Le Conseil constitutionnel, saisi par les parlementaires d'opposition, a censuré le 11 avril (1) les dispositions de la loi Brottes relatives au bonus-malus sur l'énergie. Le texte avait connu un parcours semé d'embuches tout au long de sa discussion parlementaire.
Les sages ont en revanche rejeté les griefs portant sur la procédure d'effacement des consommations énergétiques, estimant notamment que la loi ne portait pas atteinte au droit de propriété des fournisseurs d'électricité des sites effacés. De même que ceux portant sur les éoliennes, les dispositions de la loi étant jugées conformes à la Constitution, et notamment à la Charte de l'environnement.
Le principe d'égalité devant les charges publiques mis à mal
L'article 2 de la loi, à l'origine de la censure, instituait un bonus-malus dont l'objectif était d'inciter les consommateurs domestiques à réduire leur consommation d'énergie de réseau : électricité, gaz et chaleur. Les sages ont validé la non-extension du dispositif à d'autres énergies telles que le fioul, le charbon ou le bois.
Ils ont en revanche considéré qu'était contraire au principe d'égalité devant les charges publiques l'exclusion des consommations professionnelles, cette exclusion étant "sans rapport avec l'objectif de maîtrise des coûts de production et de distribution des énergies de réseau". D'autre part, elle conduisait "à ce que des locaux dotés des mêmes dispositifs de chauffage, soumis aux mêmes tarifs et, pour certains utilisant un dispositif de chauffage commun soient inclus ou exclus du seul fait qu'ils étaient ou non utilisés à des fins domestiques".
Le Conseil constitutionnel a également estimé qu'étaient contraires au principe d'égalité les dispositions relatives au bonus-malus dans les immeubles collectifs d'habitation pourvus d'installations communes de chauffage. Ces dispositions n'assuraient pas "des conditions de répartition du bonus-malus en rapport avec l'objectif de responsabiliser chaque consommateur domestique au regard de sa consommation d'énergie de réseau".
Le dispositif repris dans le cadre du débat national sur la transition énergétique ?
"Censée être la première loi environnementale du gouvernement Ayrault, elle avait été inscrite dans la plus grande précipitation à l'ordre du jour du parlement et brillait par son extrême complexité et sa totale impréparation", a réagi le député UDI de la Meuse Bertrand Pancher.
"Nous avons martelé tout au long de nos débats que le bonus-malus était profondément inégalitaire. Le conseil constitutionnel nous donne raison", a déclaré Jean-Claude Lenoir, porte-parole des sénateurs UMP sur ce texte, tandis que le député UMP de la Haute-Savoie ironisait sur "le premier choc de simplification".
Mais les parlementaires communistes ne sont pas en reste, le groupe CRC au Sénat se félicitant également de la censure d'un dispositif dont il estimait qu'il rompait le principe de l'égalité tarifaire.
Qu'en pense le Gouvernement ? "La censure du dispositif du bonus-malus est une déception", a réagi Delphine Batho. La ministre de l'Ecologie, tout comme François Brottes, auteur de la proposition de loi, relève toutefois que la censure n'est pas fondée sur le principe même du bonus-malus mais sur son périmètre d'application. C'est pourquoi elle déclare ne pas renoncer à l'objectif d'incitation à la maîtrise de l'énergie. Le Gouvernement "cherchera à y apporter une solution qui tienne compte de cette décision dans le cadre du débat national sur la transition énergétique", précise-t-elle.
Les écologistes se disent toutefois très inquiets. "Il ne faudrait pas que la tarification progressive bénéficie du même traitement que la taxe carbone en son temps : un enterrement de première classe". Bien que le dispositif censuré était "lourd et insuffisant" selon eux, il adressait "un signal important quant au besoin de réduire la consommation d'énergie". Aussi, proposent-ils une mesure "extrêmement simple, applicable immédiatement et sans risque de censure constitutionnelle" : la réduction de la part fixe (abonnement) au profit de l'augmentation de la part variable (proportionnelle à la consommation) de la facture, un petit consommateur payant aujourd'hui plus cher chaque kilowattheure consommé qu'un gros consommateur.