Par une décision rendue le 14 octobre 2011 (1) dans le cadre d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), le Conseil constitutionnel a considéré que l'article L. 321-5-1 du Code forestier (2) était contraire à la Constitution. La raison ? L'absence de garantie légale permettant aux propriétaires concernés d'écarter tout risque d'arbitraire.
Pas d'enquête publique dans la plupart des cas
L'article L. 321-5-1 du Code forestier accorde à l'État le droit d'établir une servitude de passage dans les forêts pour assurer la continuité des voies de défense contre l'incendie ainsi que l'établissement des équipements de protection et de surveillance des forêts nécessaires. Cet article prévoit que l'assiette de cette servitude ne peut excéder une largeur de six mètres et que si les aménagements nécessitent une largeur supérieure, celle-ci doit être établie après enquête publique.
Par un arrêté du 25 septembre 2009 pris sur ce fondement, le préfet de la Haute-Corse a créé une servitude de passage et d'aménagement sur le territoire de deux commune pour l'implantation d'une zone d'appui à la lutte contre les incendies. Un propriétaire dont une partie des parcelles était grevée par cette servitude a contesté l'arrêté devant les juridictions administratives et posé une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l'article L. 321-5-1.
Selon le requérant, ces dispositions, en instituant une servitude de passage et d'aménagement, n'apportent pas seulement des limites à l'exercice du droit de propriété mais organisent, sans garantie légale, une privation de propriété en violation des articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, et méconnaissent également les articles 16 de la Déclaration de 1789 et 7 de la Charte de l'environnement.
Un but d'intérêt général
Le Conseil constitutionnel considère tout d'abord que les dispositions contestées n'entraînent pas de privation du droit de propriété au sens de l'article 17 de la Déclaration de 1789.
Il constate ensuite que la possibilité d'instituer de telles servitudes répond à un but d'intérêt général qui ne fait aucun doute puisqu'il s'agit de faciliter la lutte contre les incendies de forêts.
Les sages de la rue Montpensier relèvent également que l'objet de la servitude et sa portée sont définis, et que le législateur a prévu une enquête publique lorsque les aménagements nécessitent une servitude supérieure à six mètres. Ils font enfin ressortir que l'indemnisation des propriétaires des terrains grevés par la servitude, à défaut d'accord amiable, est fixée par le juge comme en matière d'expropriation.
Un défaut de garantie apportée par le législateur
Là où le bât blesse, en revanche, c'est que le législateur s'est borné à prévoir une enquête publique pour les seuls cas où les aménagements nécessitent une servitude d'une largeur supérieure à six mètres.
Aussi, pour les sages, "faute d'avoir prévu, dans les autres cas, le principe d'une procédure destinée à permettre aux propriétaires intéressés de faire connaître leurs observations ou tout autre moyen destiné à écarter le risque d'arbitraire dans la détermination des propriétés désignées pour supporter la servitude, les dispositions contestées doivent être déclarées contraires à la Constitution".
C'est donc le silence de la loi, ou ce que les juristes appellent "l'incompétence négative du législateur", qui affecte l'exercice du droit de propriété et fonde ici la censure.
Procédant de la même façon qu'il l'a fait dans une décision du même jour censurant des dispositions du Code de l'environnement, le Conseil constitutionnel reporte la date d'abrogation de la disposition jugée inconstitutionnelle.
Considérant que l'abrogation immédiate de l'article L. 321-5-1 du Code forestier aurait des conséquences manifestement excessives, la déclaration d'inconstitutionnalité ne prendra effet que le 1er janvier 2013. Un délai qui doit permettre au législateur de mettre fin à cette inconstitutionnalité.