© CNRS/ FAIN Xavier
Rappelons que déjà les paléoclimatologues français du Laboratoire des sciences du climat et de l'environnement, qui ont analysé les carottes du forage profond NorthGRIP au Groenland, avaient révélé en juin 2008 dans la revue ''Science'' que le premier réchauffement rapide se serait produit il y a 14.700 ans, lorsque la température du Groenland a augmenté de plus de 10°C. Ils avaient également souligné qu'il y a 12.900 ans, un retour à des conditions glaciaires s'était traduit par des températures extrêmement froides, avant un réchauffement final, il y a 11.700 ans, marquant la fin de la dernière glaciation.
Selon l'équipe de glaciologues qui publie cette fois dans la revue ''Nature'', la calotte glaciaire du Groenland a été confrontée à un réchauffement il y a entre 9.000 et 6.000 ans. Les chercheurs ont ainsi analysé des carottes prélevées dans la calotte de glace principale du Groenland, mais aussi au sein de deux petites calottes situées sur la côte. A partir des gaz emprisonnés dans ces prélèvements, les chercheurs ont pu reconstituer l'histoire du climat et des altitudes de surface de la calotte depuis 11.000 ans.
Leur étude montre qu'entre - 7 000 et - 10 000 ans, le Groenland a connu une température maximale supérieure d'environ 2°C à la température actuelle. Ces conditions chaudes étaient accompagnées d'une diminution de l'altitude de surface des régions côtières de la calotte de 200 à 600 mètres pour les sites étudiés.
Forts de ces constatations, les chercheurs estiment qu'une hausse de température de quelques degrés Celsius au Groenland pourrait entraîner au cours de ce siècle une perte de la masse de la calotte glaciaire plus importante que prévue. La fonte en totalité de cette calotte pourrait conduire à une élévation d'environ sept mètres du niveau de la mer, menaçant de nombreuses populations côtières et des Etats insulaires.
Vitesse record d'écoulement du glacier Kangerdlugssuaq
Sur le terrain, une fonte des glaciers de l'Est du Groenland semble s'accélérer, selon l'expédition scientifique menée par Greenpeace au Groenland depuis le 28 juin à bord de l'Arctic Sunrise. La vitesse d'écoulement du glacier Kangerdlugssuaq serait des plus alarmantes atteignant 38 mètres par jour ou 14 km par an. Le glacier de Kangerdlugssuaq est probablement le plus rapide du monde, a souligné le 18 septembre le climatologue Gordon Hamilton du Climate Change Institute de l'université du Maine (Etats-Unis), membre de l'expédition. Sa vitesse d'écoulement a quasiment triplé entre 2004 et 2005, passant de 5 km à 14 km par an, avant de se stabiliser à ce dernier niveau depuis cette date selon Greenpeace.
L'allure à laquelle il charrie d'énormes quantités de glace sous forme d'icebergs provenant du cœur du Groenland est donc trois fois supérieure à celle d'il y a quelques années. Les conséquences se font sentir à la fois sur le volume total de la calotte glaciaire du Groenland et sur le niveau global de la montée des océans, a indiqué Gordon Hamilton. Pour le Dr Fiamma Straneo de l'Institut océanographique de Woods Hole (États-Unis), l'afflux de courants chauds dans les fjords du Groenland serait l'un des facteurs à l'origine de ces bouleversements.
Rappelons que selon le quatrième rapport du Groupe d'Experts Intergouvernemental sur l'Evolution du Climat (GIEC) qui prévoit, selon les scénarii, une hausse de température moyenne de 1,8 à 4 degrés, pouvant aller jusqu'à 6,4 degrés par rapport à 1990, l'accélération de la fonte de glaciers pourrait contribuer à une élévation du niveau moyen de la mer pouvant atteindre entre 18 et 59 centimètres d'ici 2100.
Alors que s'ouvre le 22 septembre le sommet des Nations Unies sur le climat à New York, Greenpeace appelle les dirigeants politiques à prendre leurs responsabilités pour permettre la signature d'un accord historique pour stopper les changements climatiques. C'est à leur tour de prendre la mesure du défi. Si nous ne pouvons pas changer la science, nous pouvons changer les politiques, a déclaré Karine Gavand, chargée de campagne climat à Greenpeace France, à cent jours de la conférence internationale de Copenhague (Danemark) qui doit aboutir à un nouveau traité post-Kyoto.
Références : Holocene thinning of the Greenland ice sheet, Vinther B. M., Buchardt S. L., Clausen H. B., Dahl-Jensen D., Johnsen S. J., Fisher D. A., Koerner R. M., Raynaud D., Lipenkov V., Andersen K. K., Blunier T., Rasmussen S. O., Steffensen J. P., Svensson, A. M. Paru dans ''Nature'' le 17 septembre 2009.