
Chargé de mission santé-sécurité au travail au ministère de l'Agriculture
Actu-Environnement.com : Quel est l'objectif de cette "Familiy Farm Study" ?
Olivier Briand : Il s'agit de mieux connaître les expositions aux pesticides des familles dans les exploitations agricoles, c'est-à-dire tant les agriculteurs eux-mêmes que leurs conjoints et leurs enfants. Nous avons le sentiment que ces populations sont plus exposées que la population générale. L'objectif sera de proposer des pistes pour faire baisser les expositions.
AE : Quelles sont les spécificités des familles d'agriculteurs en terme d'exposition aux pesticides ?
OB : Les spécificités sont liées à l'utilisation professionnelle des pesticides par les agriculteurs, l'exposition de leur famille par les vêtements et les équipements de protection contaminés lors du retour à la maison, ainsi que l'exposition par voie aérienne du fait de la proximité des cultures traitées. Mais les expositions peuvent aussi être liées à des mésusages : utilisation dans les jardins de produits destinés aux cultures ou d'insecticides destinés aux élevages sur des animaux domestiques.
AE : Quels seront les produits et les voies d'exposition étudiés ?
OB : Nous allons étudier l'exposition aux pesticides au sens large, c'est-à-dire les produits phytopharmaceutiques mais aussi certains biocides et les produits antiparasitaires. Et ce, quelles que soient les voies d'exposition : par la respiration, le contact cutané ou l'ingestion par les aliments ou la boisson.
AE : Quelle méthodologie retenez-vous ?
Le pilotage de l'étude est interministériel, puisqu'il implique aussi les ministères de la Santé et de l'Environnement, sous l'égide du ministère de l'Agriculture. Les aspects méthodologiques vont être définis par un comité scientifique dont les membres vont être nommés dans les semaines à venir. Nous lancerons un appel d'offres en 2017 pour recruter un organisme chargé de coordonner les travaux.
AE : A quelle étape en êtes-vous ?
OB : La première étape a consisté à analyser les études similaires déjà réalisées. Une première étude a été lancée aux Etats-Unis il y a désormais plus de 20 ans. Deux autres l'ont été en Europe : une étude anglaise qui est maintenant terminée et une néerlandaise dont le volet métrologie débute l'année prochaine. Les résultats de plusieurs études françaises seront par ailleurs utilisés soit en exploitant directement les données produites, soit en les utilisant comme base de comparaison lorsqu'elles portent sur la population générale. Ce sera le cas de l'étude sur l'utilisation domestique des pesticides que l'Anses doit remettre en 2018. Nous utiliserons des questionnaires communs. Nous avons tout intérêt à mutualiser les connaissances disponibles.
AE : Combien de familles seront étudiées ?
OB : C'est le comité scientifique qui déterminera le bon nombre de familles à suivre, qui devraient se situer dans deux ou trois régions agricoles différentes. Il sera procédé à une sélection de familles volontaires, dont le recrutement devrait débuter fin 2017. Ces familles devront s'impliquer dans l'étude qui durera plusieurs mois, voire plusieurs années. Dans le cadre du volet "enquête" de l'étude, elles devront enregistrer les produits qu'elles utilisent, leurs quantités et les conditions d'emploi, leurs utilisations dans l'espace et dans le temps, mais aussi donner des informations sur leur consommation alimentaire, le recours aux produits du jardin, ainsi que sur leur budget espace/temps, c'est-à-dire le temps passé à l'extérieur ou dans les transports par exemple, leurs fournisseurs. Le deuxième volet de l'enquête, consacré aux mesures sur le terrain, sera plus complexe et plus coûteux.
AE : Les organisations agricoles vous soutiennent-elles dans cette démarche ?
OB : L'origine de cette étude remonte aux discussions du plan Ecophyto et du troisième plan national santé environnement (PNSE3) auxquelles les organisations professionnelles agricoles étaient associées. Dès 2013, un exercice de hiérarchisation des risques en matière d'exposition aux agents reprotoxiques avait montré la nécessité de s'intéresser à ce qui se passait dans les fermes. Les organisations agricoles se sont dites très intéressées par la démarche.