Le délégué interministériel au plan de sortie du glyphosate et de réduction des phytosanitaires Pierre-Etienne Bisch a publié, début août, un état des lieux des actions entreprises au 31 juillet 2019. Pour rappel, ce plan, présenté en avril 2018, tend à diviser par deux l'utilisation des phytosanitaires d'ici 2025 (Ecophyto 2+) et à abandonner les principaux usages du glyphosate d'ici fin 2020 et l'ensemble de ses usages avant fin 2022. Il liste les actions à entreprendre à l'échelle européenne ou nationale, réglementaire, scientifique ou sur le terrain.
Supprimer les substances les plus préoccupantes
Le plan d'action prévoit que la France s'opposera systématiquement, à l'échelle européenne, au renouvellement des autorisations des substances les plus préoccupantes pour la santé et l'environnement. "En 2018, ce sont ainsi 14 substances qui n'ont pas été renouvelées au niveau européen", indique le délégué interministériel dans son rapport.
Dans ce cadre, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation (Anses) a actualisé la liste des substances présentant un critère d'exclusion. D'ici le mois d'octobre, elle examinera, pour les substances les plus préoccupantes, les signalements (phytopharmacovigilance) et les éléments justifiant la réouverture de l'examen de l'approbation par l'Union européenne ou des autorisations en vigueur.
"Par ailleurs, le nouveau règlement (adopté au Conseil européen en juin 2019) pour un cadre d'évaluation des risques, plus transparent et plus durable, reprend plusieurs mesures soutenues par la France, en particulier la possibilité pour les instances européennes de réaliser des études indépendantes pour les substances sujettes à controverses", se félicite Pierre-Etienne Bisch.
Renforcer le cadre réglementaire
Au niveau national, l'ordonnance du 24 avril 2019 organise la séparation des activités de vente et de conseil à l'utilisation des produits phytopharmaceutiques à partir de 2021. L'objectif est de "prévenir tout risque de conflit d'intérêts qui pourrait résulter de la coexistence chez un même opérateur des activités de conseil ou d'application et de vente de produits phytopharmaceutiques", rappelle le délégué interministériel. Et de "garantir aux utilisateurs professionnels un conseil stratégique, pluriannuel, individualisé et un conseil spécifique, répondant à un besoin ponctuel, qui concourent effectivement à la réduction de l'utilisation, des risques et des impacts des produits phytopharmaceutiques".
Par ailleurs, cette ordonnance pérennise le dispositif des certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (Cepp) qui vise à inciter les distributeurs de phytosanitaires à promouvoir et encourager les actions de réduction auprès des utilisateurs. Une première obligation sera fixée aux opérateurs pour 2020. Le projet de décret est actuellement soumis à consultation.
Dans le cadre de la loi de finances, la redevance pour pollutions diffuses a été révisée pour prendre en compte la dangerosité des produits phytopharmaceutiques. "En particulier, la taxation à compter du 1er janvier 2019 des substances cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques (CMR) de catégorie 1 (caractère CMR avéré) et 2 (caractère CMR probable) est passée de 5,1 euros par kg de substance active à 9 euros. Une surtaxe de 2,5 euros par kg et 5 euros par kg est applicable aux substances respectivement soumises à substitution (qui devraient être remplacées lorsqu'il existe des alternatives plus sûres et économiquement viables) ou à exclusion (ces substances ne devraient plus être approuvées compte tenu de leur profil toxicologique)", précise le rapport. Ces nouvelles dispositions devraient engendrer 50 M€ de recettes supplémentaires aux agences de l'eau en 2020.
Le décret du 16 avril 2019 définit une procédure d'évaluation et d'autorisation allégée pour les substances naturelles à usage biostimulant et aux préparations naturelles peu préoccupantes (PNPP) en contenant. "Un cahier des charges en ce sens est en cours de mise au point", précise le délégué.
De nouveaux textes attendus à l'automne
Enfin, la loi Egalim prévoit la mise en place de chartes départementales pour protéger les riverains lors des traitements. Elles devraient prévoir des distances minimales à respecter (zones de non traitement), des matériels d'épandage à utiliser et une information préalable des riverains avant les épandages. Des projets de décret et d'arrêté devraient prochainement être soumis à consultation du public, puis notifiés à la Commission européenne pour une publication d'ici la fin de l'année.
Concernant l'impact des substances sur les insectes pollinisateurs, des propositions d'évolutions réglementaires seront soumises au groupe de travail dédié à cette question et mis en place en mars dernier. Il s'agira de réviser l'arrêté du 28 novembre 2003 relatif aux conditions d'utilisation des insecticides et acaricides en vue de protéger les abeilles et autres insectes pollinisateurs.
La stratégie nationale de déploiement du biocontrôle, prévue par la loi Egalim, devrait être soumise à consultation du public ce mois-ci.
Glyphosate : bientôt un point sur l'engagement des filières
Concernant la sortie du glyphosate, l'Anses participera au processus européen de réévaluation de la substance, dont l'échéance d'approbation est fixée à fin 2022. Elle réalise également "une évaluation comparative des produits contenant du glyphosate pour lesquels un renouvellement des autorisations de mise sur le marché (AMM) est demandé (...). A l'issue de cette évaluation comparative, ne pourront être maintenues que les utilisations sans alternative ne présentant pas de risque supérieur et qui seront sans impact technique ou économique majeur", précise le délégué. Une étude expérimentale sur la cancérogénicité du glyphosate va être lancée. Les résultats sont attendus sous 18 mois.
Par ailleurs, des projets de recherche et innovation sont soutenus pour lever les impasses techniques à la sortie du glyphosate. "Trois projets d'expérimentation concernant la sortie du glyphosate pour la viticulture, les grandes cultures en général et l'agriculture de conservation en particulier ont été retenus pour un budget de près de 1 million d'euros".
Enfin, le gouvernement devrait communiquer à l'automne sur l'engagement des filières dans la sortie du glyphosate et la réduction des phytosanitaires.