Par un arrêt du 30 janvier 2013, le Conseil d'Etat précise comment le juge administratif doit apprécier l'existence de droits acquis au bénéfice d'une installation ancienne, compte tenu de la succession dans le temps des différents régimes applicables aux installations classées (ICPE).
En l'espèce, le préfet des Yvelines avait, par arrêté, mis en demeure l'exploitant d'une réserve zoologique de régulariser sa situation administrative en déposant dans un délai de trois mois un dossier de demande d'autorisation au titre, d'une part, de la législation des installations classées (ICPE) et, d'autre part, de la législation relative à la protection de la nature. Le tribunal administratif de Versailles avait rejeté la demande de l'exploitant visant à faire annuler l'arrêté préfectoral. Suite à la confirmation du jugement par la cour administrative d'appel de Versailles, ce dernier s'est pourvu en cassation, avec succès, devant le Conseil d'Etat.
Pas de remise en cause des droits d'antériorité acquis sous l'empire de textes antérieurs
Le requérant se prévalait de l'article L. 513-1 du code de l'environnement, issu de la loi du 19 juillet 1976 modifiée par la loi du 4 janvier 1993, qui prévoyait dans sa rédaction applicable au litige que "les installations qui, après avoir été régulièrement mises en service, sont soumises, en vertu d'un décret relatif à la nomenclature des installations classées, à autorisation ou à déclaration peuvent continuer à fonctionner sans cette autorisation ou déclaration à la seule condition que l'exploitant se soit déjà fait connaître du préfet ou se fasse connaître de lui dans l'année suivant la publication du décret".
Il ne résulte pas de ces dispositions, selon l'analyse du Conseil d'Etat, que le législateur ait "entendu remettre en cause les droits d'antériorité acquis sous l'empire des textes antérieurs", à savoir la loi du 19 décembre 1917 relative aux établissements dangereux, insalubres ou incommodes, le décret du 17 décembre 1918, le décret du 1er avril 1964, la loi du 19 juillet 1976 ou le décret du 25 octobre 1977.
"Situation juridiquement constituée"
Pour se prononcer sur l'existence de ces droits, il appartient au juge, explique le Conseil d'Etat, de rechercher si, "au regard des règles alors en vigueur et compte tenu de la date de mise en service régulière de l'installation, l'exploitant peut se prévaloir, à la date à laquelle elle est entrée dans le champ de la législation relative aux établissements dangereux, insalubres ou incommodes ou de celle relative aux installations classées pour la protection de l'environnement par l'effet d'une modification de la nomenclature, d'une situation juridiquement constituée le dispensant de solliciter l'autorisation ou de déposer la déclaration prévue par les dispositions régissant une telle installation".
Faisant application de cette méthode de détermination de l'existence de droits acquis, la Haute juridiction annule en l'espèce la décision d'appel qui avait dénié à l'exploitant de la réserve l'existence de tels droits. Les juges d'appel avaient jugé à tort que l'installation, étant soumise à la loi du 19 décembre 1917 en raison d'un décret de nomenclature de 1973, ne pouvait se prévaloir du droit d'antériorité prévu par l'article 16 de la loi du 19 juillet 1976.
"Délai non prescrit à peine de déchéance"
Pour ce qui concerne l'application de la législation sur la protection de la nature, l'article 6 de la loi du 10 juillet 1976 , dont les dispositions ont été reprises à l'article L. 413-3 du code de l'environnement, prévoient que "l'ouverture des établissements d'élevage d'animaux d'espèces non domestiques, de vente, de location, de transit, ainsi que l'ouverture des établissements destinés à la présentation au public de spécimens vivants de la faune locale ou étrangère, doivent faire l'objet d'une autorisation". Ces dispositions s'appliquent également aux établissements existants au 14 juillet 1976, dont les exploitants étaient tenus, en application du décret du 25 novembre 1977, d'effectuer une déclaration au préfet dans les trois mois.
Le Conseil d'Etat précise que "ce délai (…) n'a pas été prescrit à peine de déchéance". Il annule donc la décision de la cour d'appel sur ce point également. Cette dernière avait en effet estimé, de manière erronée, que la requérante ne pouvait se prévaloir du simple régime déclaratoire de l'activité qu'elle exerçait avant l'entrée en vigueur de la loi du 10 juillet 1976, du fait qu'elle n'avait pas effectué la déclaration de son activité au préfet dans le délai prescrit.