En décembre 2016, un an après l'adoption de l'Accord de Paris, la communauté internationale se retrouvait à Marrakech (Maroc) pour la première conférence des parties à l'Accord. A cette occasion, les négociateurs s'accordaient sur un programme de travail pour rendre opérationnel l'accord dès 2020. Le calendrier fixe une échéance clé pour 2019 : adopter un rulebook qui fixe des mécanismes et établit les instances nécessaires à l'application de l'Accord.
Assurer la transparence
Le parallèle est formulé par Benoît Leguet : l'Accord de Paris peut être assimilé à un texte législatif qui fixe le cap, il convient maintenant d'adopter les décrets d'application, résume le directeur du think tank I4CE. Ce sont ces règles concrètes, rassemblées dans le rulebook, qui assureront l'efficacité de l'Accord. Ou pas. "La pérennité et la crédibilité de l'Accord de Paris est en jeu", prévient Lucile Dufour, du Réseau Action Climat (RAC). L'une des principales difficultés est d'établir un cadre de transparence "renforcé", c'est-à-dire applicable à tous les Etats, et plus uniquement aux pays développés comme l'impose le protocole de Kyoto.
Il convient de fixer un cadre robuste et transparent pour déclarer les engagements des Etats (les Nationally Determined Contributions (NDC)), contrôler régulièrement leur application et mesurer leur impact en termes de réduction d'émissions de gaz à effet de serre (GES). Les critères d'évaluation des progrès vers l'atteinte de l'objectif de limitation de la hausse des températures à 2°C, voire 1,5°C, sont aussi l'objet d'importantes négociations.
Autre sujet d'attention : l'article 6 de l'Accord, qui prévoit que les Etats puissent atteindre leur objectif de réduction des émissions en coopérant entre eux. Des pays forestiers ayant d'importants puits de carbone pourraient coopérer avec d'autres ayant des émissions difficilement réductibles (notamment de fortes émissions agricoles). "Le point clé est la mise en place d'une comptabilité carbone rigoureuse qui empêche un double comptage des réductions", résume Lola Vallejo, directrice du programme climat de l'Iddri.
Trouver le bon niveau de flexibilité
Surtout, ces règles doivent renforcer la confiance entre les Etats, condition sine qua non de l'amélioration progressives NDC. "L'Accord de Paris n'est pas un simple dispositif pledge & review, c'est-à-dire qu'on ne se contente pas d'enregistrer des engagements et d'en contrôler le respect a posteriori", rappelle Michel Colombier. Les engagements sont la base d'une action collective qui doit être renforcée régulièrement grâce à un dialogue continu. Il est donc indispensable d'être transparent et d'ajouter de bons outils au traité, mais aussi en dehors du traité (avec l'Agenda des solutions). "Il s'agit de se rassurer les uns les autres", résume le directeur scientifique de l'Iddri. Pour Benoît Leguet, "le plus important est de retenir les critères qui permettent d'infléchir la stratégie des Etats et des autres acteurs. Il ne faut pas faire du reporting juste pour la forme en se contentant de remplir des fichiers excel".
Pour l'instant, les négociateurs disposent d'une note de 307 pages qui reprend les différentes positions à l'issue des négociations de septembre à Bangkok (Thaïlande). Ils doivent l'épurer au cours de la première semaine de la COP 24 pour que les décideurs politiques puissent négocier les derniers points de blocage. "Ce n'est pas évident car il y a encore énormément de travail technique", concède Olivier Fontan. Mais le diplomate du ministère des Affaires étrangères estime qu'"il n'y a pas de raison qu'on n'aboutisse pas. Il n'y a pas d'élément réellement bloquant". Lola Vallejo aussi est optimiste car "si les négociateurs échouaient, ce serait un échec politique pour la présidence polonaise". Une des solutions pourrait être d'"adopter le cadre général à Katowice, tout en négociant ultérieurement certains points techniques", estime-t-elle.
Concrètement, la définition des NDC restent l'une des principales pierres d'achoppement entre pays développés et pays en développement. S'agissant des NDC, les pays riches souhaitent un cadre strict pour mieux comparer la nature des engagements. Les pays en développement souhaitent préserver une certaine flexibilité pour refléter les différences en termes de responsabilité et de capacité à agir. Ainsi, la Chine propose de créer un ensemble de règles à deux vitesses. Une idée à laquelle s'opposent les Etats-Unis et l'UE. Peut-être la solution viendra-t-elle de "critères flexibles, mais convergents dans le temps", espère Lucile Dufour.