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À Chartres et Villefranche-sur-Saône, de petits invertébrés traquent les micropolluants

Entre 100 000 et 200 000 micropolluants sont potentiellement détectables en sortie de step. Avec ToxMate, Chartres Métropole et l'imprimeur textile TIL ont entrepris d'en savoir plus sur la présence de ces molécules dans leurs rejets d'eau.

TECHNIQUE  |  Eau  |    |  C. Lairy
À Chartres et Villefranche-sur-Saône, de petits invertébrés traquent les micropolluants
Environnement & Technique N°385
Cet article a été publié dans Environnement & Technique N°385
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Plastifiants, médicaments, détergents, hydrocarbures, métaux, pesticides, cosmétiques... La liste des produits contenant des micropolluants, ces substances chimiques indésirables observables à très faible concentration, de l'ordre du microgramme, voire du nanogramme par litre, est infinie. Pourtant, même à ces très faibles teneurs, les micropolluants peuvent avoir des effets négatifs sur les organismes vivants en raison de leur toxicité, de leur persistance et de leur bioaccumulation.

Pour gagner un combat, dit l'adage, il faut connaître son ennemi : afin d'acquérir des connaissances sur ces micropolluants, et engager d'éventuelles actions de maîtrise et/ou de lutte, alors que rien ne l'y contraint à ce jour dans la réglementation (1) , Chartres Métropole a équipé la station d'épuration (step) de Mare Corbonne de l'outil de biosurveillance ToxMate. Celui-ci est commercialisé depuis fin 2021 par ViewPoint, spécialiste du suivi et de l'analyse automatique du comportement animal, qui l'a codéveloppé avec le laboratoire d'écotoxicologie de l'Inrae de Lyon.

“ C'est une vision nouvelle et en continu, plus représentative ” Alexandre Decamps, ViewPoint
Le principe est simple : en sortie de step, un flux d'eau est dérivé en continu et mis en contact avec des invertébrés aquatiques qui, en présence de micropolluants, sortent de l'état de léthargie dans lequel ils ont été conditionnés (diapause), et montrent par réflexe des signes d'agitation et/ou des comportements de fuite. Il y a là des gammares (petites crevettes d'eau douce), des sangsues et des Radix (gastéropodes pulmonés), trois groupes très différents et complémentaires qui constituent à ce jour les meilleurs outils pour évaluer la qualité globale des eaux rejetées dans le milieu.

Ces sentinelles – 16 individus pour chacune des trois espèces – sont filmées en continu : sur le site de Mare Corbonne, d'où 17 000 m³ d'eau sont rejetés quotidiennement dans l'Eure, des feux tricolores se mettent à jour toutes les deux minutes. « C'est une vision nouvelle et en continu, plus représentative » qui se met en place, se réjouit Alexandre Decamps, directeur marché environnement chez ViewPoint.

La station de biosurveillance ToxMate est entrée en service à Mainvilliers, près de Chartres, en janvier 2022, dans le cadre d'une expérimentation de seize mois. Pour ViewPoint, c'est l'occasion de mener une étude globale, avec des mesures en continu qui doivent permettre de déterminer si les micropolluants apparaissent à fréquences régulières, ou au contraire de façon totalement aléatoire, par exemple lors d'un problème de pilotage de la step.

« Mieux on connaît, mieux on maîtrise »

Responsable usines assainissement au sein de Chartres Métropole, Julien Pelleray, note qu'« un bruit de fond est déjà perceptible, avec des micropolluants présents en permanence (…). De temps en temps, il y a des pics de pollution, soit pour les trois organismes en même temps, soit juste pour un ». Des prélèvements d'eau sont alors réalisés, et des mesures portant sur une centaine de paramètres sont effectuées pour tenter d'identifier le ou les micropolluant(s) à l'origine de l'alerte. « On est aujourd'hui dans une phase de recherche de connaissances », résume Julien Pelleray, car « mieux on connaît, mieux on maîtrise ». Vice-président de Chartres Métropole chargé de l'eau potable et de l'assainissement, Alain Bellamy remarque qu'il va falloir « encore du temps pour mieux analyser » les données collectées.

Un dispositif du même type a été installé près de Villefranche-sur-Saône, chez TIL (groupe Deveaux), qui épure ses eaux usées dans sa propre step depuis 2019 – la société y traite l'eau et les produits chimiques utilisés pour son activité d'impression et de teinturerie (soude, acide chlorhydrique, colorants, etc.), et rejette dans la Saône 30 à 35 m³ d'eau par heure en moyenne sur l'année, 7 jours sur 7, 24 heures sur 24.

Au départ, c'est la société ViewPoint biosurveillance de l'eau, basée à Civrieux, dans l'Ain, qui sollicite « en voisine » le spécialiste de l'impression et de l'ennoblissement textile pour qu'il teste gracieusement sa solution. Pendant deux ans, le prototype évolue et les pilotes sont changés plusieurs fois – il faut notamment adapter la biologie à la nature des rejets de TIL, et perfectionner la « boîte ». Début 2022, l'entreprise TIL décide, au terme de l'expérimentation rendue possible grâce l'agence de l'eau Rhône-Méditerranée-Corse, d'investir dans la technologie ToxMate.

Entre novembre 2021 et novembre 2022, trois alertes se sont produites, les week-ends principalement, sur des épisodes d'une demi-heure. Dans aucun d'entre eux, l'entreprise n'a retrouvé la pollution à l'origine de ces anomalies. D'où sa décision d'acquérir auprès du groupe allemand Endress+Hauser un préleveur qui, en cas d'alerte, recueillera un échantillon d'eau pour analyse avant recherche, puis correction d'un éventuel dysfonctionnement dans l'usine.

« À ce jour, explique Jean-Michel Bertrand, directeur de l'usine TIL, on n'a pas encore été dans une situation où l'on aurait été amené à stopper les rejets dans le milieu. » Il assure néanmoins que l'entreprise le ferait en cas d'alerte de plus d'une demi-heure.

1. Les obligations réglementaires portent aujourd'hui sur les macropolluants, c'est-à-dire les pollutions carbonées, azotées et phosphorées.

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