Le dossier de mise en service de l'EPR de Flamanville (Manche) est trop restreint pour avoir une image globale de l'ensemble des impacts environnementaux du réacteur de 1 600 mégawatts (MW). Le dossier d'EDF « se focalise sur la seule mise en service de l'EPR » et n'aborde pas certains éléments nécessaires pour évaluer « les incidences effectives à l'échelle globale du projet sur l'environnement ».
Telles sont les principales remarques émises par l'Autorité environnementale (Ae) dans son avis sur l'EPR de Flamanville, rendu le 22 décembre. Cet avis a été sollicité en octobre 2021 par l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) dans le cadre de la mise en service du réacteur, prévue désormais cette année.
De nombreux éléments non abordés
Une première série de remarques concerne la mise à jour de l'étude d'impact fournie par EDF. Le document est « clair et didactique », mais « trop restreint ». Le projet soumis à l'Ae se limite à la seule mise en service du réacteur. Or, l'Autorité estime que « le terme réglementaire "projet" doit être compris ici comme "la mise en service du réacteur 3 de type EPR du site de Flamanville et son fonctionnement" ». Pour évaluer le « projet EPR », il faudrait donc prendre en compte des éléments absents du dossier présenté par EDF, tels que la phase de construction et la ligne électrique à très haute tension Cotentin-Maine.
En outre, l'étude d'impact n'aborde pas les options remises en cause au cours du projet. L'Ae évoque notamment des modifications concernant la galerie souterraine de rejet, ou encore la création d'une installation de dessalement de l'eau de mer, décidée après le lancement du chantier.
Autre reproche de l'Ae : « L'évaluation des incidences ne prend en compte que les valeurs limites des rejets. » Ces valeurs permettent de montrer que les incidences restent compatibles avec le bon état du milieu et la santé humaine. Mais rien n'indique que ces rejets sont les plus bas possibles, conformément à ce qu'implique la démarche « éviter, réduire, compenser » (ERC). Dans le domaine de la radioprotection, une bonne application de la séquence ERC se traduirait par des autorisations de rejets radioactifs « spécifiant des valeurs cibles aussi basses que raisonnablement possibles ». En l'occurrence, l'Ae explique que « les rejets réels sont très inférieurs [aux] valeurs limites [prises en compte pour l'étude d'impact], souvent d'un facteur 10 à 20 » et des mesures de réduction conduisent à « des impacts résiduels encore plus faibles ».
L'Autorité regrette aussi le peu d'information concernant divers aspects du fonctionnement du réacteur : le combustible qui sera utilisé, « alors que la nature et l'importance des incidences [du réacteur sur l'environnement] en dépendent » ; la gestion des matières radioactives (et pas uniquement la gestion des déchets radioactifs) ; les mesures de réduction des émissions de gaz à effet de serre (les émissions liées à la consommation d'hydrocarbures et les émissions d'hexafluorure de soufre (SF6) et d'hydrofluorocarbures (HFC) ; le suivi de la biodiversité terrestre.
Quid des écarts et du retour d'expérience ?
Quant à l'étude de maîtrise des risques, elle « [consiste] essentiellement en un rappel théorique des principes de la démarche de sûreté et des caractéristiques prévues pour y répondre, sans évoquer en détail les spécificités de l'EPR de Flamanville ».
L'Ae recommande à EDF de « récapituler les écarts, incidents et accidents qu'a connus l'EPR en lien avec la sûreté nucléaire pendant sa phase de construction et d'expliciter les mesures prises pour y répondre ». Ce point vise, en particulier, la cuve du réacteur et son couvercle (qui présentent des défauts décelés après leur installation), les défauts affectant des soudures des tuyauteries des circuits secondaires principaux (en cours de réparation) et les défauts constatés sur trois piquages du circuit primaire principal (le dossier est en cours d'examen par l'ASN).
Un autre souhait de l'Ae concerne le retour d'expérience des trois EPR en service : les deux construits à Taishan (Chine) et celui implanté à d'Olkiluoto (Finlande). L'Autorité aimerait qu'EDF explique comment ces retours d'expérience sont pris en compte « pour anticiper les incertitudes liées à ce nouveau type de réacteur ». Elle rappelle que ces réacteurs ont soulevé des questions en termes de sûreté, au sujet de soupapes installées sur le pressuriseur, s'agissant du réacteur finlandais, et au sujet des dommages subis par les barres de combustible, en ce qui concerne le premier réacteur chinois.