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COP 27 : ce que prévoit l'accord inédit sur les pertes et dommages

À la clôture de la COP 27, les pays se sont mis d'accord pour créer un nouveau fonds consacré à la compensation des dégâts climatiques subis par les pays pauvres. Les détails du mécanisme financier restent à élaborer l'an prochain à la COP 28, à Dubaï.

Décryptage  |  Gouvernance  |    |  R. Boughriet
COP 27 : ce que prévoit l'accord inédit sur les pertes et dommages
Actu-Environnement le Mensuel N°431
Cet article a été publié dans Actu-Environnement le Mensuel N°431
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Un accord qualifié d'« historique, de décisif » par la scène internationale a été obtenu sur les pertes et dommages climatiques, le 20 novembre, à la clôture de la Conférence mondiale sur le climat (COP 27), à Charm el-Cheik, en Égypte. Seule avancée majeure de cette conférence qui entérine la création d'un fonds financier pour compenser les pertes et préjudices occasionnés par les événements climatiques extrêmes, comme les tempêtes ou les inondations.

Car depuis trente ans, dès le début des négociations climatiques, en 1991, indemniser les dégâts climatiques irréversibles est une demande forte des pays insulaires et en voie de développement, qui sont les plus touchés et qui pointent la responsabilité des pays riches, historiquement émetteurs de gaz à effet de serre (GES). « C'est avant tout une question de justice : les pays en développement ne peuvent pas et ne doivent pas assumer seuls les conséquences d'événements dont ils ne sont que très peu responsables », résume l'ONG Greenpeace France.

Quand les pays riches reconnaissent leur dette climatique

Or, jusque-là, les pays riches du Nord s'étaient toujours refusés à « mettre la main à la poche », au prétexte qu'ils financent déjà deux piliers de l'action climatique : l'atténuation (projets destinés à réduire les émissions de GES) et l'adaptation (projets permettant de mieux faire face aux conséquences du dérèglement). En 2009, à la Conférence sur le climat de Copenhague, les pays développés s'étaient alors engagés à mobiliser 100 milliards de dollars par an, à partir de 2020, en faveur des pays en développement pour les aider à réduire leurs émissions et à s'adapter. Toutefois, selon l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), les montants qu'ils ont mobilisés conjointement n'ont totalisé qu'un peu plus de 83 milliards en 2020. Leur engagement ne devrait finalement être tenu qu'à partir de 2023.

En 2021, la COP 26 de Glasgow (Écosse) a aussi acté le doublement des financements consacrés à l'adaptation au changement climatique entre 2019 et 2025 (de 20 à 40 millions de dollars par an), et décidé de créer un « dialogue » de deux ans sur la question des pertes et dommages. D'ailleurs, de nouvelles promesses de dons de plusieurs pays - dont les États-Unis et la France -, d'un montant total de plus de 230 millions de dollars pour l'adaptation, ont aussi été faites lors de la COP 27.

Après les catastrophes climatiques qui ont notamment ravagé le Pakistan, le sujet des pertes et préjudices est devenu plus prégnant et a figuré de nouveau au menu des négociations climatiques de la COP 27. Après des débats houleux, notamment sur la question de la responsabilité historique (quels pays devraient contribuer au financement), les pays développés ont finalement consenti à créer un fonds spécifique, comme le confirme la décision finale de la COP 27 (1) .

Qui doit financer le nouveau fonds ? Qui en bénéficiera ?

