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Actu-Environnement

“Un Etat pourra exclure tous les produits qui contiennent l'OGM interdit”

Le 22 avril, l'Europe a proposé l'adoption d'un nouveau règlement relatif à l'importation d'OGM. Ce texte renforce la possibilité donnée aux Etats de s'opposer à leur utilisation. L'avocat Guillaume Henry précise le cadre existant, l'apport et les enjeux du nouveau règlement.

Interview  |  Agroécologie  |    |  A. Luchez
   
“Un Etat pourra exclure tous les produits qui contiennent l'OGM interdit”
Guillaume Henry
Avocat associé, Cabinet Szleper Henry Avocats
   

Actu-environnement : Aujourd'hui, comment les Etats peuvent-ils interdire l'utilisation d'OGM dans l'alimentation humaine et animale ?

Guillaume Henry : Deux textes communautaires régissent le domaine. Une directive de 2001 sur la culture des OGM, ainsi qu'un règlement de 2003 relatif aux denrées alimentaires humaines ou animales contenant des OGM.

Selon ces textes, toute utilisation d'OGM doit faire l'objet d'une autorisation préalable. L'Efsa (1) fait une évaluation scientifique de l'OGM pour s'assurer qu'il ne présente pas de risques. Et ensuite, les Etats de l'Union européenne (UE) votent, dans le cadre d'un comité, pour ou contre cet OGM. La Commission prend enfin la décision de l'autoriser ou non. Décision qui s'impose à tous les Etats.

AE : Est-ce le seul moyen ?

GH : Non, les Etats disposent aussi d'un mécanisme de "clause de sauvegarde". Si l'un d'entre eux dispose d'éléments scientifiques nouveaux relatifs au potentiel caractère néfaste d'un OGM, il peut demander la suspension ou l'interdiction provisoire de son importation, sa commercialisation ou sa production. Si ses arguments sont retenus, l'OGM ne sera plus commercialisé. Mais si les informations sont rejetées par la Commission, la commercialisation doit reprendre.

AE : Alors pourquoi cette volonté de modifier la réglementation en vigueur ?

GH : Les Etats considéraient qu'ils ne disposaient pas de véritable pouvoir de s'opposer à l'utilisation d'un OGM sur leur territoire. Leur seule possibilité ? Voter "contre" au comité. Mais en pratique le comité n'a jamais émis d'avis car aucune majorité ne s'est jamais dégagée ! La Commission a toujours tranché seule. Quant à la clause de sauvegarde, elle est très difficile à mettre en œuvre car il faut se fonder sur des données scientifiques nouvelles. La Commission a entendu ces critiques et a donc souhaité donner "davantage de souplesse" aux Etats.

AE : Comment se traduit cette souplesse dans le nouveau règlement ?

GH : La proposition de règlement renforce la possibilité donnée aux Etats de s'opposer à l'utilisation d'un OGM sur leur territoire, c'est-à-dire sa commercialisation ainsi que la commercialisation d'aliments destinés aux humains ou aux animaux contenant cet OGM. Ce droit de restreindre ou d'interdire les OGM sur son territoire vient donc s'ajouter à la clause de sauvegarde. Il pourra intervenir, soit au cours de la procédure d'autorisation de mise sur le marché, soit une fois que l'OGM a été autorisé, soit lors de la procédure de renouvellement de l'autorisation.

AE : Quels arguments les Etats pourraient-ils invoquer à l'appui d'une interdiction ?

GH : La proposition de règlement est assez laconique puisqu'elle se borne à indiquer que les Etats devront invoquer des "raisons impérieuses". Qu'est-ce qui pourrait constituer une "raison impérieuse" ? Difficile de répondre.

Mais il faut relever que la directive de mars 2015 sur la culture d'OGM, jumelle de la proposition de règlement, est plus souple puisqu'elle exige seulement des "motifs sérieux " tels que des objectifs de politique environnementale ou agricole, l'aménagement du territoire, l'affectation des sols, les incidences socio-économiques (coût élevé, voire impossibilité de la coexistence d'OGM et de cultures classiques), la volonté d'éviter la présence d'OGM dans d'autres produits ou bien encore l'ordre public. Les mêmes raisons devraient pouvoir être invoquées pour interdire l'utilisation dans l'alimentation, mais il faudra avoir des arguments très sérieux.

AE : La proposition de la Commission, qui distingue règles émises au niveau européen et choix nationaux, est-elle contraire aux règles du marché unique ?

GH : Probablement pas. Mais le risque existait et pour cela la proposition prend des précautions. Les Etats devront justifier leur refus. Justification qui devra constituer une raison impérieuse d'intérêt général. Les mesures de restriction ou d'interdiction devront être proportionnées et non discriminatoires. Et ces interdictions ou restrictions ne pourront être décrétées qu'au cas par cas. Ces éléments seront d'ailleurs contrôlés par la Cour de justice de l'UE (CJUE).

AE : Quel impact le règlement aurait-il sur les denrées destinées à l'alimentation humaine et animale ?

GH : Un Etat pourra aller jusqu'à exclure tous les produits qui contiennent l'OGM interdit. Mais il faut préciser que le nouveau "droit de restriction ou d'interdiction" ne pourra s'appliquer qu'à l'utilisation d'OGM dont la présence dans les denrées alimentaires et les aliments pour animaux doit légalement être indiquée. Or, le règlement de 2003 n'impose pas d'étiquetage pour les OGM qui représentent moins de 0,9% d'un ingrédient, à la condition que cette présence résiduelle soit fortuite ou techniquement inévitable.

AE : Comment sera-t-il possible de contrôler le respect d'une interdiction au sein d'un Etat membre ?

GH : Chaque Etat qui aura restreint ou interdit l'utilisation d'un OGM dans l'alimentation humaine ou animale, sera seul compétent pour assurer l'application de ces mesures. Ce qui vaut aussi pour l'interdiction de la culture d'un OGM.

1. Autorité européenne de sécurité des aliments

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