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La Camargue, zone tampon face à la montée des eaux

A la veille de la journée mondiale des zones humides, le site de la Tour du Valat expérimente, dans le delta du Rhône, la reconversion des anciens salins en remparts contre l'élévation du niveau de la mer.

Biodiversité  |    |  A. Sinaï

Le delta du Rhône, qui porte aussi le nom de delta de Camargue, couvre une superficie de 140.000 hectares à l'ouest de Marseille. Cet immense estuaire est une zone en partie agricole, principalement peuplée de rizières qui occupent 13.000 hectares, mais elle est aussi connue pour ses salins. Les exploitations de sel de Salin-de-Giraud (Bouches-du-Rhône) ont été créées en 1855 et se sont étendues progressivement aux 19ème et 20ème siècles.

Au cours de la période de l'industrialisation de l'exploitation du sel, entre 1950 et 1970, l'entreprise les Salins du Midi a mis en œuvre des infrastructures majeures pour transformer les marais camarguais en zones de production industrielle de sel. Depuis un siècle et demi, et notamment depuis l'endiguement total du Rhône à partir de 1869, le fonctionnement hydraulique du delta a été profondément modifié par l'Homme, notamment pour les besoins de l'agriculture (riziculture et saliculture). D'importantes modifications du fonctionnement naturel des écosystèmes camarguais en ont résulté.

Nivellements, remblais, infrastructures hydrauliques et électrification ont transformé les bancs de salicornes, les vasières et les lagons en étangs servant à l'évaporation du sel. Les plans d'eau ont été déconnectés des bassins versants environnants, l'eau de mer a été pompée, au printemps et en été, et injectée dans les étangs d'évaporation. Les digues construites le long de la mer ont permis de contrôler les marées. Ces mécanismes ont artificiellement instauré des niveaux d'eau élevés en été et des niveaux bas en hiver. Le pompage de l'eau de mer pendant les mois d'été pour alimenter la production de sel a causé la disparition de vastes surfaces de plantes de marais. Nombre de poissons ont été aspirés par la station de pompage. La haute teneur en sel de l'eau a compromis la survie de la plupart des espèces aquatiques tandis que d'autres espèces, comme les goélands, ont vu leur population augmenter au détriment des petits oiseaux limicoles. Le flamant rose, lui, a prospéré grâce au maintien d'une zone de reproduction protégée.

Entre les années 1990 et 2007, le site a connu des difficultés économiques qui ont conduit à la vente d'une partie des salins. Depuis que le Conservatoire du Littoral a racheté les salins en 2011, soit une superficie de 6.527 hectares, la vocation de cette zone dédiée à la production de sel a basculé vers la conservation des zones humides. Un processus de restauration des marais par une gestion adaptative a été mis en œuvre par le Parc naturel régional de Camargue en partenariat avec l'institut de recherche La Tour du Valat et la Société nationale de protection de la nature, sous l'égide du conservatoire du littoral, désormais propriétaire des terres. L'objectif premier a été de restaurer les processus hydrologiques naturels en reconnectant les lagons avec les écosystèmes aquatiques environnants et la mer.

Un modèle de solutions basées sur la nature

Aujourd'hui, les anciens salins hébergent une importante biodiversité et agissent comme un rempart contre la montée de la mer. En procurant un vase d'expansion à l'intrusion marine, cette zone-tampon redevient un espace où la nature reprend ses droits. La restauration des espaces naturels sur les sites des anciens salins se veut un modèle d'expérimentation de deux approches des solutions basées sur la nature : la restauration d'écosystèmes en bonne santé permet à la fois d'accroître la résilience aux effets du changement climatique et de réduire les risques de catastrophes naturelles ou climatiques.

L'enjeu est d'utiliser la capacité des zones humides à stocker temporairement l'eau de mer durant les événements de crues. En outre, les salicornes et autres écosystèmes de marais peuvent retenir les sédiments. La restauration des zones humides de Camargue en lieu et place des anciens salins est désormais une stratégie pour entraver et réduire la montée de la mer et les risques d'inondations. Le maître mot est la connectivité. L'eau doit pouvoir circuler sans obstacles et les espaces doivent être naturellement recolonisés par la flore et la faune.

La gestion adaptative est basée sur cinq critères : restaurer un fonctionnement hydrologique naturel, restaurer les caractéristiques naturelles des écosystèmes, maintenir ou augmenter la capacité de charge pour nourrir les colonies d'oiseaux, mettre en œuvre une gestion adaptative de la montée de la mer, contribuer à une économie soutenable. Des modèles de submersion marine ont été établis par le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) et servent de référence. De fait, 70 % du delta de Camargue est situé à une altitude inférieure à un mètre, le territoire est susceptible d'être submergé lorsque la mer montera au cours du siècle. Son élévation est déjà rapide, de 4,8 mm par an actuellement et les crues du Rhône sont plus fréquentes.

'La Méditerranée est un hotspot du changement climatique'', rappelle Jean Jalbert, directeur du site de la Tour du Valat, centre de recherche sur les zones humides situé au cœur de la Camargue sur une superficie de 2.649 hectares. Or pendant des siècles, la stratégie pour éviter les inondations a consisté à construire des digues le long du Rhône et de la Méditerranée. Le delta a été presque complètement poldérisé dès 1860, c'est-à-dire isolé de la mer par des digues. Le manque d'apport de sédiments en provenance du Rhône, lui-même confiné par des digues, a eu des répercussions importantes sur la formation des dunes, l'érosion et la circulation de l'eau. ‘'Il s'agit aujourd'hui d'écrire une nouvelle histoire pour la Camargue, d'inventer un nouvel aménagement du territoire évolutif et dynamique'', plaide Jean Jalbert, et ce malgré les réticences des producteurs de riz locaux.

Une stratégie moins onéreuse que la construction de digues

L'abandon des digues à la mer sur neuf kilomètres a permis d'économiser 13 à 17 millions d'euros d'investissements pour leur reconstruction, 7 à 24 millions d'euros pour l'aménagement des digues en épi, et au moins 800.000 euros par an de maintenance. Les investissements se concentrent sur la maintenance de la digue à l'intérieur des terres, d'un linéaire de 16 km. L'estimation de la valeur globale des zones humides côtières peut atteindre 160.000 euros par hectares par an sur la base de la prise en compte du stockage de carbone, de la protection côtière, de la vitalité des poissons et de l'amélioration de la qualité de l'eau.

Le bilan est plutôt favorable. La dislocation progressive des digues côtières entraîne la recolonisation du rivage par le sable et une nouvelle topographie des plages. La dé-compartimentation des lagons permet une meilleure circulation de l'eau, la baisse de la salinité contribue à restaurer les lieux de reproduction des poissons, la restauration du cycle naturel de l'eau (submersion en hiver, sécheresse en été) ouvre la voie au retour des salicornes, des plantes de marais et de la végétation aquatique ainsi que la réapparition d'une espèce en danger telle que l'anguille européenne. La réapparition de nombreuses espèces d'oiseaux s'explique également par la réduction de la salinité du site.

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