Le ministère de la Transition écologique met en consultation le futur cadre règlementaire de la filière de responsabilité élargie des producteurs (REP) de pneumatiques. Outre l'application de l'ensemble de la réglementation applicable aux filières REP, ce texte introduit de nouvelles obligations concernant la collecte des pneus d'ensilage, la reprise par les distributeurs et la gestion de ces déchets dans les territoires ultramarins. La consultation est ouverte jusqu'au 7 octobre.
Pour rappel, depuis le décret de 2002, les déchets de pneumatiques sont pris en charge par Aliapur dans le cadre d'un dispositif assimilé à une filière REP. Celui-ci a déjà fait l'objet d'une refonte, fin 2015. L'article 62 de la loi Antigaspillage et économie circulaire (Agec) va plus loin et prévoit la création, en janvier 2023, d'une filière REP en bonne et due forme pour les pneus « associés ou non à d'autres produits ».
Mettre fin aux systèmes individuels fantômes
Avec ce décret, les pouvoirs publics font entrer la filière des pneumatiques dans le cadre général de la REP. Depuis plus de dix ans, la question de l'agrément de l'éco-organisme et de l'application du cadre de la REP anime la filière. Cette évolution devrait déjà être chose faite depuis 2020, en application de la loi de 2014 relative à l'économie sociale et solidaire. Mais la disposition n'a jamais été mise en œuvre. Pourtant, l'État défend la réforme, car elle permet un contrôle plus strict de l'éco-organisme Aliapur. Elle est aussi l'occasion de « mettre fin aux systèmes individuels fantômes n'exerçant aucune activité de prévention et de gestion des déchets de pneumatiques », explique le ministère.
Gestion des pneus d'ensilage
Surtout, le texte améliore les dispositions concernant la collecte et le traitement. Il sera ainsi interdit d'envoyer en décharge des pneus (ce qui est déjà le cas) ou de les incinérer (ce qui est nouveau). Le projet s'attaque aussi à la gestion du stock de pneus disséminés dans les exploitations agricoles, où ils sont employés pour maintenir les bâches d'ensilage (l'envoi de pneus y est normalement interdit depuis 2015). Le décret prévoit d'intégrer la collecte et la gestion de ces pneus au cahier des charges de l'éco-organisme.
Pour l'instant, ce stock historique fait l'objet d'un accord volontaire. En 2019, les pouvoirs publics et les manufacturiers se sont accordés pour collecter progressivement les pneus d'ensilage. Calquée sur l'opération Recyvalor de la collecte des dépôts sauvages (un gisement de 55 000 tonnes géré entre 2008 et 2017), cette initiative doit permettre de collecter jusqu'à 15 000 tonnes par an. L'Agence de la transition écologique (Ademe) évaluait le stock, en 2006, à 800 000 tonnes.
Reprise en magasin et par les collectivités
Une autre mesure d'amélioration de la collecte est le renforcement de l'obligation de reprise en magasin. Il s'agit d'abord de la reprise sans frais des pneus usagés lors de l'achat de pneus neufs (reprise « un pour un »), qui s'impose déjà à l'ensemble des vendeurs de pneus. Nouveauté : la reprise sans achat (reprise « un pour zéro ») s'imposera à partir de 2024 à tous les magasins de pneus pour véhicules légers ou motos disposant d'une surface de vente consacrée à ces produits d'au moins 250 m2 (en intégrant la surface consacrée au stockage). Cette reprise sera limitée à huit pneus usagés par an et par personne.
Le décret prévoit aussi que les éco-organismes mettent à disposition gratuitement des déchèteries publiques qui le demandent des contenants et les équipements de protection individuelle (EPI) adaptés à la collecte des pneus. « Cette mise à disposition peut prendre la forme d'un soutien financier », prévoit le texte, précisant qu'il s'agit d'un soutien additionnel à celui que pourrait verser l'éco-organisme dans le cadre du financement d'une collecte par le service public.
Déléguer la gestion en outre-mer
Le texte reprend des règles appliquées actuellement par Aliapur pour la reprise gratuite des pneus. Il interdit ainsi aux détenteurs de rendre les pneus impropres à la valorisation et leur impose de les conserver à l'abri des intempéries. En outre, il exige que le tri, le transit, le regroupement et le traitement des pneus usagés soient réalisés dans une installation classée (ICPE). Par ailleurs, tous les gestionnaires devront être enregistrés auprès de l'éco-organisme avant juillet 2023. Cet enregistrement remplace l'obligation d'agrément préfectoral des collecteurs de pneus, supprimée dans le cadre de la simplification administrative.
Enfin, une dernière disposition vise la gestion des pneus en outre-mer. L'éco-organisme pourra y déléguer la mise en œuvre de ses obligations, sans toutefois transférer la responsabilité liée à l'agrément. L'objectif est que les performances de la filière en outre-mer soient comparables à celles en métropole. Concrètement, il s'agit de lier Aliapur aux associations locales de gestion des pneus usagés de certains territoires (Guadeloupe, Guyane, Martinique et La Réunion). « Ces associations locales regroupent leurs propres producteurs locaux (adhérents), perçoivent des contributions financières (le montant pouvant être plusieurs fois supérieur à celui des éco-organismes en métropole) et organisent la collecte et le traitement des pneus de façon très dépendante des conditions locales. »