Les bénéfices des circuits courts de commercialisation des produits agroalimentaires sont "davantage socio-économiques" qu'environnementaux, souligne le Commissariat général au développement durable (CGDD) dans une note parue fin mars, en pointant le cliché de réduction du bilan carbone liée à ces modes de distribution locaux. "Consommer local, les avantages ne sont pas toujours ceux que l'on croit" du fait des "distances réduites" parcourues entre le producteur et le consommateur qui "ne suffisent pas à affirmer leur qualité environnementale", prévient le Commissariat.
Ventes directes à la ferme, en tournée ou sur les marchés, associations pour le maintien d'une agriculture paysanne (Amap) ou coopératives… Les circuits courts de proximité se développent en France et font l'objet d'un plan d'actions ministériel depuis 2009 visant à favoriser l'installation de ces producteurs agricoles biologiques ou conventionnels. Ce type de commercialisation directe sans intermédiaire est souvent opposé à la grande distribution alors que certaines enseignes nationales proposent en magasin une offre de produits locaux à travers des partenariats avec un producteur. Vingt et un pour cent des exploitations agricoles (ruches, fruits, légumes, vignes, produits animaux) vendaient en circuits courts en 2010, rappelle le CGDD, soit 107.000 exploitants.
Plus de proximité ne signifie pas moins de GES
Alors que la vente de proximité connaît un essor depuis une dizaine d'années, elle répond à une demande des consommateurs pour une production plus locale. Ainsi, selon une enquête annuelle du cabinet Ethicity publiée le 2 avril 2013 à l'occasion de la semaine du développement durable : 56% des Français (+14 points par rapport à 2012) déclarent qu'"un produit permettant de consommer responsable doit être fabriqué localement".
"L'engouement pour les produits agroalimentaires locaux est en partie lié à l'attente de moindres impacts environnementaux de ces formes de commercialisation, et en particulier d'un bilan carbone plus favorable du fait d'une distance parcourue par les produits moins importante". Or, c'est la phase de production "qui pèse le plus" sur ces impacts, souligne le CGDD en s'appuyant notamment sur un avis de l'Ademe daté d'avril 2012. Les atouts environnementaux des circuits courts dépendraient donc du choix de modes de production et de l'organisation logistique en matière de consommation d'énergie et d'émissions de gaz à effet de serre (GES), estime le Commissariat à l'instar de l'Ademe.
Cinquante-sept pour cent des émissions de GES de la chaîne alimentaire sont ainsi liés à la phase de production et 17% aux phases de transport, souligne le CGDD. Si les exploitations des circuits courts – de petites tailles et peu intensives - ont moins recours à des intrants, le bilan environnemental dépend du rendement à l'hectare "en général moindre pour l'agriculture biologique". Même si les impacts environnementaux à l'hectare "sont plus faibles pour la tomate bio, ils peuvent rester à un niveau tel que le ratio « impacts /quantité de produit » peut être supérieur à celui de l'agriculture conventionnelle", selon le CGDD. De même, le respect de la saisonnalité des produits est déterminant pour l'impact énergie-effet de serre : "Une tomate cultivée sous serre en hiver a un impact en termes d'émissions de gaz à effet de serre plus élevé qu'une tomate cultivée en plein champ qui ne requiert pas de consommation d'énergie pour chauffer la serre".
