Les éco-organismes chargés de la collecte des déchets d'équipements électriques et électroniques (DEEE) affichent des taux de collecte très en deçà des objectifs européens qu'ils sont tenus d'atteindre. Cet écart s'expliquerait par des « fuites » qui rendent inaccessibles environ un tiers du gisement de DEEE ménagers et la moitié des DEEE professionnels, explique une étude qu'ils ont commandée. Cette fraction difficile à collecter ne devrait pas être prise en compte dans le calcul du taux de collecte, plaide le rapport.
L'étude prend ainsi le contrepied de la solution retenue par la loi Antigaspillage pour une économie circulaire (Agec). En cas de non-atteinte des objectifs de collecte, la loi propose d'augmenter les moyens qui y sont consacrés en relevant la contribution financière versée par les metteurs en marché aux éco-organismes.
1,8 million de tonnes de DEEE
En 2019, le gisement des DEEE ménagers (1) a atteint 1,49 million de tonnes, soit 22,3 kg par habitant, selon la méthode de calcul commune européenne. Cela représente 514 millions d'équipements, soit 7,7 unités par habitant. Le gisement des DEEE professionnels (2) est, quant à lui, évalué à 323 000 tonnes.
Que deviennent ces déchets ? L'essentiel, soit 77 % des DEEE ménagers, est jeté. Les exutoires sont très variés : dépôt en déchèteries et reprise par un vendeur ou apport en magasin, pour l'essentiel. Une fraction rejoint les ordures ménagères résiduelles (OMR) ou le bac de tri, voire est abandonnée sur le trottoir. Les 23 % restant sont réemployés, notamment par le biais de la revente en ligne ou d'un don à un proche.
Les DEEE professionnels se distinguent par un taux d'exportation important, qui atteint près de 25 % du total, si l'on considère que les 41 000 tonnes non tracées sont exportées illégalement.
Des « fuites » échappent aux éco-organismes
Et que dit la réglementation européenne ? Elle impose que les éco-organismes collectent 85 % de ces gisements. Actuellement, les résultats sont très éloignés de la cible : le taux de collecte des DEEE ménagers est de 52 % et celui des DEEE professionnels de 27 %. L'analyse par catégories montre que, parmi les DEEE ménagers, seule la collecte des panneaux photovoltaïques atteint l'objectif. S'agissant des DEEE professionnels, uniquement la collecte des cartouches d'impression atteint 85 % du gisement.
Comment expliquer ces mauvaises performances ? L'étude estime que des flux échappent aux éco-organismes. Ces « fuites » sont les DEEE collectés par les ferrailleurs sans contrat avec les éco-organismes (environ 20 % des DEEE ménagers), les erreurs de tri (12 % des DEEE ménagers seraient jetés avec les OMR ou dans le bac de tri) ou encore les équipements usagés et DEEE exportés (4 à 10 % des DEEE ménagers).
Le constat est similaire pour les DEEE professionnels, mais dans des proportions différentes : la collecte avec les déchets métalliques (hors contrat avec les éco-organismes) est estimée à 42 % du gisement, les exportations à 12 %, l'élimination hors filière à 10 % et un delta (comprenant notamment les exportations illégales) à 13 %.
Quoi qu'il en soit, l'étude estime que les éco-organismes n'atteignent pas leur objectif de collecte parce qu'« ils ne sont (…) pas en maîtrise de l'intégralité des flux ».
Ne viser que le gisement disponible
Au-delà, le rapport suggère surtout de revoir à la baisse le gisement utilisé pour fixer l'objectif de collecte. Dans les grandes lignes, il propose de calculer un « gisement disponible à la collecte » (GDAC) composé de la collecte actuelle des éco-organismes à laquelle seraient ajoutées un peu moins d'un tiers des DEEE ramassés avec les métaux et la moitié de la collecte hors filière (ordures ménagères, encombrants, collecte sélective, etc.). « Les objectifs de collecte des éco-organismes devraient tendre vers 100 % du GDAC », explique l'étude.
Concrètement, le GDAC proposé est de 954 000 tonnes pour les DEEE ménagers, soit une réduction de plus d'un tiers par rapport à celui retenu actuellement par la méthode européenne. Avec une collecte de 780 000 tonnes en 2019, les éco-organismes auraient ainsi atteint un taux de collecte de 81 %, un taux plus élevé que les 52 % affichés actuellement. Quant aux DEEE professionnels, le calcul aboutit à un gisement divisé par plus de deux (à 153 000 tonnes) et un taux de collecte qui passerait à 43 % au lieu de 27 % aujourd'hui.
Quant au gisement « non disponible à la collecte », il reviendrait aux pouvoirs publics de prendre des mesures pour le réduire progressivement afin qu'il soit réintégré dans le calcul du taux de collecte.