Le statut de "déchet" donné par la réglementation aux terres excavées, qu'elles soient ou non polluées, gêne leur valorisation dans des opérations d'aménagement ou de génie civil. Cette qualification impose en effet des modalités de traçabilité et de responsabilité plus contraignantes. "Tout producteur de déchets est responsable de la gestion de ses déchets jusqu'à leur élimination ou valorisation finale", rappelle en particulier le BRGM (Bureau de recherches géologiques et minières) dans un guide publié en novembre 2017.
Le ministère de la Transition écologique a donc décidé de faciliter la vie des aménageurs au moment où des volumes très importants de terres excavées doivent être gérés avec des projets ambitieux comme celui du Grand Paris. A cette fin, il soumet un projet d'arrêté (1) à la consultation du public (2) jusqu'au 20 juin prochain. Ce texte a pour objectif de faire perdre le statut de déchet à des terres excavées ou des sédiments de dragage destinés à une utilisation en génie civil ou en aménagement.
Des sédiments dangereux peuvent sortir du statut
Pour sortir de leur statut, les déchets doivent répondre à un certain nombre de conditions précises. En premier lieu, les seuls déchets acceptés dans le processus de préparation en vue de leur réutilisation sont ceux relevant des codes suivants :
17 05 03* Terres et cailloux contenant des substances dangereuses
17 05 04 Terres et cailloux autres que ceux visés à la rubrique 17 05 03
17 05 05* Boues de dragage contenant des substances dangereuses
17 05 06 Boues de dragage autres que celles visées à la rubrique 17 05 05
20 02 02 Terres et pierres.
Des terres excavées ou des sédiments dangereux, qui perdent leur caractère dangereux après un traitement conforme à la réglementation, peuvent donc sortir du statut de déchet. La procédure de sortie du statut de déchet peut être réalisée par le maître d'ouvrage du site d'excavation, le maître d'ouvrage du site de valorisation ou l'exploitant d'une plateforme intermédiaire entre ces deux sites.
Ensuite, les terres excavées et sédiments non dangereux issus de la préparation ne peuvent être mis en œuvre que s'ils sont compatibles au plan sanitaire avec l'usage futur du site receveur, si la qualité de ce site est maintenue et que la préservation de la ressource en eau et des écosystèmes est assurée. Pour cela, les terres doivent répondre aux exigences définies par trois guides techniques :
- Acceptabilité de matériaux alternatifs en techniques routières – Évaluation environnementale (Cerema -ex-Setra- 2011),
- Acceptabilité de matériaux alternatifs en techniques routières – Les matériaux de déconstruction issus du BTP (Cerema - 2016),
- Guide de valorisation hors site des terres excavées issues de sites et sols potentiellement pollués dans des projets d'aménagement (BRGM – 2017).
Le ministère de la Transition écologique propose un logigramme de décisions présentant les étapes obligatoires et facultatives permettant d'être conforme à l'arrêté de sortie du statut de déchet (SSD). "Dans le cas où les terres excavées et les sédiments ne sont pas conformes à l'arrêté de SSD, ils peuvent tout de même être valorisés sous le statut de déchet, sous réserve du respect de la réglementation applicable à la valorisation de ces matériaux", précise le ministère.
Contreparties financières possibles
La personne réalisant la préparation devra en outre conclure un contrat de cession avec l'aménageur qui mettra en œuvre les terres ou consigner les informations exigées par ce contrat (période d'excavation, volume des terres, préparation réalisée, usage retenu, etc.) dans un manuel qualité. Un système de gestion de la qualité doit en effet couvrir les différentes opérations de gestion des déchets. La personne réalisant la préparation doit aussi produire une attestation de conformité qui devra être transmise aux utilisateurs des terres. Les terres excavées et sédiments devront être identifiés par un numéro unique et par la référence de l'installation de valorisation afin de garantir une traçabilité. Outre ces exigences prévues par l'arrêté, les obligations du code de l'environnement relatives au registre des déchets et au bordereau de suivi restent applicables. Enfin, le texte impose des inspections visuelles et/ou administratives des déchets selon les cas, ainsi que des prescriptions de stockage.
Précision importante du ministère : le propriétaire du site d'accueil des terres sorties du statut de déchet peut recevoir des contreparties financières. En effet, l'article L. 541-32-1 du code de l'environnement (3) , qui interdit ces contreparties pour les déchets, ne s'applique plus puisque les terres ont perdu leur statut de déchet.
Reste à voir si cet assouplissement de la réglementation favorisera la réutilisation des terres en apportant les garanties qui s'imposent en matière d'environnement. En novembre dernier, l'association Robin des bois avait dénoncé les risques liés à la sortie du statut de déchet alors que le gouvernement venait de supprimer la commission consultative dédiée à ce statut et de déposer un projet de loi supprimant l'obligation de traitement dans une installation classée (ICPE). Parmi les exemples avancés, l'ONG citait les terres polluées excavées du Grand Paris "exportées dans les carrières de Normandie et de Picardie par camions ou étalées en remblais sur les prairies".