Dorénavant, 194 parties, couvrant 98,62 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES), ont formulé au moins une contribution déterminée au niveau national (NDC, pour Nationally Determined Contribution). Officiellement enregistrées par la Convention-cadre des Nations unies pour les changements climatiques (Ccnucc), ces contributions présentent les engagements pris par chaque pays en matière de limitation des émissions.
Quid de la neutralité carbone ?
Quelque 70 États évoquent leur volonté d'atteindre la neutralité carbone à long terme (2050 ou 2060, en général). Pour autant, il s'agit souvent d'une ambition qui traduit la volonté d'étudier des scénarios tendant vers des émissions nettes égales à zéro. Très rares sont les pays qui l'inscrivent noir sur blanc dans leur engagement officiel.
Ainsi, l'Union européenne signale dans les considérants de sa dernière contribution qu'elle a remis à la Ccnucc sa stratégie carbone à long terme. Pour autant, la contribution stricto sensu ne porte que sur 2030.
Pour leur part, les États-Unis se contentent de dire que leur engagement pour 2030 est cohérent avec l'objectif de neutralité carbone post-2050 inscrit dans l'Accord de Paris.
Quant à la Chine, elle a plusieurs fois fait savoir qu'elle envisageait d'atteindre la neutralité carbone en 2060. Ainsi, dimanche dernier, Chine Nouvelle, l'agence officielle du gouvernement chinois, a détaillé un plan en ce sens. Mais à ce stade, le seul engagement chinois concret est la contribution enregistrée par la Ccnucc en septembre 2016. La notion de neutralité carbone n'y figure pas.
Les émissions mondiales restent orientées à la hausse
Que retenir globalement de ces engagements ? La Ccnucc vient tout juste de mettre à jour sa synthèse des plans d'action pour le climat des États.
Le rapport (1) , qui doit aider les négociateurs à évaluer les progrès de l'action climatique à l'occasion de la COP 26, explique que les engagements pris à ce jour prévoient une augmentation sensible, d'environ 16 %, des émissions mondiales de GES en 2030 par rapport à 2010 (soit environ 59 % de plus qu'en 1990). « La comparaison avec les dernières conclusions du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec) montre qu'une telle augmentation, si elle n'est pas modifiée rapidement, pourrait entraîner une hausse de la température d'environ 2,7 °C d'ici la fin du siècle. »
Des budgets carbone sérieusement entamés
Une autre façon d'exprimer l'écart entre les objectifs de l'Accord de Paris et les engagements pris est d'évaluer le budget carbone restant, c'est-à-dire l'enveloppe globale d'émissions de GES à répartir entre 2020 et 2050, ou 2070, (les émissions nettes devant être nulles en 2050, pour le scénario 1,5 °C, ou en 2070, pour le scénario 2 °C). Avec les NDC actuelles, et dans le cadre du scénario 2 °C, 39 % du budget disponible pour les cinq décennies à venir aura été consommé au cours de la première. Quant au budget carbone associé au scénario 1,5 °C, il sera consommé à 89 % en 2030. L'enveloppe restante sera de 56 GtCO2eq, « ce qui sera l'équivalent de la moyenne des émissions annuelles de la période 2020-2030 », alerte la synthèse de la Ccnucc. Cette « année d'émissions moyennes » devra alors être répartie sur deux décennies.
Ce constat conduit la Ccnucc à rappeler que si les émissions ne sont pas réduites d'ici à 2030, il faudra les diminuer à un rythme considérablement accru par la suite pour compenser la lenteur au démarrage. En conséquence, « les parties doivent redoubler d'urgence leurs efforts en matière de climat si elles veulent empêcher que l'augmentation de la température mondiale ne dépasse l'objectif de l'Accord de Paris, à savoir bien moins de 2 °C, et idéalement 1,5 °C, d'ici la fin du siècle », alerte Patricia Espinosa, secrétaire exécutive de la Ccnucc.
Autre remarque importante : le rapport rappelle que de nombreuses NDC de pays en développement formulent des engagements conditionnés à un soutien financier. Faute d'aide financière, seul le volet inconditionnel moins ambitieux sera mis en œuvre, voire, dans certains cas, aucune stratégie de réduction. « L'engagement de mobiliser 100 milliards de dollars par an d'ici à 2020 est [donc] essentiel pour renforcer l'action des pays en développement en faveur du climat », rappelle Patricia Espinosa, qui « appelle les pays développés à respecter pleinement cet engagement lors de la COP 26 ».