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Car ''beaucoup d'espèces dans le monde risquent de disparaître avant même d'avoir pu être découvertes'', a averti hier Bertrand-Pierre Galey, Directeur général du MNHN, en présentant le nouveau programme à la presse, alors que l'objectif d'enrayer la perte de biodiversité en 2010 ne sera pas atteint par la communauté internationale.
Si selon les scientifiques, il y aurait entre 8 et 30 millions d'espèces vivantes, seuls 1,8 million d'espèces sont répertoriées à ce jour. Le quart, voire la moitié des espèces vivantes, pourrait disparaître d'ici le milieu ou la fin du siècle, a précisé Philippe Bouchet, chargé de mission au MNHN. Alors que 16.000 nouvelles espèces sont décrites chaque année, au rythme actuel des découvertes, il faudrait entre 500 et 1.000 ans aux scientifiques pour achever l'inventaire.
L'objectif de la nouvelle expédition est donc d' ''accélérer la découverte d'espèces nouvelles pour la science'', avec des moyens technologiques modernes comme le catamaran ''Antéa'' mis à disposition par l'Institut de recherche pour le développement (IRD) qui effectuera des campagnes de recherche dans l'Océan Indien.
Les premières cibles de la mission pour 2009 et 2010 sont Madagascar et le Mozambique, deux régions d'Afrique identifiées comme des espaces d'explorations ''majeures et prioritaires'' qui seront dédiées à la biodiversité ''négligée'' : invertébrés marins et terrestres, plantes, champignons....
Les forêts côtières du Nord du Mozambique menacées de déforestation
La première étape de la campagne : l'expédition terrestre dans les forêts côtières du Nord du Mozambique, menée, de novembre à décembre 2009, sous la direction d'Olivier Pascal, directeur des programmes pour l'ONG Pro-Natura International. Cette mission a pour objectif principal ''la description des vestiges'' des forêts côtières sèches du Nord Mozambique qui figurent sur la liste des 25 sites forestiers prioritaires pour la conservation, a rappelé le directeur. En cause : la déforestation induite par l'agriculture et l'exploitation du bois. L'objectif de cette expédition au Mozambique sera ainsi d'étudier la composition de la faune (petits vertébrés, petits mammifères, chauves-souris, oiseaux, amphibiens, insectes,…) et de la flore (principalement les espèces ligneuses) mais aussi de caractériser les différents types de végétation rencontrés et ''d'en dresser ''l'état sanitaire'' pour d'éventuelles mesures de conservations ultérieures''.
Ce travail sera réalisé à partir de comparaisons établies avec les forêts de Tanzanie et du Kenya qui ont déjà fait l'objet de nombreux inventaires naturalistes alors que ''le conflit dont a souffert le Mozambique pendant près de deux décennies a entraîné un déficit de connaissances sur ce pays''. 25 scientifiques (Afrique du Sud, Zimbabwe, Mozambique, Kenya, Royaume-Uni, France…) participeront ainsi durant 5 semaines à cet inventaire terrestre.
La biodiversité des eaux froides du Sud malgache
De son côté, Philippe Bouchet du MNHN dirigera, d'avril à juin 2010, l'expédition marine dans les eaux froides de l'extrême sud de Madagascar (régions de Fort-Dauphin et Lavanono), ''particulièrement sous-explorée du fait de sa position géographique difficile d'accès et des conditions maritimes particulièrement rudes'', souligne le directeur de l'expédition. Or il y a 15 ans, les collectionneurs de coquillages ont découvert dans le Grand Sud malgache plusieurs dizaines d'espèces nouvelles, a rappelé M. Bouchet. ''Ces quelques coquillages sont la partie émergente de l'iceberg'', a-t-il ajouté soulignant le potentiel ''énorme'' de découvertes dans cette zone.
L'objectif de cette campagne sera d'explorer et de décrire la faune et la flore marines (poissons, algues, mollusques…), avec une exploitation des données sur des questions de macroécologie et la création d'outils de connaissance pour la conservation. ''Les résultats attendus sont la découverte d'espèces nouvelles, la caractérisation barcode de quelque 2.000 espèces de faune et de flore et la caractérisation des grandes unités géographiques et des peuplements'', selon Philippe Bouchet. Cette expédition réunira une cinquantaine de participants locaux et internationaux, dont une quinzaine de chercheurs, techniciens ou plongeurs. Deux expéditions, menées en avril dernier puis en juin et juillet, par ''la Planète revisitée'' ont permis d'explorer les fonds crevettiers du Canal du Mozambique à Madagascar. De nombreuses espèces, inconnues des participants, ont déjà été échantillonnées, a souligné l'océanographe.
Au total, une centaine de participants de 15 pays vont se rendre sur le terrain au Mozambique et à Madagascar, soit un budget d'environ deux millions d'euros sur trois ans. Les résultats des études seront publiés de manière scientifique mais aussi à destination du grand public. Un site internet* dédié à cette série d'expéditions a été mis en ligne par le Muséum national d'Histoire naturelle. Après le Mozambique et Madagascar, l'expédition naturaliste pourrait dresser, selon Olivier Pascal, l'inventaire de la biodiversité présente dans le Bassin méditerranéen ou en Papouasie-Nouvelle- Guinée.
Après la goélette ''Tara'', partie de Lorient le 4 septembre dernier pour une mission de trois ans sur tous les océans de la planète, puis le trois-mâts ''La Boudeuse'' qui a repris la mer le 21 octobre pour 2 ans de recherches scientifiques de l'Amérique du Sud à l'Océan Pacifique, les expéditions pour la biodiversité ont le vent en poupe.
* www.laplaneterevisitee.org