A partir de ce lundi 29 avril, les scientifiques de 132 Etats membres de l'IPBES (1) , se retrouvent à l'Unesco à Paris pendant une semaine. Ils ont exactement six jours pour se mettre d'accord sur un rapport qu'ils peaufinent depuis plusieurs mois. Ce document regroupe l'ensemble des connaissances scientifiques sur la question de la biodiversité et surtout son état de dégradation à l'échelle mondiale. Près de 150 études scientifiques y sont regroupées. De quoi brosser un état des lieux complet de la situation. Les scientifiques doivent surtout le résumer pour les décideurs politiques. L'objectif étant de tirer le signal d'alarme comme a pu le faire le GIEC en 1990 avec le climat.
Le début d'un marathon politique
Ce rapport trés attendu, et le premier du genre, doit marquer le point de départ de l'action, de l'engagement politique. C'est en tout cas le souhait de la France qui se prépare à jouer un rôle diplomatique important pour convaincre, négocier, engager. "Nous souhaitons répondre au souhait du président de la République de porter la question de la biodiversité à un haut niveau, comme le climat", expliquait à Actu-environnement Yann Wehrling, Ambassadeur français délégué à l'environnement en février dernier. La diplomatie française rêve de réitérer ce qui s'est passé à la COP 21 de Paris en 2015 avec l'adoption d'un cadre commun d'objectifs via l'Accord de Paris. La ligne de mire est cette fois la COP 15 de la Convention internationale sur la diversité biologique qui se tiendra fin 2020 en Chine. "La France a réussi la COP21. Nous voulons donc travailler avec la Chine pour que la COP15 sur la biodiversité soit également une réussite", explique Yann Wehrling.
Et pour atteindre son objectif, la France va s'appuyer sur plusieurs temps forts. Le rapport de l'IPBES sera le socle scientifique qui permettra d'argumenter et de justifier l'action. Et cette fois, pas de risque de faire face à une forme de septicisme contrairement au climat : les scientifiques sont catégoriques. Nous sommes face à une extinction massive et très rapide des espèces sur l'ensemble du globe, et les activités humaines en sont les responsables par la destruction des habitats, les pollutions, la surexploitation des ressources, la prolifération des espèces envahissantes et le changement climatique.
Cinq rendez-vous pour convaincre
L'ambition française est donc de transformer l'évaluation alarmiste des scientifiques en une action politique. La séquence se jouera en cinq actes. La semaine de l'IPBES est le premier. Viendra ensuite le G7 environnement, début mai, où la France veut montrer que les politiques ont entendu le message des scientifiques. Puis le G7 général, fin aoûtà Biarritz (Pyrénées-Atlantiques), le congrès de l'UICN en juin 2020 à Marseille (Bouches-du-Rhône) avant la COP 15 en Chine.
La France veut appliquer la même recette que pour le climat : trouver un objectif simple et fédérateur en matière de biodiversité, demander des engagements révisables aux Etats, créer plusieurs coalitions de pays sur des sujets précis comme la déforestation, les aires marines protégées ou encore la lutte contre les déchets en plastique, mobiliser la société civile sans oublier la question des financements. Et là aussi, sur ce sujet, le bât blesse comme pour le climat. En 2010, à Nagoya, les parties à la Convention sur la diversité biologique s'étaient fixées une série d'objectifs. 200 à 300 milliards d'euros par an étaient nécessaires pour les tenir. Or, la mobilisation financière mondiale est estimée par le ministère de la Transition écologique à 8 milliards d'euros par an. Les "objectifs d'Aïchi" n'ont pas été tenus.
Une stratégie nationale révisée en 2020
Si la France semble proactive au niveau international, sa crédibilité dépendra incontestablement de ses ambitions nationales. Pour l'instant, le gouvernement s'appuie sur les 90 actions de son plan pour la biodiversité dévoilé à l'été 2018. Mais le gouvernement l'assure, il s'appuiera sur le rapport de l'IPBES pour réviser sa stratégie nationale en 2020. A suivre.