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AccueilMarta Matias MendesDéchets sauvages : un manque d'outils face à une pratique bien ancrée

Déchets sauvages : un manque d'outils face à une pratique bien ancrée

Que doivent faire les collectivités face aux dépôts sauvages de déchets ? La question devient prégnante car pour l'instant elles connaissent mal le phénomène et sont plutôt démunies. Trois experts d'Ecogeos nous expliquent pourquoi.

Publié le 20/05/2019
Actu-Environnement le Mensuel N°393
Cet article a été publié dans Actu-Environnement le Mensuel N°393
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Bien que les dépôts sauvages de déchets constituent une pratique ancienne, ce phénomène semble s'accentuer depuis quelques années. La médiatisation récente de dépôts de grande ampleur a contribué à mettre en lumière cette pratique, qui existe en fait à toutes les échelles, aussi bien en ville qu'à la campagne, et recouvre une multitude de flux de déchets. Elle inquiète les collectivités locales qui se sentent désarmées face à ce problème.

Une étude sur les déchets sauvages

Pour mieux comprendre ce phénomène, l'Ademe a publié en mars 2019 les résultats d'une étude de "Caractérisation de la problématique des déchets sauvages"1, réalisée par le bureau d'études Ecogeos. Celle-ci vise à comprendre la formation des dépôts sauvages, leur gestion, les principales difficultés rencontrées sur le terrain ainsi que les bonnes pratiques pour prévenir et résorber ces dépôts.

Basée sur une enquête menée auprès de nombreux acteurs à différentes échelles (mairies, intercommunalités, associations, entités départementales, régionales ou nationales), cette étude constitue un premier état des lieux représentatif des différentes situations pouvant être rencontrées sur les territoires et recense plusieurs idées d'actions de la part des acteurs de terrain. Les échanges en cours au sein de plusieurs groupes de travail permettront d'évaluer la faisabilité juridique, économique mais aussi technique de ces pistes d'actions.

Des dépôts sauvages qui ne sont pas toujours ce que l'on croit…

Les déchets qui constituent un dépôt sauvage peuvent revêtir trois formes :

  • Les déchets diffus sont les plus répandus. Ils regroupent par exemple les mégots des cigarettes, les sacs en plastique, les emballages vides ou encore les déchets issus de la consommation nomade. C'est notamment en ville, aux abords des routes et dans les espaces naturels qu'on les retrouve le plus.
  • Les déchets concentrés, quant à eux, forment des dépôts sauvages plus volumineux et de nature très variée : déchets de construction, déchets verts, véhicules hors d'usage, amiante, etc. Ils se situent principalement en milieu rural ou péri-urbain, où on les retrouve aux abords des routes et dans les espaces naturels, mais aussi sur des terrains agricoles.
  • Un autre type de dépôt sauvage, moins médiatisé, existe aussi en milieu urbain. Il s'agit de déchets déposés à côté de bornes d'apport volontaire, qui constituent des dépôts contraires au règlement de collecte. Cartons, encombrants, électroménager, sacs d'ordures ménagères, etc. sont autant de déchets qui se retrouvent fréquemment à proximité des bornes alors qu'ils devraient être acheminés vers d'autres flux spécifiques (poubelles grises, bennes de déchèteries, etc.).

Si les dépôts concentrés sont très médiatisés et constituent une réelle problématique environnementale, à laquelle s'ajoute la complexité de leur résorption, les dépôts diffus et les dépôts contraires au règlement de collecte sont une préoccupation majeure pour les collectivités.

Qui dépose et pour quelles raisons ?

Les acteurs interrogés citent aussi bien les habitants de leur territoire que les professionnels comme principaux déposants. Les touristes et les habitants de collectivités voisines sont également cités, mais de manière plus ponctuelle.

Si, dans certains cas, ces dépôts diffus ou concentrés sont liés à une méconnaissance des modalités de collecte des déchets, les acteurs estiment qu'ils sont principalement dus à des incivilités qui concernent aussi bien les ménages que les professionnels. Ces dernières peuvent être liées, entre autres, au refus de payer pour la gestion des déchets et à des difficultés d'accès aux déchèteries. L'absence de sanction est par ailleurs vue comme un frein aux changements des comportements.

Une quantification difficile

Alors que le phénomène est largement répandu, les données manquent pour le quantifier. Sur les près de 2.600 collectivités enquêtées, seules 13 % disposent de données mesurées ou estimées. Ces rares données indiquent des ratios rapportés à l'habitant généralement inférieurs à 10 kg/hab/an, mais quelques occurrences sont toutefois comprises entre 10 et 50 kg/hab/an, voire au-delà pour certaines configurations, reflétant les disparités des territoires.

Les impacts des dépôts sauvages se font ressentir sur le paysage et le cadre de vie, mais aussi sur les finances des collectivités. En effet, celles-ci doivent prendre en charge les coûts de gestion des déchets sauvages et déclarent un budget annuel moyen de près de 5 €/hab/an. Selon les types de déchets rencontrés, le coût est cependant très variable, et peut dépasser 50 €/hab/an dans quelques rares cas. Les frais de gestion se situent majoritairement entre 100 et 500 €/tonne, et peuvent parfois dépasser 1.000 €/tonne en fonction du type de déchets ou de l'ampleur du dépôt.

