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Erika : le droit aura-t-il raison de l'équité ?

Dans le procès en cassation de l'Erika, l'avocat général demande l'annulation pure et simple de la décision d'appel. Douze années de procédures vont-elles être mises à bas ? Réponse le 25 septembre prochain.

Eau  |    |  L. Radisson
Erika : le droit aura-t-il raison de l'équité ?

L'audience de la Cour de cassation dans l'affaire de l'Erika s'est tenue ce jeudi 24 mai. La chambre criminelle a écouté les plaidoiries des avocats des prévenus et des parties civiles, puis les réquisitions de l'avocat général. Elle a toutefois mis sa décision en délibéré au 25 septembre prochain.

La cour d'appel de Paris avait retenu en mars 2010 la responsabilité pénale pour pollution de l'affréteur du navire Total, de la société de classification Rina, de l'armateur du navire Giuseppe Savarese et du gestionnaire Antonio Pollara. Elle avait porté à 200 millions d'euros les indemnités accordées aux parties civiles mais avait en revanche écarté la responsabilité civile de Total.

Vers une annulation sans renvoi ?

Conformément à son rapport écrit rendu public fin avril, l'avocat général Didier Boccon-Gibod a demandé à la Cour l'annulation sans renvoi de la décision d'appel. La raison ? La loi française sur laquelle les juges d'appel se sont appuyés pour rendre leur décision n'était selon lui pas conforme aux conventions internationales et était par conséquent inapplicable en l'espèce.

Si les magistrats suivent cet avis, la décision sera annulée purement et simplement, et ne sera pas rejugée par une autre cour d'appel.

L'Erika, navire battant pavillon maltais, avait fait naufrage dans la zone économique exclusive, en dehors des eaux territoriales françaises. Or, selon l'avocat général, c'est la loi du pavillon qui devait s'appliquer, les conditions juridiques n'étant pas réunies pour qu'il en soit autrement.

Quant au préjudice écologique, qui avait été reconnu et indemnisé en appel, l'avocat général n'émet aucun doute sur sa réalité mais estime qu'il n'est pas indemnisable au regard de la convention internationale applicable au cas d'espèce.

"Je comprends que cet avis puisse faire scandale", a déclaré Didier Boccon-Bibod. "Il ne tend nullement à laisser croire que le naufrage de l'Erika est un événement acceptable". Même si on peut trouver "ces arguties juridiques bien médiocres face au drame vécu par les victimes, le droit reste le droit", estime l'avocat général, qui rappelle être "l'avocat de la loi".

L'écologie subordonnée au principe de liberté des mers ?

Pour Maître Thomas Lyon-Caen qui défend Total, "l'enjeu de l'audience n'est pas l'indemnisation". Il rappelle que le groupe avait versé 171 millions d'euros d'indemnisations aux parties civiles après le jugement de première instance. "Faux, s'insurge Corinne Lepage, ancienne ministre de l'Environnement qui défend les communes depuis 12 ans, Total demande le remboursement des sommes versées et son rêve est de devenir irresponsable".

Répondant aux avocats des prévenus qui invoquaient le primat du principe de "liberté des mers" posé par la Convention de Montego Bay (1) , Patrice Spinosi, avocat de plusieurs collectivités parties civiles, a estimé que "le primat de la liberté de la mer, c'est une mer propre".

Pour l'ONG Robin des Bois, "considérant la mer comme un bocal, niant les forces des courants, des vents et des vagues", l'avocat général et le conseiller rapporteur "refusent de considérer ensemble le lieu d'origine de l'infraction, c'est-à-dire le lieu des rejets, et le lieu des pollutions, c'est-à-dire la zone économique exclusive et dans la continuité les eaux territoriales, le littoral, l'estran, les dunes et les marais sur plus de 400 km de côtes".

Maître Didier Le Prado, qui défend le département de la Vendée et la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) a estimé, pour sa part, que si la Cour suivait l'avis de l'avocat général, elle enverrait "un funeste signal au monde du transport pétrolier".

"Devant une telle orientation partisane, il n'est pas du tout sûr que le dispositif juridique en vigueur aujourd'hui sera pour les naufrages à venir un meilleur rempart contre la suprématie des pavillons de complaisance", confirme Robin des Bois.

Alors que pour Didier Boccon-Gibod, au contraire, la décision de la Cour "ne sera en aucun cas un encouragement aux pollueurs indélicats", la loi ayant changé, "précisément du fait de son insuffisance à la date du naufrage de l'Erika".

1. Convention des Nations unies sur le droit de la mer du 10 décembre 1982

Réactions5 réactions à cet article

Avec une telle vision des règles de justice, qui tend à exonérer de poursuite le pollueur des cotes françaises au motif que son bateau était dans les eaux internationales, on pourrait ne pas considérer comme justiciable un criminel qui aurait tué un homme en France en tirant depuis l'autre coté de la frontière.
Et on n'aurait jamais du pouvoir juger en France cet homme enlevé en Allemagne par le père de la jeune fille qu'il aurait assassinée.
Ces grands juges manquent souvent de cohérence.
Il nous faut vraiment un Parlement avec des députés qui retoquent ces lois décousues.

