
Chargé de recherche à la direction des risques et de la prévention du BRGM, unité Risques Côtiers et Changement Climatique.
Actu-environnement : Quels résultats avez-vous pu mettre en évidence lors du projet Cecile dédié à l'impact de l'élévation du niveau de la mer sur le trait de côte ?
Gonéri Le Cozannet : Nous devions notamment répondre à la question : l'élévation de 20 cm du niveau marin observée depuis la fin du 19e siècle a-t-elle eu un impact sur le trait de côte ? Même si ce n'est pas très original, nous avons pu constater que les facteurs locaux jouent un rôle important sur l'évolution du trait de côte. Aujourd'hui, la hausse de 20 cm s'avère moins problématique que l'effet des vagues, des constructions sur le littoral, etc. Ainsi pour deux atolls situés dans le Pacifique pour lesquels le niveau de la mer monte d'environ 2,5 mm par an, nous avons observé deux phénomènes opposés : l'un subit une érosion, l'autre s'agrandit. Ce genre de résultat modère le postulat qu'à chaque fois que le niveau de la mer augmente, nous avons de l'érosion.
AE : Comment avez-vous procédé pour votre suivi ?
GLC : Nous avons suivi l'évolution du trait de côte en Europe et dans des territoires d'Outre-mer notamment en Polynésie : nous avons fait des reconstructions de l'élévation du niveau marin dans le passé.
Le réchauffement de l'eau n'est pas uniforme, certaines couches superficielles se réchauffent davantage : il y a plus de dilatation et le niveau monte plus rapidement. Par exemple, pour Funafuti, un atoll des Tuvalu dans le Pacifique équatorial, le niveau a progressé deux fois plus vite que la normale : de plus, l'atoll est en subsidence, c'est à dire il subit un affaissement lent de la lithosphère : en tout, cela fait 4,5 mm d'élévation par an sur 60 ans au lieu de 1,8 mm observés en moyenne.
AE : Avez-vous pu estimer la part de responsabilité de chacun des facteurs ?
GLC : Nous avons montré que ce n'était pas possible de le faire : aujourd'hui le modèle qui prédit la réponse dynamique du trait de côte à l'élévation du niveau de la mer ne dispose pas d'assez bonnes prévisions pour que les chiffres aient de la valeur.
Par contre, nous pouvons sur le terrain estimer si l'érosion s'avère plus probable lorsque nous avons un niveau de la mer qui monte vite : des sites sur la côte Est des Etats-Unis ou à Hawaï le démontrent. Pour les sites que nous avons suivi en revanche, ils semblent plus affectés par les vagues et les activités humaines, les événements extrêmes, etc.
AE : Avez-vous réalisé des projections sur l'évolution du trait de côte dans le futur ?
GLC : L'incertitude majeure, c'est la fonte des calottes glaciaires : océan plus chaud, écoulements plus rapides des glaciers côtiers, couverture neigeuse moins importante… l'accélération de la fonte n'est pas linéaire. Malgré ces incertitudes, les chiffres qui se dégagent aujourd'hui seraient entre 50 cm et 1 m de l'élévation du niveau marin, à l'horizon 2100.
Si dans le passé, les 20 cm n'ont pas eu beaucoup d'effet, à l'avenir, l'élévation du niveau de la mer posera des problèmes d'érosion, de submersion aggravée… et donc des coûts plus lourds pour maintenir le trait de côte.
AE : Quelles difficultés avez-vous rencontré pour suivre l'évolution du trait de côte ?
GLC : Le premier obstacle, c'est l'accès aux données qui pour beaucoup sont en format papier. Il reste un travail énorme de numérisation d'archives anciennes qui permettraient de visualiser l'évolution de l'environnement.
Dans certaines zones, comme l'Océan Indien, la reconstruction du niveau marin, du fait d'un manque de données est moins fiable que dans le Pacifique.
Enfin, entre l'élévation du niveau marin et les submersions marines, il y a une telle différence d'échelle de temps mais également spatial que ce n'est pas évident de faire un lien incontestable entre les deux.