Annoncée mercredi 20 avril en conseil des ministres, l'ordonnance relative à la consultation locale sur les projets susceptibles d'avoir une incidence sur l'environnement a été publiée ce vendredi 22 avril au Journal officiel. Ce nouveau texte vient préciser de nombreux aspects de la procédure de consultation locale et plus particulièrement celle prévue le 26 juin prochain pour l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes.
Très critiqué par les juristes, l'encadrement des projets susceptibles de faire l'objet d'une consultation locale a été révisé. "La décision de consulter les électeurs pourra être prise tant que le processus décisionnel conduisant à la réalisation du projet ne sera pas achevé, c'est-à-dire tant que l'ensemble des autorisations nécessaires n'ont pas été délivrées", expliquent les auteurs du texte dans le rapport au Président de la République. Pour Raphaël Romi, professeur de droit public à la faculté de droit de Nantes et signataire de l'appel des juristes, "cette formulation est ambiguë et entretient l'impression que tant que la chaîne de décision reste inachevée il ne s'agit que d'un projet. Or, juridiquement c'est faux". "Cette rédaction est le reflet de la volonté du gouvernement de tordre la formulation jusqu'à rentrer dans le cadre de la loi Macron. Mais il s'agit d'une violation nette du principe de sécurité juridique qui, taillée sur mesure pour le projet d'aéroport de Notre-Dame-des-Landes, met en danger tous les autres projets", souligne Arnaud Gossement, avocat et spécialiste en droit de l'environnement. "A l'avenir, lorsque les voies juridiques seront épuisées, des opposants pourront toujours réclamer une consultation locale. Cela aurait pour conséquence de remettre en cause à tout moment les droits des porteurs de projets et des maîtres d'ouvrage", ajoute-il.
Le gouvernement passe outre les prescriptions des experts
Le périmètre de la consultation est lui aussi soumis à de vives contestations de la part des opposants au projet d'aéroport. L'ordonnance prévoit que seuls les électeurs "du territoire couvert par l'enquête publique dont le projet a fait l'objet" seront consultés. A défaut, il est prévu que le périmètre de la consultation soit défini en fonction des impacts environnementaux du projet. Une modification qui adapte plus ou moins le texte aux prescriptions du rapport Richard qui conseillait également la prise en compte des impacts sociaux et économiques. "Si on avait appliqué les critères environnementaux et économiques à la consultation pour l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes, le périmètre de la consultation s'étendrait également à la Loire et à la Bretagne, notamment en raison de la protection des espèces et du droit de l'eau", souligne Raphaël Romi.
Mais ce n'est pas la seule déception pour les membres de la commission Richard. A l'occasion des débats sur la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, dite "loi Macron" qui a habilité le gouvernement à réformer la procédure de consultation publique par ordonnance, ils avaient obtenu deux garde-fous. Le gouvernement s'était engagé à consulter le Parlement et le Conseil national de la transition écologique (CNTE) sur le projet d'ordonnance. Le sénateur écologiste Denis Baupin avait d'ailleurs obtenu du rapporteur du gouvernement, l'engagement qu'un avis négatif du CNTE ferait obstacle à l'adoption du texte. Mais après le revers infligé par les membres du conseil le 24 mars dernier, il semble qu'on se soit gardé de le consulter à nouveau.
En revanche, la nouvelle ordonnance suit les préconisations de la commission Richard en confiant à la Commission nationale du débat public (CNDP) l'élaboration du dossier d'information comprenant un "document de synthèse" relatif à la consultation ; contrairement au projet initial, qui prévoyait la constitution d'une commission ad hoc. Mais selon Arnaud Gossement, "c'est regrettable. Le rôle de la CNDP est réduit à un travail de secrétariat, il s'agit de synthétiser de l'information dans un délai beaucoup trop court pour assurer la qualité du dossier. Sa saisine va légitimer le projet de consultation sans garantir un réel droit à l'information pour les électeurs. C'est du greenwashing".
Les modalités définitives de la consultation portant sur le projet d'aéroport de Notre-Dame-des-Landes devraient rapidement être connues, puisque le décret d'organisation doit être publié avant le 26 avril prochain pour intervenir dans les délais.