De la prévention à la sanction

Les coûts de gestion recouvrent quatre grands types d'actions déployées par les collectivités : la prévention, l'identification des dépôts et des contrevenants, les actions curatives et les sanctions.

La majorité des collectivités met en œuvre des actions de prévention des dépôts sauvages, surtout à destination du grand public. Ces actions englobent de la communication et de la sensibilisation, mais aussi la mise en place de dispositifs de collecte ciblés (service d'enlèvement des encombrants, fourniture de cendriers de poche, etc.). Bien que certaines actions innovantes apportent satisfaction, l'efficacité d'actions de prévention seules est globalement considérée comme limitée.

Près de la moitié des collectivités met en place des actions pour identifier les contrevenants et signaler les dépôts sauvages. Il s'agit d'effectuer des fouilles de sacs, de mobiliser la population et de signaler les dépôts aux propriétaires de terrains. La vidéosurveillance est aussi ponctuellement utilisée : elle est considérée comme une des actions les plus efficaces avec les fouilles.

Des actions curatives sont mises en place par la moitié des collectivités : des agents de la collectivité ou des prestataires privés nettoient et enlèvent les déchets. Les autres collectivités n'ont pas les moyens financiers ou humains pour le faire. Il est intéressant de noter que certains acteurs résorbent les déchets sauvages en urgence, pour éviter l'effet d'entraînement, alors que d'autres au contraire, les mettent en évidence un certain temps avant de les retirer, avec une communication visuelle forte.

Enfin, une gestion efficace des dépôts sauvages nécessite aussi de recourir à des sanctions. Or, la grande majorité des acteurs interrogés ne sont pas satisfaits des outils disponibles en matière de sanction ou ne les connaissent pas. La difficulté d'identifier le responsable, le classement sans suite des plaintes, les délais et les procédures lourdes, entre autres, découragent souvent les collectivités vis-à-vis de la verbalisation. Par ailleurs, une réflexion sur l'échelle à laquelle s'exerce le pouvoir de police doit être menée : la mise en place de mesures répressives envers les producteurs ou détenteurs de déchets sauvages ne mériterait-elle pas d'être prise en charge non plus par les maires au titre de leur pouvoir de police administrative générale, mais plutôt à une échelle intercommunale ?

Un guide pour aider les collectivités à gérer les déchets sauvages

Cette étude de caractérisation des déchets sauvages montre l'importance de la problématique et la difficulté des acteurs de terrain pour y faire face. Elle recommande d'avoir recours à des actions combinées de prévention, d'identification, de nettoyage et de sanction mais aussi de réfléchir à l'échelle de leur application pour d'une part, éviter les transferts de déchets vers les zones voisines, et d'autre part, impliquer de façon plus coordonnée les différents acteurs.

Un guide destiné à aider les acteurs de terrain dans la lutte contre les dépôts sauvages est en cours de rédaction par le Ministère de la Transition Ecologique et Solidaire2. Sa parution est envisagée pour la fin du 1er semestre 2019. Ce dernier aura un rôle informatif sur les différentes démarches et bonnes pratiques à suivre, permettant d'outiller les acteurs de terrain face à l'ampleur de la problématique.

Avis proposé par Marie-Amélie Marcoux, ingénieure d'études et de recherche, Quentin Missir, chargé d'études et Marta Matias Mendes, ingénieure d'études et de recherche chez Ecogeos.

1 Télécharger l'étude
https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-33455-etude.pdf

2 Mesure 27 de la Feuille de Route Economie Circulaire : « Élaborer début 2019 un référentiel de bonnes pratiques et d'outils destiné aux collectivités pour lutter contre les dépôts sauvages de déchets ».

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1 Commentaire

Gaia94

Le 21/05/2019 à 11h22

Il est évident qu'il faut sanctionner lourdement les personnes ou entreprises qui se permettent de se débarrasser de ces dépôts sauvages, ne serait-ce que pour récupérer l'argent que coûte au contribuable le nettoyage des sites. Car là encore, il s'agit souvent des mêmes personnes qui se conduisent ainsi, et heureusement, pas de la majorité de la population. Les maires, par l'entremise des policiers municipaux, ou un représentant des communautés de communes, pourraient avoir le droit de verbaliser, et de recueillir des amendes au pro-rata du volume des dépôts. Cela se fait pour les infractions au code de la route, donc il serait facile d'élaborer un barème, avec des majorations en cas de non paiement immédiat. L'argent recueilli reviendrait directement à la commune, je pense que cela inciterait les maires à se préoccuper du problème. De plus il existe de toutes petites caméras à infrarouge, qui peuvent être cachées facilement aux abords des sites pour filmer les contrevenants, ces caméras sont de prix très abordables. C'est triste mais en France seules les sanctions donnent des résultats, car la mentalité de certains n'évolue pas, en dépit de l'éducation qu'ils reçoivent ou des informations et des explications qu'on leur donne sur les conséquences de leur mauvais comportement.

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