du Centre de recherche géophysique, basé aux Etats-Unis. Dans cet article, Chris McKay, chercheur à la Nasa en Californie, met en garde sur la nécessité d'être particulièrement prudent pour forer dans le lac Vostok.
Selon le chercheur, la forte concentration de gaz présente dans le lac ''risque de générer une éruption violente si l'eau du lac était amenée en surface''. ''La concentration de nitrogène et d'oxygène dans l'eau du lac, de 2,5 litres par kilo, est à peu près celle contenue dans une canette de Coca-Cola fermée (où le gaz est en l'occurence du C02)'', a indiqué le scientifique.
''Nos travaux suggèrent que les scientifiques russes et américains, qui étudient ce lac, soient très prudents en forant parce que ces concentrations de gaz pourraient rendre l'eau du lac très instable et potentiellement dangereuse'', a estimé M.McKay.
Il a précisé que les recherches actuelles ont démontré que les taux d'oxygène dans le lac sont 50 fois supèrieurs à ceux habituellement rencontrés dans un lac ordinaire. Selon ces recherches, les organismes vivants dans le lac Vostok ont sans doute évolué d'une manière spécifique pour s'adapter à ces conditions extrêmes, par le biais d'une forte concentration d'enzymes protecteurs leur permettant de survivre dans un environnement riche en oxygène.