Aujourd'hui, le BIR compte près de 800 adhérents issus de 70 pays, 43 fédérations nationales du recyclage et 750 entreprises commerciales. Le marché international de la récupération et du recyclage représente plus de 100 milliards d'euros pour plus de 500 millions de tonnes de matières recyclées par an. En France, la collecte des déchets ménagers participe très peu au recyclage par défaut de tri-matière. Seuls 10% des matières et produits entrant dans une filière de recyclage proviennent des déchets ménagers. Les autres viennent du commerce et de l'industrie : 70% du post-consumer et 15 à 18% des chutes nobles de fabrication. Cette dernière participation est d'ailleurs en forte diminution du fait de la politique de réduction des déchets à la source mise en œuvre par les industriels. Le marché français du recyclage représente un chiffre d'affaires de 9 à 10 milliards d'euros et un volume traité supérieur à 40 millions de tonnes, dont 45% est utilisé comme matière première dans l'industrie. En papeterie, cette matière représente 70% de la matière première utilisée. A partir du moment où la matière devient majoritaire en terme de taux d'utilisation, on peut se demander si ça reste du secondaire, souligne Dominique Maguin, ex-président de la Fédération française du recyclage (Federec), devenu président du BIR.
À l'origine, les récupérateurs s'intéressaient aux produits usagés ou neufs, aux résidus de fabrication, à tout ce qui avait de la valeur, ne présentait pas de danger et faisait l'objet d'une demande sur le marché des matières premières nécessaires à la transformation artisanale et industrielle. Aujourd'hui, le recyclage fournit 50% des besoins mondiaux en matière première. Il fournit 44% des ferrailles utilisées dans la production d'acier, 40% dans la production du cuivre et 45% de la matière de base du papier.
Un problème sémantique révélateur
Le terme de « matière première secondaire » a été utilisé dans la seconde directive cadre sur les déchets (Directive 91/156/CEE du Conseil du 18 mars 1991, modifiant la directive 75/442/CEE relative aux déchets) sans avoir été défini. À l'heure où cette directive est soumise à révision, le BIR souhaite que ces matières récupérées, préparées et traitées dans des centres de transformation ne soient plus considérées comme du « déchet ».Le recyclage n'est pas la réponse à tout, mais c'est le seul moyen de transformer un déchet en matière, souligne le belge Francis Veyes, directeur général du BIR. Nous souhaitons que les industriels achètent une matière première normalisée et non pas un déchet, sans quoi leur activité relève de la décharge qui, en France, est soumise au régime des ICPE.
Pour eux, par exemple, les ferrailles préparées et prêtes à l'enfournement sont assimilables à des produits consommés par les usines sidérurgiques du monde entier. Les assimiler à des déchets présente le risque de désavantager leur recyclage. Mais les définir comme « produit » risque de les voir soumis à la directive REACH. Les choses ne sont pas simples, dans ce domaine où la définition de déchet repose avant tout sur des concepts juridiques et non scientifiques.
Pour l'heure, le commerce international de ces matières premières secondaires repose sur la réglementation européenne du 12 juillet 2007 autorisant le transfert transfrontalier de déchets non dangereux accompagnés d'un bordereau. Les déchets dangereux doivent être traités sur place, exceptés les déchets nucléaires. Mais là encore, le contrôle aux frontières pose problème. Il est à l'origine du blocage de la nouvelle révision de la directive Cadre sur les déchets. En effet, le contrôle suppose l'ouverture des containeurs. La matière qui s'y trouve est-elle déjà valorisée ou non, est-ce un déchet à éliminer ou à valoriser ? Ces questions alimentent la pression des intérêts opposés au commerce international de ces matières premières secondaires. Au sein de l'Union européenne, les nouveaux pays adhérents souhaitent qu'elles restent dans leurs pays pour répondre à la demande, de même que l'Espagne « au top du recyclage ». Au sein de la Convention de Bâle sur le contrôle transfrontière des mouvements de déchets dangereux, cinq lobbys s'opposent au recyclage des ordinateurs : ils y trouvent les métaux précieux nécessaires à la fabrication de l'acier.
Ainsi à travers le monde, près de 50 pays empêchent le commerce des matières premières secondaires. La Chine a mis en place une politique de licences d'exportation indépendantes des législations de l'OMC. La Russie impose un droit de 5% à l'exportation des ferrailles afin qu'elles restent dans le pays. Soit nous sommes dans un système de libre-échange, soit les matières restent dans les pays mais encore faut-il en avoir besoin, souligne Dominique Maguin. En outre, à chaque exportation, le pays producteur perd la matière constitutive de l'emballage du produit. Et je doute de la capacité d'un pays à s'occuper d'un emballage dans le pays où il a vendu le produit.
Le BIR souhaite que soit institué un Conseil du Commerce international pour mieux envisager l'obstruction de certains pays à ce marché. Il défend le développement d'un marché international de la production de matières premières secondaires pour la convoyer là où il y a une demande de biens. Tout en faisant en sorte que les déchets non valorisables en matière première secondaire ne partent pas vers les pays pauvres, souligne Francis Veys. Le BIR envisage de créer un observatoire statistique pour recueillir et actualiser les données mondiales et donner sens aux marchés mondiaux.
Un atout contre le changement climatique
Pour assoire son positionnement, le bureau entend démontrer l'intérêt environnemental du recyclage matière. En effet, une étude australienne indique que les activités de recyclage permettent une réduction de 8,8 Mt de CO2, dont 86% grâce au secteur de l'aluminium (bien que seules 8% des matières soient recyclées dans ce secteur), 24% grâce au secteur des ferrailles et 14% au secteur du papier. Nous sommes convaincus que nos activités ont une activité positive, c'est pourquoi nous allons calculer leur empreinte écologique, souligne Dominique Maguin. Dans les prochaines semaines, le BIR remettra son pré-rapport sur le recyclage et les économies de CO2.