Le PDG de l'Institut national de la recherche agronomique (Inra), Philippe Mauguin, a remis au ministre de la Recherche et au Secrétaire général pour l'investissement (SGPI) un rapport définissant les lignes directrices du programme prioritaire de recherche, intitulé "Cultiver et protéger autrement", annoncé en juillet 2018 et doté de 30 M€. Sur la base de ces propositions, un appel à projets sera lancé en juin prochain.
Un horizon à 10 ou 15 ans
Le rapport propose une feuille de route pour la recherche sur les alternatives aux produits phytosanitaires : “On sait qu'il faut environ 10 à 15 ans pour que des projets de recherche aient un impact en termes d'innovation ou de changement de pratiques. Dans la perspective de préparer la période 2030-2040, l'objectif est de déployer des recherches fondamentales et d'élaborer des outils structurants dont les résultats construiront les solutions de demain pour réduire fortement et se passer des pesticides”, souligne l'Inra.
Le rapport préconise de privilégier la prophylaxie : c'est-à-dire les actions qui permettent d'éviter l'apparition, la propagation ou l'aggravation des pressions, en favorisant les régulations biologiques. “Plusieurs principes prophylactiques, mobilisables en production végétale, sont d'ores et déjà connus : diversifier les rotations, utiliser des variétés résistantes et compétitives vis-à-vis des mauvaises herbes, associer plusieurs variétés complémentaires sur ces caractères, cultiver simultanément plusieurs espèces dans une même parcelle (...)”, indique l'Inra.
Permettre aux cultures de résister aux pressions
Il s'agira de maîtriser ces mécanismes pour le plus grand nombre d'espèces et de systèmes de production, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. L'Inra identifie des pistes de recherche, notamment sur les couverts végétaux à forte diversité fonctionnelle ou encore la conception innovante des systèmes des cultures et le déploiement du biocontrôle. L'Inra plaide pour la mise en place de dispositifs augmentés d'épidémiosurveillance, utilisant l'intelligence artificielle, pour développer la prophylaxie.
La recherche devra également plancher sur l'augmentation de la biodiversité fonctionnelle pour renforcer les régulations biologiques et les services écosystémiques, à l'échelle de la plante, de la parcelle, du système de culture et jusqu'au paysage, et à différentes échelles de temps.
Il faudra enfin repenser l'organisation des filières actuelles et mettre en place de nouvelles filières de transformation et de commercialisation, pour accompagner cette diversification des systèmes de culture.
Le programme “s'attachera à s'articuler et à exploiter scientifiquement les expérimentations et les initiatives locales sur les systèmes "zéro pesticide", qui existent déjà à l'initiative d'acteurs de terrain, dans le cadre de dispositifs locaux d'innovation, et dans le cadre du Plan Ecophyto (Dephy expe)”, précise le rapport.
Enfin, une partie du programme devra se pencher sur les expositions aux produits phytosanitaires : “L'usage des pesticides a conduit au fil du temps à l'accumulation des produits et de leurs dérivés dans différents compartiments de l'environnement”, explique l'Inra.