L'Autorité environnementale (Ae) du CGEDD (1) a été créée durant l'été 2009 sous l'influence du droit de l'UE. Deux directives prévoient que les plans et programmes, ainsi que les projets soumis à une décision publique doivent faire l'objet d'une évaluation environnementale. Mais afin d'éviter que le ministère de l'Ecologie soit "juge et partie", cette structure spéciale a été mise en place pour les cas où le ministre chargé de l'environnement est l'autorité chargée de prendre la décision du projet ou lorsque le maître d'ouvrage est l'Etat représenté par un service dépendant de ce ministre ou d'un établissement public placé sous sa tutelle (VNF, RFF (2) , RTE (3) , etc.).
L'Ae joue donc le rôle d'un "garant environnemental" pour ces projets. "Émis à un stade suffisamment précoce du processus de décision, [les avis] visent non seulement à améliorer la qualité des évaluations environnementales fournies par les pétitionnaires, et la prise en compte de l'environnement dans les opérations qui leur sont soumises, mais aussi, grâce à leur caractère public, à faciliter la participation du public à l'élaboration des décisions correspondantes", souligne Michel Badré qui préside l'instance.
Plus de trois ans après sa création, l'Ae est en mesure de faire un premier retour (4) sur la prise en compte des recommandations formulées dans ces avis.
Mémoire en réponse du maître d'ouvrage
Sur les 265 projets ou programmes examinés par l'Ae depuis sa création, huit dossiers ont été abandonnés ou reportés en attendant d'être complétés significativement avant même que l'Autorité ait rendu son avis. Dans neuf autres cas, les maîtres d'ouvrage ont repris complètement le dossier suite à l'avis de l'Ae en vue d'une nouvelle saisine de l'Autorité. C'est le cas, illustre Michel Badré, d'un projet de mise à grand gabarit d'un canal par VNF, pour lequel l'Ae avait pointé le risque important de pollution des nappes phréatiques compte tenu des options techniques choisies.
Dans la majorité des cas, les recommandations de l'Ae donnent lieu à un "mémoire en réponse" du maître d'ouvrage, bien que celui-ci reste libre d'y donner ou non une suite. "Joint au dossier d'enquête publique avec l'étude d'impact et l'avis de l'Ae, ce document permet au public de savoir en quoi le projet ou son dossier de présentation a été modifié à la suite de l'avis de l'Ae", précise cette dernière.
Depuis octobre 2012, l'Ae demande à tous les maîtres d'ouvrages de lui communiquer les éléments de réponse qu'ils établissent suite à ses recommandations, ce qu'elle juge très utile pour "l'amélioration continue de ses avis". A une exception près, il n'est jamais arrivé qu'un maître d'ouvrage conteste sur le fonds l'avis de l'Ae dans ces documents. "Sans constituer bien sûr une preuve de fiabilité totale, ce constat peut être pris comme une présomption de pertinence globale des avis émis", se félicite l'Autorité dans son rapport.
"Les études d'impact progressent en qualité"
Globalement, Mauricette Steinfelder, membre de l'Ae, constate une meilleure prise en compte de l'environnement par les maîtres d'ouvrage. "Les études d'impact progressent en qualité et les avis de l'Ae n'y sont pas pour rien", estime l'ancienne directrice de la Dreal Languedoc-Roussillon.
"L'avis incite le maître d'ouvrage à aller plus loin dans la justification socio-économique du projet et dans l'analyse des alternatives, sujet souvent négligé à ce stade, qui arrive après plusieurs années d'études et de concertation", confirme Claude Chardonnet, directrice générale du cabinet C&S Conseils. In fine, cette évaluation constitue une étape "grâce à laquelle le maître d'ouvrage peut encore améliorer le projet et sa présentation, voire le retirer s'il s'avère mauvais. C'est donc un gain de temps et d'efficacité", estime la consultante. "Les avis constituent un indicateur de qualité de nos études, de nos projets et de nos prestataires", renchérit Alain Quinet, directeur général délégué de RFF.
Les maîtres d'ouvrage ne sont toutefois pas juridiquement tenus de suivre les recommandations de l'Ae. "Mais les avis sont publics", rappelle Michel Badré, ce qui rend difficile pour les maîtres d'ouvrage de passer outre. D'autant que les juges peuvent prendre en compte les avis en cas de contentieux, même si aucune décision judiciaire ne permet encore de l'illustrer. "Leur dimension d'expertise objective et neutre et leur prise en compte dans un mémoire complémentaire joint à l'étude d'impact permettent de sécuriser les procédures", confirme Alain Quinet.
En ce qui concerne en revanche le suivi des recommandations de l'Ae dans la vie du projet, cette dernière n'a pour l'instant pas de visibilité en la matière. Mais les dispositions de la loi Grenelle 2 visant à ce que les maîtres d'ouvrage suivent les mesures de protection de l'environnement dans le temps pourraient permettre d'améliorer les choses, espère le président de l'Autorité.
Echos modestes dans le public
Les avis de l'Ae ne s'adressent toutefois pas qu'aux maîtres d'ouvrages des projets, mais aussi aux autorités décisionnaires et au public. Si les discussions fréquentes de l'Autorité avec les maîtres d'ouvrage "ont permis d'acquérir avec eux un langage commun et une bonne connaissance réciproque (…), les contacts sont moins serrés et approfondis avec les autorités instructrices", déplore le rapport qui voit là "une voie d'amélioration pour l'avenir".
De même, "l'écho des avis de l'Ae dans le public reste encore modeste", regrette les auteurs du rapport. "La complexité du dispositif réglementaire de l'évaluation environnementale nécessite encore, à l'évidence, un gros effort de pédagogie", concluent-ils avec lucidité.