Près de deux ans après l'injonction initiale du Conseil d'État en la matière, le gouvernement donne enfin une définition légale des variétés végétales rendues tolérantes aux herbicides (VRTH) et poursuit leur réglementation. Préalablement en consultation publique, du 9 au 30 septembre derniers, l'ordonnance signée dans cette optique par le président de la République, Emmanuel Macron, est parue au Journal officiel, ce jeudi 16 décembre.
Un texte attendu depuis près de deux ans
Pour rappel, le 7 février 2020, le Conseil d'État avait donné six mois au gouvernement pour modifier la loi française en conformité avec la décision de la Cour de justice européenne de juillet 2018. Cette dernière confirmait que les organismes obtenus par certaines techniques de mutagénèse (1) devaient être soumis à la réglementation encadrant les organismes génétiquement modifiés (OGM). La décision du Conseil d'État succédait également à un avis de l'Agence de sécurité sanitaire (Anses) de novembre 2019, confirmant des facteurs de risque liés à la culture de VRTH et recommandant le lancement d'études afin de mieux les évaluer.
Puis, en novembre 2021, la Haute Juridiction a prononcé deux astreintes que le gouvernement serait sommé de payer, faute d'action, dans un délai de trois mois. Enfin, cette nouvelle ordonnance fait suite à un décret d'octobre 2020, censé faciliter la traçabilité des pratiques de désherbage en cas d'utilisation de VRTH, et à un premier rapport de l'Anses, remis en février 2021, confirmant l'apparition de résistances chez les adventices dans les parcelles VRTH.
VRTH : définition et conditions
L'ordonnance du 15 décembre 2021 apporte, d'une part, une définition légale des VRTH, qui jusqu'ici « n'étaient pas définies dans la réglementation actuelle », souligne le ministère de l'Agriculture dans un rapport (2) conjointement à la parution du texte de loi. « La définition proposée englobe toutes les VRTH, quel que soit leur mode d'obtention, et les différencie des variétés qui sont naturellement tolérantes à un herbicide, assure le ministère. L'ordonnance crée ainsi dans le Code rural et de la pêche maritime la base légale pour pouvoir répondre à l'exigence du Conseil d'État. »
Le texte comporte, d'autre part, la possibilité d'imposer aux exploitants agricoles de consigner la nature de leur culture VRTH et de leurs pratiques : « La culture d'une variété rendue tolérante aux herbicides peut être subordonnée au respect de conditions techniques relatives notamment aux pratiques agronomiques et aux successions culturales, visant à prévenir les risques pour la santé publique ou l'environnement que son utilisation est susceptible de présenter. » Cette obligation ponctuelle reste soumise à une validation de la Commission européenne. Auquel cas, l'exploitant doit tenir un « registre » dans lequel il consigne « des informations sur la mise en œuvre de ces conditions techniques ». Les « conditions techniques » applicables, à consigner dans le registre par l'exploitant, seront précisées par décret ultérieurement. Par ailleurs, un futur arrêté du ministère viendra lister les variétés concernées par l'ordonnance et « précisera, pour chaque variété, les conditions de culture appropriées, parmi celles prévues dans le décret ».
C'est sur ce sujet que la consultation publique (3) met en évidence un point de vigilance. La question de la publication de ces données inquiète le monde agricole : « Plusieurs dizaines de destructions volontaires ont eu lieu ces dernières années sans que des mesures de lutte contre celles-ci soient mises en place, signale l'une des contributions retenues par la Direction générale de l'alimentation au terme de la consultation. Ainsi, rendre obligatoire une telle déclaration reviendrait à créer une donnée qui pourrait ensuite être publiée du fait qu'elle touche à l'environnement. De fait, cela exposerait toute parcelle située dans une zone faisant l'objet d'une déclaration à la destruction exacerbant les tensions et difficultés actuelles. »