Le Sénat a définitivement adopté le 13 décembre le texte de loi qui suspend le bisphénol A (BPA) dans les contenants alimentaires. Un long marathon parlementaire pour un texte, qui avait été voté en première lecture par l'Assemblée nationale en octobre 2011. Plusieurs amendements ont été déposés afin de revenir sur des points controversés du texte, en particulier la date de la suspension et l'éventuelle extension à d'autres perturbateurs endocriniens, mais la volonté d'aboutir rapidement en a eu raison.
Avec le vote de ce texte, "la France sera pionnière en Europe", se réjouit Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la famille. "Nous avons procédé par étapes : la date du 1er janvier 2013 pour les produits à destination des enfants de moins de 3 ans, deux ans après pour tous les contenants alimentaires, le temps de trouver des substituts", récapitule-t-elle.
Interdiction pour tous les contenants alimentaires en 2015
Selon le texte adopté, "la fabrication, l'importation, l'exportation et la mise sur le marché à titre gratuit ou onéreux de tout conditionnement, contenant ou ustensile comportant du bisphénol A et destiné à entrer en contact direct avec des denrées alimentaires pour les nourrissons et enfants en bas âge" sont suspendues au 1er janvier 2013. La loi ajoute, curieusement : "jusqu'à ce que le Gouvernement, après avis de l'Anses, autorise la reprise de ces opérations". Cette suspension prendra effet au 1er janvier 2015 pour tous les autres conditionnements ou produits contenant du BPA en contact avec les denrées alimentaires.
Cette dernière date était très discutée. Fixée au 1er janvier 2014 par les députés en première lecture, puis reculée par les sénateurs au 1er juillet 2015, l'Assemblée nationale était revenue à la date du 1er janvier 2015 en seconde lecture. Deux amendements contradictoires, l'un de Leila Aïchi (Ecol. - Paris) visant à rétablir la date du 1er janvier 2014, l'autre de Gilbert Barbier (RDSE - Jura) à reculer l'échéance au 1er juillet 2015, ont été repoussé pour le premier et retiré pour le second lors de l'ultime discussion ce matin au Sénat.
"Nous pouvons d'autant plus l'accepter que les députés ont circonscrit le champ aux conditionnements en contact direct avec les produits alimentaires", a indiqué Patricia Schillinger (Soc. - Haut-Rhin). La distinction entre "matériaux au contact" et "tous contenants" est loin d'être neutre pour les industriels, comme le faisait valoir Lidya Maziani, chargée des relations institutionnelles de Nestlé France lors d'une audition à l'Assemblée le 15 novembre dernier.
De plus, souligne Patricia Schillinger, "le Gouvernement devra remettre avant le 1er juillet 2014 un rapport évaluant les substituts possibles au bisphénol A, ce qui permettra si nécessaire une évolution de la législation", au regard de l'éventuelle toxicité de ces substituts.
Dans l'attente de la suspension générale, la loi prévoit un avertissement sanitaire déconseillant l'usage d'emballages comportant du BPA aux femmes enceintes ou allaitantes, et aux enfants en bas âge.
La loi prévoit également non pas de suspendre mais d'interdire la fabrication, la vente, la mise en vente, l'exposition et l'importation des collerettes de tétine et de sucettes, et des anneaux de dentition comportant du BPA. Elle étend également l'interdiction des biberons renfermant cette substance, en vigueur depuis juin 2010, aux services de pédiatrie, de néonatalogie et de maternité, qui avaient échappé à la prohibition.
Interdiction du DEHP dans les dispositifs médicaux
La loi interdit enfin, à compter du 1er juillet 2015, l'utilisation de tubulures comportant du DEHP, un phtalate, dans ces mêmes services. La proposition initiale de Gilbert Barbier (RDSE - Jura) était plus large, mais l'Assemblée nationale a préféré la circonscrire au seul DEHP. "Quid des contenants, comme les poches plastiques, et les autres phtalates ?", interroge ce dernier.
De la même façon, les députés avaient supprimé l'extension de la suspension, proposée au Sénat par Chantal Jouanno (UDI - Paris), à tous les dispositifs médicaux contenant des substances CMR à destination des femmes enceintes ou allaitantes et des enfants en bas âge. Le groupe UDI a déposé un ultime amendement visant à rétablir ces dispositions mais il a été rejeté. "Le champ de cet amendement est trop large : il vise tous les dispositifs médicaux : nul n'est capable de dire combien de dispositifs sont concernés", justifie Patricia Schillinger. "Si l'on veut supprimer un produit dans les instruments médicaux il faut être sûr que le substitut n'est pas plus néfaste encore. Or nous n'en savons rien.", ajoute Dominique Bertinotti.
Le Gouvernement présentera un rapport sur les perturbateurs endocriniens
Le Gouvernement devra également présenter au Parlement, d'ici un an, un rapport relatif aux perturbateurs endocriniens. "Ce rapport précise les conséquences sanitaires et environnementales de la présence croissante de perturbateurs endocriniens dans l'alimentation, dans l'environnement direct, dans les dispositifs médicaux et dans l'organisme humain", précise la loi. "Il étudie, en particulier, l'opportunité d'interdire l'usage du di (2-éthylhexyl) phtalate, du dibutyl phtalate et du butyl benzyl phtalate dans l'ensemble des dispositifs médicaux au regard des matériaux de substitution disponibles et de leur innocuité".
Cette disposition rejoint l'engagement du Gouvernement de mettre en place un groupe de travail sur les perturbateurs endocriniens qui rendra ses conclusions avant juin 2013. "Les actions seront priorisées, nous ne pouvons pas nous circonscrire au bisphénol A ; il faudra mener le travail sur les phtalates et rechercher des substituts, tous les perturbateurs endocriniens doivent faire l'objet de notre attention", rappelle la ministre. Allant dans le même sens, Aline Archimbaud (Ecol. - Seine-Saint-Denis) souligne que "ce texte n'est qu'une étape, il ne nous empêche pas de poursuivre le combat sur les perturbateurs endocriniens".