La publication le 11 mai du rapport de la commission d'enquête sénatoriale sur la compensation des atteintes à la biodiversité ne va pas forcément faire avancer les choses sur Notre-Dame-des-Landes (NDDL). Chaque camp se prévaut de l'audition d'une ou plusieurs personnalités qui nourrit son propre point de vue. Ce sera le préfet de région, d'un côté, selon lequel "l'impératif ERC a été respecté de manière précise". Ce sera le collège d'experts scientifiques de l'autre pour lequel le dimensionnement de la compensation a été entravé par un jeu de données sur l'état initial "incomplet, sinon biaisé".
Ce sur-place permet en tout état de cause de préserver un milieu devenu unique non pas par le caractère exceptionnel des espèces qu'il abrite mais en tant que vestige d'un système bocager aujourd'hui quasi disparu. Une préservation qui résulte paradoxalement de la neutralisation de cette zone depuis 50 ans en vue de la création de l'aéroport.
"Pas de site de substitution"
"Le site de Notre-Dame-des-Landes ne présente pas, du point de vue de la flore, des caractéristiques d'exception" mais il "s'avère d'une réelle richesse pour les batraciens, les reptiles, les chauves-souris, tant par la présence d'espèces menacées que par la taille des populations (..). Pour autant, ce n'est pas un ensemble d'exception", estime le Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) dans son rapport de mars 2016 sur les alternatives à NDDL.
"Cette richesse est induite par la création de la zone d'aménagement différé (ZAD) en 1974", rappelle le préfet de région Henri-Michel Comet à l'occasion des auditions de la commission d'enquête. Cette création a en effet permis de soustraire ces milieux au remembrement et à l'agriculture intensive qui ont ruiné le paysage de bocage de l'Ouest. Ce site est devenu unique "parce qu'il reste le dernier témoin d'un système de bocages alors que les sites voisins ont été drainés et remembrés", confirme Julien Tournebize, rapporteur du collège des experts scientifique relatif à l'évaluation de la méthode de compensation.
Des activités humaines ont perduré sur le site mais elles ont permis "par des pratiques agricoles extensives, de conserver une grande richesse sur le plan des cortèges faunistiques et floristiques des habitats présents", explique Serge Muller, co-rapporteur du collège des experts. "Ce qui fait l'intérêt du site, ce sont les interactions entre les différents milieux. C'est ce qu'on appelle un écocomplexe", ajoute le scientifique.
Au-delà des difficultés à mettre en œuvre les mesures de compensation du fait d'une sous-évaluation des besoins de surfaces et de coûts que pointe le sénateur écologiste Ronan Dantec, se pose la question de l'équivalence d'un site devenu unique. Par rapport aux critères du schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux (Sdage), qui prévoit de recréer ou de restaurer des zones humides équivalents sur le plan fonctionnel, "on est loin du compte", estime Serge Muller. "Il faudrait un autre site de substitution, or il n'y en a pas à ma connaissance", tranche le scientifique.
"S'il n'y a pas d'évacuation, le projet sera mort"
Strict respect des obligations de compensation selon les pouvoirs publics et les partisans du projet. Impossibilité de mettre en œuvre cette obligation réaffirmée par la récente loi sur la biodiversité selon les opposants et de nombreux scientifiques. L'absence de décision pourrait perdurer. D'autant qu'Emmanuel Macron a soufflé le chaud et le froid sur ce projet, évoquant la nomination d'un médiateur pendant six mois tout en affirmant vouloir aller "au bout des choses".
Une absence de décision dont les partisans de l'aéroport ont bien compris le danger. "J'ai peur que le médiateur soit une nouvelle façon très hollandaise de remettre à demain le projet. S'il n'y a pas d'évacuation cette année, le projet sera mort", avertit Bruno Retailleau, président du syndicat mixte aéroportuaire dans les colonnes d'Ouest France.
En attendant, un écosystème bocager préservé continue à témoigner sur le site de Notre-Dame-des-Landes de ce qu'était la campagne d'autrefois.