Samedi 15 décembre s'est achevée la 24ième conférence des parties (COP 24) à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (Ccnucc). Avec 24 heures de retard, les représentants des 196 Etats réunis à Katowice (Pologne) ont adopté des règles de mise en œuvre (le rulebook) de l'Accord de Paris. L'objectif initial n'est toutefois que partiellement rempli : les délégués ne se sont pas accordés sur la mise en œuvre de l'article 6 de l'Accord, qui prévoit que les Etats puissent atteindre leur objectif de réduction des émissions en coopérant entre eux. Surtout, les règles adoptées à Katowice devront être progressivement renforcées.
Dorénavant, les Etats devront s'attacher à revoir à la hausse l'ambition de leurs engagements. En l'état, l'effort global consenti par les 184 parties ayant ratifié l'Accord de Paris est largement insuffisant. Au rythme actuel, les émissions mondiales de CO2 suivent une trajectoire conduisant à une hausse de 3,2°C d'ici à 2100 par rapport à l'époque préindustrielle. L'Accord de Paris adopté en 2015 fixe pour objectif de limiter cette hausse sous 2°C, voire à 1,5°C. Les attentes se tournent donc vers le sommet spécial sur le climat convoqué par le secrétaire général des Nations unies en septembre 2019, puis vers la COP 25 qui se déroulera au Chili en décembre 2019.
Evaluer les règles de transparence d'ici 2028
Définir les conditions de mise en œuvre de l'Accord de Paris était l'objectif prioritaire de la COP 24. La tache a été particulièrement difficile. La COP a dû débuter avec une journée d'avance et s'achever avec une journée de retard. Dans la dernière ligne droite, la présidence polonaise a organisé une réunion à une même table des ministres assistés d'un petit nombre de conseillers. Prénommée Sejmik, en référence au Parlement polonais, cette réunion a eu pour objectif de trancher les derniers différents.
Finalement, la COP a débouché sur un document de 130 pages contenant toute une série de mesures cadrant l'application de l'Accord. Il s'agit d'un "ensemble de directives solides", estime le secrétariat de la Ccnucc. Le texte fixe notamment des règles concernant les engagements des Etats en matière d'atténuation et d'adaptation, et concernant le soutien financier à la lutte contre les changements climatiques dans les pays en développement. Sur ce dernier point, il prévoit de définir de nouveaux objectifs à partir de 2025, en partant de l'objectif actuel de 100 milliards de dollars par an à partir de 2020. De même, l'accord cadre le bilan mondial de la lutte contre les changements climatiques qui doit être réalisé en 2023.
Ce rulebook prévoit une bonne dose de flexibilité pour tenir compte des capacités des différents pays à mener des réductions d'émissions de gaz à effet de serre (GES). Il rappelle notamment que la remise d'un engagement national se fait sur une base volontaire et au rythme approprié à chaque pays. Le premier rapport national sur la mise en œuvre des NDC, qui doit assurer le respect des engagements en toute transparence, devra être remis par les Etats au plus tard fin 2024. L'ensemble des règles de transparence adoptées à Katowice feront ensuite l'objet d'une évaluation d'ici fin 2028. Le travail s'annonce encore long. Il faudra par exemple attendre 2031 pour que soient harmonisées les échéances inscrites dans les engagements des Etats (les Nationally Determined Contributions (NDC)). Actuellement, les NDC prévoient des objectifs d'atténuation à des dates comprises principalement entre 2025 et 2030.
Le Brésil mène la fronde
Le principal échec de la conférence polonaise concerne l'application de l'article 6 de l'Accord qui permet aux Etats d'atteindre leur objectif de réduction des émissions de GES via des dispositifs de marché permettant l'échange de crédits carbone. Ce type de mécanisme est délicat à mettre en œuvre car il recèle un risque important de double comptabilité qui permettrait au pays vendeur et au pays acheteur de se prévaloir tous deux de la réduction des émissions. Sur ce dossier, les pays forestiers sont en première ligne puisqu'ils disposent d'importants puits de carbone qu'ils pourraient monnayer. "La plus grande majorité des pays étaient disposés à accepter et à inclure les directives pour rendre les mécanismes de marché opérationnels", explique le secrétariat de la Ccnucc. Mais le blocage est venu du Brésil, l'un des principaux pays forestiers, rapportent de nombreuses sources. La veille de l'ouverture des négociations en Pologne, le Brésil s'était déjà défavorablement fait remarquer en renonçant à organiser la COP 25 qu'il s'était précédemment engagé à organiser du 11 au 22 novembre 2019.
La COP 24 était aussi la première rencontre diplomatique sur le climat depuis la parution du rapport spécial du Giec sur l'objectif de stabilisation de la hausse des températures à 1,5°C. Finalement, la COP lui réserve un accueil a minima. Elle "accueille favorablement" son achèvement dans les délais prévus, mais se borne à "inviter" les Etats à en tenir compte lors de leurs prochaines discussions. La COP demande aussi à son organe subsidiaire, en charge des questions scientifiques et technologiques, de l'examiner lors de sa prochaine réunion en juin prochain. En l'occurrence, le rapport du Giec a déjà été au cœur des discussions tenues lors de la première semaine dans le cadre de cet organe subsidiaire…