Le Conseil européen a définitivement adopté le 8 novembre la nouvelle directive sur les émissions industrielles suite à l'accord politique trouvé avec le Parlement qui avait voté le texte en seconde lecture en juillet dernier.
La révision de la directive de 1996 relative à la prévention et à la réduction intégrées de la pollution (dite IPPC) a été proposée par la Commission européenne en décembre 2007. Le nouveau texte regroupe sept directives existantes couvrant des activités similaires dont la directive IPPC afin de réduire les charges administratives. 52.000 installations industrielles et agricoles européennes (installations de combustion, incinérateurs de déchets, fermes porcines, etc.) sont concernées.
La nouvelle législation vise à encourager l'application des Meilleures Techniques Disponibles (MTD), c'est-à-dire les technologies les plus efficaces que peuvent mettre en place les industriels à un coût économiquement acceptable, afin d'atteindre un niveau élevé de protection environnementale. Ces MTD sont définies dans des documents techniques, les ''Bref''. Cette législation qui "vise principalement à renforcer le cadre juridique actuel, réduira encore la pollution atmosphérique et d'autres formes de pollution environnementale et deviendra un moteur essentiel de l'éco-innovation", a souligné le commissaire européen chargé de l'Environnement Janez Potocnik.
Des dérogations maintenues pour les centrales à combustion
Le nouveau texte établit ainsi, à partir de 2016, des limites d'émissions plus strictes pour plusieurs polluants atmosphériques (les oxydes d'azote (NOx), le dioxyde de soufre (SO2) les particules de poussières) mais aussi l'amiante et les métaux lourds.
Mais plusieurs dérogations à la mise en place des MDT dans les installations existantes ont été maintenues. Ainsi, les Etats membres pourront recourir à un régime transitoire jusqu'au 30 juin 2020 pour permettre aux grandes installations de combustion (comme les centrales à charbon ou raffineries) de plus de 50 MW thermiques de s'adapter aux règles, alors que la Commission proposait la date limite de 2016. Les pays de l'UE pourront alors définir des plans nationaux de transition, prévoyant une réduction progressive des plafonds d'émissions des polluants atmosphériques.
Cette position a été largement défendue notamment par le Royaume-Uni qui abrite un grand nombre de ces centrales. Celles construites avant 1987 - c'est-à-dire les plus vieilles et plus les polluantes - pourront bénéficier d'un délai supplémentaire de 10 ans pour mettre en oeuvre ces MTD. Ces installations pourront même être dispensées d'appliquer les nouvelles normes, si leur fermeture est programmée d'ici fin 2023 et si leurs heures de fonctionnement ne dépassent pas 17.500 heures après 2016. Les petites centrales pour les chauffages urbains (moins de 200 MW) ont aussi bénéficié d'un délai jusqu'en 2023.
En revanche, ''à la demande du Conseil'', les nouvelles installations (y compris électriques) devront appliquer les MTD dès 2012, alors que la Commission proposait initialement 2016. Des contrôles devraient a posteriori être réalisés par la Commission européenne tous les 3 ans. Les nouvelles dispositions allègeront en outre les charges administratives à hauteur de 32 millions d'euros par an au niveau de l'UE, estime Bruxelles.
Les ONG déplorent des critères non contraignants
Les Etats membres disposeront donc d'une certaine marge de manœuvre ''pour faciliter l'application des règles'', selon le texte. Ils pourront bénéficier d'une dérogation à condition que les coûts résultants de l'application de ces règles soient ''disproportionnés comparés aux bénéfices environnementaux''.
Or, ces dérogations accordées aux vieilles centrales à charbon mais aussi celles de l'industrie chimique sont à nouveau critiquées par les ONG écologistes. Le Bureau européen de l'environnement (BEE), qui regroupe plus d'une centaine d'associations, regrette que ces centrales ''puissent continuer à polluer pendant une autre décennie''. ''Ce sont les grandes centrales les plus anciennes qui n'ont fait aucun effort depuis des décennies pour mettre en œuvre les MTD qui vont à nouveau bénéficier d'une dérogation par manque de volonté politique et non de question technique'', a fustigé Christian Schaible, chargé des politiques industrielles pour le BEE.
''Ces centrales resteront sous l'ancien régime de la directive actuelle avec des seuils élevés''. ''Le plus gros problème'', poursuit-il, ''réside dans la valeur limite des émissions d'oxydes d'azote". Or, ''pour pouvoir atteindre ces nouveaux seuils, de nouvelles technologies sont nécessaires et demandent beaucoup d'investissments, ce qui freinent les producteurs d'électricité. Ils pourront donc déroger à nouveau sous ce prétexte jusqu'à mi-2020''.
S'agissant de la mise en application des normes dès 2012 pour les nouvelles installations, ''c'était déjà prévu'', rappelle Christian Schaible, ''si l'on veut être aux normes dès 2016 pour les existantes''.
Ce dernier salue néanmoins le renforcement des inspections environnementales prévu dans le texte, l'élaboration de rapports sur la qualité des eaux et des sols qui doit être réalisée sur les sites industriels et le durcissement des valeurs des Bref. Mais le BEE ''aurait voulu plus de restrictions'' et regrette qu'aucun ''critère contraignant ne soit toujours défini'' dans le texte qui devrait être publié au Journal officiel de l'UE avant fin 2010. Les États membres disposeront ensuite de deux ans pour transposer la directive dans leur législation nationale, soit d'ici fin 2012. Mais Christian Schaible craint que ''le lobbying industriel'' ne pousse les Etats membres à élaborer systématiquement des plan nationaux de transition. Le BEE appelle Bruxelles à ''définir des critères stricts de dérogation'' et compte sur la ''procédure de comitologie de la Commission'' qui devrait intervenir en 2013.