Leon | 25 mai 2012 à 10h02 Signaler un contenu inapproprié

Votre titre pose problème. Droit et équité sont deux choses différentes, bien que liées, du moins en principe. Le droit est composé de règles qui doivent être non seulement justes (mais la notion de « juste » dépend souvent des opinions et, dans certains cas, du côté de la barrière où on se situe), précises et stables (jusqu'au moment où on estime qu'elles doivent être changées). Dans les régimes fondés sur la primauté du droit, on ne change pas les règles au gré des circonstances.

Si la loi française sur laquelle les juges d'appel se sont appuyés pour rendre leur décision n'était pas conforme aux conventions internationales, elle était inapplicable et la décision était nulle. Cela peut en chagriner beaucoup. Mais il faut attendre que la Cour se prononce à ce sujet.

Mais il faut comprendre que quand la France signe et ratifie une convention internationale avec un ou plusieurs autres pays, elle attend de ceux-ci qu'ils appliquent fidèlement cette convention ; et ceux-ci sont en droit d'attendre que la France en fasse de même. Toute autre solution viderait le mot convention de son sens et les efforts d'harmonisation du droit au niveau international de leurs effets.

Et s'il y a un vide juridique dans la convention internationale, il faudra que les États parties à celle-ci y remédient.

Wackes Seppi | 25 mai 2012 à 18h33 Signaler un contenu inapproprié

Nos cotes polluées et à l'avenir des malades du brut et avec tout çà Total serait jugé à Malte !!!!
Mais de qui se moque t'on ??
On marche sur la tête !!!!!!
J'espère que tout le monde comprendra pourquoi les pavillons de complaisance ont tant de succès

michel 07 | 25 mai 2012 à 20h35 Signaler un contenu inapproprié

L'avocat général cherche le résultat contraire a ses écrits :
1°) Malte, Etat du pavillon, partie à la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (CNUDM), membre de l'UE, défaillant en autorisation et en sanction judiciaire, porte préjudice au milieu marin (valeur intrinsèques) et autres usagers légitimes, a déplacé ce préjudice vers d'autres Etats ou des zones hors juridictions nationales. La CNDUM impose des obligations à toute autorité de tout Etat i.e. à toute juridiction.
2°) la France a des compétences souveraines dans la ZEE, sa faculté d'adopter des mesures pour la protection du milieu marin est un devoir d'adopter toutes mesures nécessaires pour assurer la protection conforme de ce milieu dans son système juridique, sur le fondement du chapitre XII "protection du milieu marin", et vu les obligations de diligence requises de toute autorité d'un quelconque Etat suivant la jurisprudence internationale. Nier ce droit au juge serait un abus de droit contraire au droit de la mer, au droit communautaire et aux droits fondamentaux, à la CESDH.
III) la Cour peut statuer, mais doit sans doute soulever plusieurs questions préjudicielles à la CJUE, vu la compétence de l'UE, vu la pollution de la Zone ; comment une Cour peut elle saisir le Tribunal du droit de la mer pour un avis facultatif que seul le TIDM peut assurer la recevabilité en vue d'une interprétation conforme à l'ordre jurdique du droit de la mer ? A paraître Chantrel SIFEE Montréal 2012;

Théo Le Tranchant | 26 mai 2012 à 12h02 Signaler un contenu inapproprié

Le drame qui se joue doit avoir des repercussions positives pour l'environnement, quelle que soit la decision du juge au final.
Il ne faut pas que les pollueurs aient un sentiment d'impunité a l'avenir, quelle que soit leur pavillon de complaisance. Donc, il faut un accord international qui soit respecté, donc il faut montrer l'exemple et respecter les accords internationaux, aussi defavorables soient-ils a l'heure actuelle. Ceci-dit, tout depend comme le dit Robin des Bois de la limite entre zone de rejet et zone polluée, je veux dire par là de la prise en compte de l'une ou de l'autre pour rendre le jugement. Et c'est la que le juge a une marge de manoeuvre, tout en respectant les traités internationaux.
Je pense egalement que l'action future doit etre de modifier les accords internationaux pour clarifier ce genre de situation et qu'il n'y ait plus de doute sur la responsabilité d'un pollueur. A partir du moment ou une pollution maritime est avérée, etablie par des experts independants internationaux, le(s) territoire(s) concerné(s) doit avoir tous les moyens pour juger le responsable du navire et exiger reparation.
C'est donc une action politique qu'il faut mener a mon sens. Demandons a madame la ministre de l'ecologie (entre autres) Nicole Bricq d'agir sans attendre, non pas en influencant le proces, ce qui serait contraire a l'independance de la justice francaise, mais en facilitant le travail futur des juges par une clarification de droit international.

merlorom | 29 mai 2012 à 10h21 Signaler un contenu inapproprié

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