Une étude gardée sous le coude par la Commission européenne estime que taxer le kérosène réduirait les émissions de CO2 de l'aviation européenne de 11 % sans avoir d'effet négatif sur l'économie.
Aujourd'hui, les taxes sur le kérosène pratiquées par certains Etats de l'UE se montent en moyenne à 11 € par vol. Si toutes les taxes sur l'aviation européenne étaient abolies, le nombre de passagers augmenterait de 4 %. A l'inverse, si une taxe sur le kérosène se généralisait aux pays de l'UE, elle aurait pour effet d'entraîner une baisse de la demande de 11 %, mais les revenus fiscaux dégagés par cette taxe permettraient de compenser les désavantages économiques, qui auraient donc une incidence quasi nulle sur le PIB, démontre l'étude produite par le cabinet hollandais CE Delft.
En outre, un système unifié aurait des effets plus modélisables, alors que la situation actuelle est très disparate, selon que les Etats pratiquent une TVA intérieure sur les vols ou une taxe aux frontières sur le kérosène.
L'aviation européenne sous-taxée
Le rapport a été commandé par la Commission européenne à la suite d'un engagement pris dans le cadre de sa stratégie pour l'aviation de 2015 afin d'examiner l'état de la taxation de l'aviation en Europe. Il passe en revue les taxes existantes, mais aussi les exonérations fiscales et compare les niveaux de taxation. Il conclut que l'aviation européenne est considérablement sous-taxée, même par rapport à des pays tels que les États-Unis, l'Australie, le Brésil et la Chine où il est courant de taxer le kérosène pour l'aviation intérieure.
La deuxième partie du rapport décrit l'impact de trois scénarios de taxation différents dans l'UE 28 : 1) abolir les taxes sur les billets en Europe ; 2) appliquer la TVA sur les billets pour tous les vols à destination, en provenance et en Europe ; 3) appliquer une taxe sur le kérosène sur tous les vols à destination, en provenance et en Europe. Le rapport modélise l'impact sur la demande de passagers, les vols et la connectivité, les emplois, le PIB, les recettes fiscales du secteur de l'aviation, les émissions de CO2 et le bruit.
Un effet nul sur l'emploi en cas de suppression des taxes
Dans le scénario type où les taxes existantes sur les billets sont supprimées (scénario 1), le nombre de passagers, les vols et la connectivité à l'échelle de l'UE augmentent de 4 % et les prix des billets baissent de 4 %. Les émissions de CO2 augmentent de 4 % et le nombre de personnes affectées par le bruit des avions de 2 %. Les recettes des États membres diminuent de 74 %, soit 2,6 milliards d'euros. L'emploi et la valeur ajoutée augmentent de 4 % dans le secteur de l'aviation, ce qui correspond à une baisse égale de 4 % des emplois ailleurs. Donc, l'effet net est de zéro sur l'emploi total et le PIB. "Ce qui contredit les déclarations de l'industrie qui affirme que la suppression des taxes existantes sur les billets entraînerait une augmentation du PIB et de l'emploi total", pointe l'ONG Transport et Environnement.
En revanche, l'imposition d'une taxe minimale de 33 centimes le litre de kérosène sur tous les vols au départ de l'UE vers toutes les destinations entraînerait une augmentation de 10 % du prix des billets. Dans ce scénario, les vols, les passagers et les émissions de CO2 baissent de 11 %, les personnes affectées par le bruit diminuent de 8 % et les recettes fiscales passent de 10 à 27 milliards d'euros. Les emplois et la valeur ajoutée de l'aviation chutent de 11 %, mais l'impact global sur les emplois et le PIB de l'UE est nul en raison de la compensation fiscale.
Des recettes non négligeables en cas de taxe
Si une TVA de 19 % était appliquée sur tous les billets, la demande de passagers et les vols diminueraient de 19 %, les emplois directs et la valeur ajoutée dans l'aviation baisseraient de 18 %, tandis que l'effet global sur les emplois et le PIB de l'UE serait négligeable. Les recettes des États membres passeraient en effet de 10 à 40 milliards d'euros, les émissions de CO2 diminuent de 18 % et les personnes exposées au bruit des avions de 12 %.
Réagissant à ce rapport, la présidente de la Commission des transports du Parlement européen, Karima Delli, estime que "de paradis fiscal pour le kérosène, l'UE doit devenir pionnière de l'action climatique au niveau mondial. L'aviation va devoir contribuer à la réalisation des objectifs climatiques de Paris. Nous ne pouvons plus accepter que ce secteur responsable d'une pollution massive soit privilégié en vertu d'une non-imposition lui procurant un avantage compétitif par rapport aux autres moyens de transport. L'étude précise bien que la taxation du transport aérien pour protéger le climat ne constitue pas un danger pour l'emploi. Pour sauver le climat, l'Union européenne doit donc prendre les mesures qui s'imposent vis-à-vis du secteur de l'aviation mais aussi du transport maritime." L'élue enjoint l'Union européenne à "lancer un plan d'action mondial sur le climat comprenant une taxe sur le kérosène ainsi qu'une taxe européenne sur le CO2".