“ Cela représente une goutte d'eau face aux près de 580 milliards de dollars par an qui seront nécessaires chaque année d'ici à 2030 pour aider les pays du Sud pour répondre aux pertes et dommages ” Fanny Petitbon, Care France
Plus ouverte que les États-Unis sur la question, l'Union européenne a joué un rôle important dans cet accord, en soutenant la création d'un fonds qui allouerait les moyens financiers en priorité vers les pays les plus vulnérables. L'accord prévoit que ce soit un instrument, dont le fonctionnement reste à déterminer, parmi une « mosaïque » d'autres financements, souligne Agnès Pannier-Runacher, ministre française de la Transition énergétique. Ce fonds devrait être alimenté par des financements innovants « auxquels tous les pays peuvent contribuer », mais aussi par la mobilisation de la Banque mondiale, du Fonds monétaire international (FMI) ainsi que des banques de développement. Ces financements innovants pourraient provenir « des taxes sur l'extraction des énergies fossiles ou sur les émissions des secteurs aérien et maritime… », propose, de son côté, Fanny Petitbon, responsable plaidoyer de l'association humanitaire Care France. Un « comité de transition » va se mettre en place pour définir les pays éligibles, les modes de financement et les donateurs d'ici à la prochaine COP, qui se déroulera, en novembre 2023, à Dubaï, aux Émirats arabes unis. La première réunion du comité transitoire devrait avoir lieu avant la fin du mois de mars, a précisé l'ONU climat.

D'ores et déjà, les États-Unis et l'Union européenne poussent pour inclure la Chine, premier émetteur mondial de gaz à effet de serre parmi les contributeurs pour abonder le fonds, mais aussi l'Arabie saoudite et le Qatar, grands producteurs de pétrole. Or, jusqu'à présent, la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (Ccnucc), adoptée en 1992, distingue les pays riches et industrialisés (annexe 1) qui abondent les fonds, des pays en développement, les moins avancés qui perçoivent les financements. Tandis que la Chine est devenue l'une des plus grandes économies mondiales, l'UE et les États-Unis plaident pour actualiser le classement de l'ONU en prenant en compte la situation économique actuelle. La Chine et les États pétroliers arabes sont, en revanche, plus favorables au statu quo.

La question des pays donateurs promet donc des discussions tendues à la COP 28. Et d'ici là, le président Emmanuel Macron souhaite, avec Mia Mottley, la Première ministre de la Barbade, organiser, en juin 2023, un sommet à Paris pour trouver des mécanismes de financements permettant de soutenir les pays vulnérables au changement climatique. « À la COP 27, la France et l'Europe ont réaffirmé leur engagement pour le climat. Nous avons besoin d'un nouveau pacte financier avec les pays les plus vulnérables. J'y travaillerai avec nos partenaires en vue d'un sommet à Paris avant la prochaine COP », a déclaré le chef de l'État français, le 20 novembre, sur Twitter.

360 millions de dollars déjà promis pour les pertes et dommages

Au cours de la COP 27, douze gouvernements (Écosse, Belgique, Allemagne, Irlande, Autriche, Canada, Espagne, Nouvelle-Zélande, etc.) et l'Union européenne ont déjà promis de débloquer, au total, environ 360 millions de dollars pour les pertes et dommages, en particulier à travers l'initiative du Bouclier mondial contre les risques climatiques et des systèmes d'alertes précoces des Nations unies. Le Bouclier vise à élargir l'accès aux systèmes d'assurance contre les risques climatiques pour les pays les plus vulnérables. L'Allemagne, le Canada, le Danemark, les États-Unis, la France et l'Irlande y contribueront ensemble à hauteur de 210 millions d'euros.

La France y injectera notamment 20 millions, sous forme de subventions en 2023. L'Hexagone doublera aussi à partir de l'année prochaine sa contribution à l'Initiative pour les systèmes d'alerte précoces face aux risques climatiques (Crews), pour la porter à 8 millions par an. L'ONU demande, quant à elle, de mobiliser 3,1 milliards de dollars pour ces systèmes d'ici à 2027. « Cependant, cela représente une goutte d'eau face aux près de 580 milliards de dollars par an qui seront nécessaires chaque année d'ici à 2030 pour aider les pays du Sud pour répondre aux pertes et dommages. Autre bémol : à l'exception de la France, de l'Autriche et de la Wallonie, les autres contributeurs ont en réalité déshabillé Pierre pour habiller Paul en recyclant des financements initialement alloués à la réduction des émissions et à l'adaptation des pays du Sud », déplore toutefois Fanny Petitbon.

