Les 69 députés de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi sur la transition énergétique ont adopté à l'Assemblée, dans la nuit du jeudi 25 septembre au vendredi 26 septembre, le Titre II du texte dédié à la rénovation énergétique des bâtiments, après l'avoir enrichi d'une série d'amendements.
Plus de 380 amendements ont en effet été déposés dans le cadre de ce titre. La moitié (186) ont visé l'article 5 qui prévoit d'imposer des obligations de performance énergétique pour certains travaux lourds d'isolation thermique (ravalement de façade, réfection de toiture ou de combles, aménagement de nouvelles pièces d'habitation) "sous conditions de faisabilité technique et économique", suscitant de longs débats de la commission.
Quelles obligations de performance énergétique ?
Les députés UMP ont voté contre cet article 5 "car l'impact de ces travaux sur le coût du consommateur n'est pas connu", a dénoncé leur porte-parole Julien Aubert, député du Vaucluse. L'UMP demandait "la suppression de cette obligation" dans un amendement qui a été rejeté par la commission.
Autres amendements retoqués : ceux déposés par l'ancienne ministre écologiste du Logement Cécile Duflot et par Jean-Paul Chanteguet (PS), président socialiste de la commission du développement durable à l'Assemblée, qui proposaient de "supprimer la possibilité de ne pas faire d'isolation lorsqu'il existe une disproportion entre les avantages des ces travaux et leurs inconvénients". "Les motifs de dérogation à cette obligation" seront précisés par décret, a souligné Alain Vidalies, secrétaire d'Etat aux Transports, représentant le Gouvernement.
La rapporteure du texte Sabine Buis (députée PS de l'Ardèche) a ajouté un amendement assurant que les aides publiques dédiées aux travaux d'amélioration de la performance énergétique dans les bâtiments existants seront "maintenues lorsqu'il y a obligation de travaux". Il a été adopté par les députés. Ces derniers ont également approuvé l'amendement porté par Cécile Duflot et Denis Baupin, député écologiste de Paris, fixant l'objectif d'un parc immobilier entièrement rénové aux normes bâtiment basse consommation (BBC) à l'horizon 2050 (soit une consommation de 80 kWh/EP/m²/an). Un autre amendement déposé par la rapporteure prévoit qu'"à l'horizon 2030, tous les bâtiments privés résidentiels dont la consommation en énergie primaire est supérieure à 330 kilowattheures équivalent par mètre carré et par an doivent avoir fait l'objet d'une rénovation énergétique".
Cécile Duflot et Denis Baupin proposaient également, à l'instar de la ministre de l'Ecologie Ségolène Royal le 12 septembre dernier, que les nouveaux bâtiments publics soient à "énergie positive" (Bepos) conçus pour produire en moyenne plus d'énergie qu'ils n'en consomment. L'article 4 du texte fixe une "exigence d'exemplarité énergétique" à tous les nouveaux bâtiments publics jugée "floue" par les députés écologistes. Alain Vidalies a émis un avis "défavorable" estimant que cet amendement, dans sa rédaction,"crée des charges pour l'Etat et les collectivités locales". Le Gouvernement a toutefois ajouté via un amendement la possibilité des collectivités de "bonifier leurs aides financières ou d'octroyer prioritairement ces aides aux bâtiments à énergie positive". Un autre amendement du Gouvernement, adopté par la commission, permet d'accorder, dans certains secteurs du plan local d'urbanisme (PLU), un "bonus de constructibilité" pour des projets atteignant un certain
Renforcer la lutte contre la précarité énergétique
Le Gouvernement a également intégré par amendement (adopté à l'unanimité) "la performance énergétique dans les critères de décence des logements". Le seuil de performance exigé sera "relevé au fur et à mesure des années par décret".
Un amendement écologiste visant à flécher une part des certificats d'économie d'énergie (CEE) (déterminée par arrêté) vers la précarité énergétique a également été voté, dans le cadre de l'article 8 du texte. "Cette part restant largement insuffisante à l'issue des deux premières périodes (des CEE), il est nécessaire de fixer une proportion (…) permettant notamment de sécuriser le financement du programme Habiter mieux conduit par l'Anah, dont le financement est d'ores et déjà insuffisant et en péril à compter de 2015", indiquent Cécile Duflot et Denis Baupin. Jean-Paul Chanteguet a vu en revanche rejeter son amendement visant à "prévoir un plan contraignant à long terme pour mettre fin à ces situations de précarité énergétique". "Sur 30 millions de logements, 4 millions sont des passoires énergétiques", a-t-il rappelé.
Quatrième période des CEE
Une quatrième période des CEE, comprise entre le 1er janvier 2018 et le 31 décembre 2020, sera dans la loi, ont approuvé les députés. Selon l'amendement déposé par Mme Buis, un arrêté ministériel sera pris et notifié aux intéressés avant le 31 mars 2017. La mise en place de la 4e période des CEE "en conformité avec les objectifs de la Directive Européenne de l'Energie (EED), dotée d'objectifs ambitieux et a minima équivalent à celui de la 3ème période, serait de nature à donner toute son ampleur à ce dispositif", a expliqué la rapporteure.
Tiers-financement
Les députés ont également voté à l'unanimité la création d'un fonds de garantie pour la rénovation énergétique afin d'aider au financement des travaux. Ce fonds sera alimenté par les CEE et les fonds propres de la Caisse des dépôts, a précisé Alain Vidalies. Il "va permettre de faire distribuer par les banques des nouveaux prêts moins coûteux pour les ménages", selon Ségolène Royal.
Après de vifs débats, les députés ont aussi approuvé l'amendement, porté par Sabine Buis et Jean-Paul Chanteguet, qui permet "aux entreprises publiques locales (EPL) de tiers-financement de ne pas être soumises aux conditions d'agrément des établissements de crédit et des sociétés de financement ". Le projet de loi prévoit des sociétés régionales de tiers-financement qui avanceront le coût des travaux de rénovation aux particuliers et se rémunèreront ensuite sur les économies d'énergie réalisées. L'agrément bancaire des sociétés de tiers-financement doit être tranché par un groupe de travail mis en place lors la conférence bancaire et financière pour la transition énergétique fin juin dernier.
Cet amendement renvoie à "un décret le régime prudentiel applicable à ces sociétés, qui pourra donc être simplifié et allégé, compte tenu de leur objet limité". Critiqué par Cécile Duflot, il permet à ces sociétés "de se financer par des ressources empruntées aux établissements de crédit ou sociétés de financement, ou par tout autre moyen". "Le fait de faire bénéficier les collectivités d'une exception sous conditions au monopole bancaire n'enlève en rien la possibilité pour ces dernières de conclure des contrats de partenariat avec les banques", estime M. Chanteguet. Selon l'amendement, ces sociétés de tiers-financement "seront néanmoins soumises à la supervision de l'Autorité de contrôle prudentiel dans leur activité de crédit".