Plus de CO2 émis à la tonne-kilomètre
Si les distances parcourues pour les produits locaux (inférieures à 150 km) restent plus faibles que celles réalisées en circuits longs, plus de proximité ne signifie pas toujours moins d'émissions de GES selon le mode de transport et le système logistique, ajoute le CGDD. Alors que "le transport routier" (camions, camionnettes, voiture) est le plus utilisé en circuits courts, les émissions générées peuvent parfois être plus élevées que les circuits longs, ramenées au kilogramme de produit transporté. Ainsi, un véhicule utilitaire léger de 3,5 tonnes, utilisé par un producteur pour vendre ses produits au marché, va émettre en moyenne 1.068 grammes de CO2 par tonne/kilomètre (g CO2/t.km) alors qu'un ensemble articulé de 40 tonnes transportant des marchandises sur une longue distance (du port de déchargement à une plateforme logistique de supermarché) va émettre seulement 84 g CO2/t.km, chiffre le CGDD. Le Commissariat pointe également des petits trajets effectués dans des camionnettes peu remplies et "revenant à vide" et appelle à "améliorer l'optimisation" du remplissage du véhicule et du circuit de livraison. Dans plusieurs formes de commercialisation locale (marchés, livraison de paniers à un point déterminé), le retour à vide du point de vente restant "une pratique courante".
Le mode de déplacement du consommateur pour acquérir les produits issus de ces circuits joue également "un rôle" en matière de bilan carbone. La vente directe "n'implique pas systématiquement un moindre déplacement du consommateur qui peut même être amené à se déplacer davantage en cas de dispersion des points de distribution", relevait l'Ademe dans son avis. De même, le bilan énergétique "du pain fabriqué localement est, sur le plan de la fabrication, plus lourd que celui du pain industriel" : la fabrication d'1 kg de pain à domicile ou par une boulangerie artisanale "consomme respectivement deux fois plus et une et demi fois plus d'énergie que celle par une boulangerie industrielle", note le CGDD.
Des performances environnementales et bénéfices socioéconomiques
Les circuits courts restent "cependant une source possible d'aménités environnementales", reconnaît le CGDD. Engagés dans des productions à faibles intrants, voire biologiques (10% des exploitations sont converties au bio contre 2% en circuit long), les circuits courts émettent notamment moins d'émissions de GES liées à la fabrication d'engrais et présentent un potentiel en matière de consommation durable. Complémentaires des circuits longs, ils "peuvent constituer un des éléments de réponse au défi de l'alimentation durable".
La commercialisation de produits locaux permet également "une relocalisation des impacts, ce qui est un des points forts de ce mode de commercialisation d'un point de vue environnemental d'après l'Ademe", souligne le CGDD.
En effet dans son avis, l'agence rappelle que ces productions sont soumises aux règlementations nationales et européennes parmi les plus "exigeantes" en matière environnementale. L'Ademe note également que la production locale d'une partie des besoins alimentaires permet de sécuriser les approvisionnements, l'économie locale et la délocalisation des impacts. Au sein des collectivités, de nombreuses initiatives émergent pour encourager le développement de filières courtes pour la restauration collective, "avec l'objectif d'améliorer le bilan environnemental des repas mais également pour favoriser le maintien ou le développement d'emplois sur le territoire", indique l'agence.
Autres points forts de ces circuits selon l'Ademe : ils permettent une réduction des déchets de conditionnement : dans de nombreux cas, les produits bruts sont peu ou pas emballés. Comme le délai entre la production/la cueillette et la commercialisation est réduit, ces distributeurs utilisent moins des procédés de conservation comme le stockage au froid.
Au-delà des performances environnementales, les bénéfices de la commercialisation locale "consistent davantage en des atouts socioéconomiques'' en renforçant le lien entre producteur et consommateur, conclut le CGDD, pour aboutir à un système gagnant-gagnant. Et de souligner parmi ces atouts : un "réancrage territorial de l'activité agricole, une meilleure valorisation des produits par le producteur, un rapprochement entre l'agriculteur et le consommateur, et une plus grande implication des acteurs publics et des habitants dans l'agriculture, comme des consommateurs dans leurs choix alimentaires".
En 2010, en France, les achats via un circuit court représentaient 6 à 7% des courses alimentaires, selon l'Ademe. Les circuits courts de proximité "constituent aujourd'hui une opportunité économique non négligeable que ce soit pour le producteur (sécurisation de son modèle économique), le consommateur (prix ajusté au coût réel) ou un territoire (création d'emplois locaux)", réitère l'agence.