Opérationnaliser le réseau Santiago

En revanche, la militante de Care France salue l'accord des États pour rendre opérationnel, dès l'année prochaine, le « réseau de Santiago » sur les pertes et dommages, créé à la COP 25, à Madrid, en 2019. « Ayant pour rôle de fournir une assistance technique aux pays vulnérables afin qu'ils puissent évaluer et chiffrer leurs besoins en pertes et dommages et identifier le type d'interventions nécessaires pour y répondre, le réseau de Santiago est une pièce maîtresse du puzzle pour une réponse efficace aux pertes et dommages », explique Fanny Petitbon. « L'accord comprend la mise en place d'un "advisory board" comme demandé par les pays du Sud, avec des représentants des populations les plus vulnérables (femmes, jeunes, peuples autochtones). Reste aux pays riches à garantir une mise en route efficace de cet outil dans les meilleurs délais à l'aide de contributions financières », estime-t-elle.

La COP rate le coche sur la sortie des combustibles fossiles

Outre ce nouveau fonds « pertes et dommages », la COP 27 a aussi réaffirmé, in extremis, à la fin des négociations, l'engagement des États parties à limiter l'augmentation de la température mondiale à 1,5 °C d'ici à la fin du siècle. Cependant, notamment au grand dam de l'UE, de la France et des ONG, la conférence n'a pas permis d'obtenir l'engagement des principaux émetteurs mondiaux de GES de réduire progressivement le recours aux combustibles fossiles, ni de nouveaux engagements en matière d'atténuation du changement climatique.

Frans Timmermans, vice-président de la Commission européenne, a rehaussé légèrement les ambitions climatiques de l'UE, afin d'atteindre au moins 57 % de réduction des émissions d'ici à 2030, au lieu de 55 %. Le Mexique et la Turquie ont aussi proposé de nouveaux objectifs de réduction d'émissions à cette échéance. Les gouvernements ont donc été invités, dans l'accord final, à réexaminer et à renforcer les objectifs fixés pour 2030 dans leurs plans nationaux pour le climat (2) (NDC) d'ici à la fin de 2023. Et à accélérer « les efforts » visant à réduire progressivement l'énergie produite à partir du charbon et à supprimer les subventions « inefficaces » accordées aux combustibles fossiles.

« Nous devons drastiquement réduire les émissions maintenant, et c'est une question à laquelle cette COP n'a pas répondu, a regretté António Guterres, secrétaire général des Nations unies, en ajoutant que, si un fonds pour les pertes et dommages est essentiel, ce n'est pas une réponse si la crise climatique raye un petit État insulaire de la carte ou transforme tout un pays africain en désert ». Un avis que partage Zeina Khalil Hajj, de l'ONG 350.org, pour qui l'accord sur les pertes et dommages est « une avancée majeure mais, sans mesures pour éliminer progressivement l'expansion des combustibles fossiles qui causeront de nouvelles pertes et dommages, la COP 27 n'a pas réussi à faire les progrès nécessaires. Et nous construisons un fonds pour notre propre destruction ».

La COP 28, aux Émirats arabes unis en 2023, sera donc l'occasion d'apprécier à quel rythme doit s'opérer le retrait des énergies fossiles pour rejoindre une trajectoire de 1,5 °C. Elle marquera le premier bilan mondial des progrès réalisés en matière de climat depuis l'Accord de Paris, adopté fin 2015.

1. Consulter les décisions adoptées à la COP 27 <br />
https://unfccc.int/cop27/auv
2. Consulter le registre des NDC <br />
https://unfccc.int/NDCREG

Réactions1 réaction à cet article

Comment encore être positif après ces grands-messes planétaires ?!
En clair, comme en 2015, on a pris des décisions non engageantes, et on voit bien ce qu'elles deviennent, des chiffons de papier.
On ne parle quasiment plus de lutter contre le changement climatique, parce que tout simplement la lutte contre ses effets est beaucoup plus juteuse financièrement.
On propose de mettre en place des dispositifs financiers nord-sud en sachant pertinemment que depuis 50 ans ils se sont tous traduits par une saignée des pays pauvres au profit des pays riches (et des potentats locaux).
Et on propose de se revoir à Dubaï, une totale aberration écologique, tout est dit.
Qu'attendent encore les scientifiques du GIEC pour le saborder ?

dmg | 23 novembre 2022 à 09h55 Signaler un contenu inapproprié

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