
La filière bois de construction, à commencer par les industriels des panneaux de process, s'inquiète d'un manque de ressources en France du fait de la demande en bois énergie nécessaire pour remplir l'objectif des 23% d'énergie renouvelable d'ici 2020 fixé par l'UE et inscrit dans la loi Grenelle. Cet objectif représentera une production globale de 37 Mtep d'ici 2020 d'EnR dont près d'un tiers pourrait être issu du bois énergie, soit 12,6 Mtep, selon le Syndicat des énergies renouvelables (SER). "Pour parvenir à cet objectif c'est 21 millions de mètres cubes de bois supplémentaires qu'il faudra sortir de nos forêts d'ici à 2020 !", avait indiqué Nicolas Sarkozy en mai 2009 à Urmatt, pour soutenir la filière au lendemain de la tempête Klaus.
Deux catégories de bois destinées aux chaufferies sont concernées : le bois rond (grume, bille, rondin ou bûche) et les plaquettes forestières. Mais, depuis ''plus d' un an'', les industriels des panneaux process et d'ameublement font face ''à des difficultés d'approvisionnement'' sur ces matières premières (rondins de bois et produits connexes de scierie) en France et en Europe. Outre la crise, cette situation serait liée ''au développement du bois énergie'', a prévenu le 29 octobre Laurent de Sutter, président de l'Union des industries des panneaux process (UIPP). Conséquence, la filière de bois construction manquerait de ressources disponibles, la France n'exploitant que 60% de ses forêts, a-t-il alerté aux côtés de Laurent Denormandie, président de la Fédération nationale du bois (FNB). Ce problème d'approvisionnement ''déséquilibre la filière'' et ''risque d'amplifier le phénomène'', estime Laurent de Sutter. Selon lui, les industriels des panneaux se trouvent dans l'obligation d'acheter du bois destiné aux scieries qui se trouveraient dans la même situation de pénurie. ''L'offre ne suivra donc pas la hausse de la demande'', ce qui mènera à des importations. Pour l'Union des industries du bois, ''toute l'activité bois construction, en concurrence avec le métal et le béton, risque notamment d'être affaiblie '', s'est inquiété son président Luc Charmasson en soulignant ''une augmentation des prix de plus de 20% depuis mai''.
Vers une pénurie du bois de construction ?
'' Les 20 millions de m3 supplémentaires que nous devons extraire des forêts pour 2020 seront impossibles à sortir ! Ce volume comprend 15 millions de m3 de feuillus, dont 5 millions de m3 de BIBE (Bois Industrie et Bois Énergie) et 10 millions de m3 de bois d’œuvre qui, en scierie, peuvent générer des connexes utilisables par l'industrie'', a pour sa part indiqué le Président de la FNB. Cependant, ''la filière feuillus est en crise de façon structurelle depuis plusieurs années. Ce volume de bois feuillus supplémentaire ne sera donc pas absorbé par le marché et donc ne générera pas de produits connexes, ni de rondins liés à l’exploitation du bois d’œuvre. De son côté, le résineux génère peu de bois énergie. Le bois dont a besoin la filière Énergie risque donc d’être pris sur les gisements actuellement mobilisés'', a-t-il ajouté.
Or, l'utilisation du bois dans les constructions neuves doit être multiplié par dix d'ici à 2020, avait aussi indiqué le Président Sarkozy à Urmatt. M. Denormandie estime qu'il va manquer ''6 millions de m3 de bois supplémentaires d'ici 2020''. Le déficit de bois en Europe pourrait même atteindre les ''400 millions de m3 en 2020'', selon une étude de la FAO citée par les industriels. Pour l'UIPP, ''le type de bois utilisé aujourd'hui pour la production d'énergie n'est pas celui prévu initialement pour cet usage, à savoir les bois rémanents (abandonnés en forêt par les professionnels) et les branches". M. de Sutter dénonce ''une surestimation'' du bois français mobilisable en forêt faite lors du Grenelle. D'autant que les pays européens voisins (Allemagne, Angleterre, Italie, Espagne…) importeraient du bois français pour atteindre les 20% d'EnR en 2020.
Les fabricants de panneaux pointent également du doigt le soutien de l'Etat en faveur du bois énergie, notamment à travers l'augmentation des tarifs d’achat obligatoire de l’électricité produite par des unités de cogénération. Quatre appels d'offre pour développer la production d'électricité à partir de bois / biomasse ont été lancés par la Commission de régulation de l'énergie (CRE) depuis 2004. Or, Laurent de Sutter estime que ''seulement 20% des projets nécessaires à l'atteinte des objectifs EnR ont été mis en œuvre'', ce qui a déjà ''doublé le nombre de kilomètres permettant le transport de la matière première''.
Si le bois résiduel est brûlé localement "c'est parfait", mais s'il est transporté sur longue distance par camion "c'est autre chose", avait estimé Hervé Gaymard, président du Conseil d'administration de l'ONF, à l'occasion de la remise d'un rapport pour le développement de la filière bois publié en octobre.
''Brûler le bois en fin de vie"
''La multiplicité des initiatives tout comme le soutien de l'Etat apporté aux grands projets de cogénération bousculent l'ensemble de la filière'', a dénoncé l'UIPP en appelant à ''rationaliser d'urgence l'utilisation du bois'' . M. de Sutter appelle le gouvernement à revoir les subventions attribuées aux plus grands projets de bois énergie (10.000 à 15.000 tonnes). L'UIPP souhaite aussi que soit privilégiée l'utilisation de bois dans la construction afin de séquestrer du carbone. ''Une augmentation de 4 % de la consommation de bois en Europe permettrait de séquestrer 150 millions de tonnes de CO2 supplémentaires par an''. Les fabricants de panneaux proposent en outre d’orienter les fonds vers la collecte du bois difficile d'accès, une politique de replantation et plaident pour le recyclage du bois en fin de vie. ''Une logique qui pourrait mettre fin aux conflits d'usage et entraîner une économie de subventions qui pourrait servir à mettre en place un système de collecte et de recyclage du bois en fin de vie (ameublement, construction...) à des fins énergétiques'', estiment les industriels du bois.
De son côté, France Biomasse Energie (FBE), commission biomasse du SER, s'appuyant sur les chiffres de l'Ademe, considère que la ''consommation de bois pour produire de l'énergie est restée stable en France sur les deux dernières décennies, qu'il s'agisse du bois destiné aux chaufferies industrielles ou collectives, ou du bois utilisé pour le chauffage domestique''. Rappelant que la filière est ''encadrée'' par les pouvoirs publics, FBE précise que les cahiers des charges des appels d'offre ''exigent un plan d'approvisionnement'' en bois validé par les préfectures.